Nabile FARES
Université de
Grenoble III
SYMBOLIQUES DE
LA LANGUE
ET SEMANTIQUES
DE LA LECTURE
à Jacqueline
ARNAUD.
En quoi le texte maghrébin, dans
sa construction symbolique, se rapporterait-il à lui-même ? Et, autre question, de ce lui-même, que faut-il entendre ? La création du
texte littéraire relèverait-elle des incidences de la lecture ? De cette impossible
séparation de l'écrivain et du lecteur, de cette double fictionnalité de soi-même, qui
intéresse autant l'histoire de l'écrit, que la construction d'une écriture ?
Ainsi serait approchée, dans
l'intimité de l'oeuvre, la résurgence d'un vide laissé par la trace ou la marque
d'une parole ou de paroles toujours prêtes à faire apparaître un nouveau monde de
discours.
Puisqu'il s'agit d'un hommage à
Jacqueline Arnaud, il faudra bien, ici, en quelque sorte, que ressurgisse la voix tue, en
cet article qui rendrait compte de ce que Jacqueline Arnaud fut pour l'enseignement et la
compréhension des oeuvres maghrébines dites de langue française ; en quoi, celles-ci,
de par leur lieu de créativité historique et symbolique, l'intéressaient, en leur
carrefour de plusieurs langues.
Arabe, français, berbère, plus
(+): trame de la langue manquante, de l'histoire manquante, celle que l'écrivain crée à
force d'écoute, de travail, d'inutilité, de lassitude, de désir, de vanité, ou
d'espoir : ainsi dans le labyrinthe ou la facétie des souvenirs, des histoires inventées
ou reproduites, une seule issue, celle de la construction qui restitue les trous, les
manques perceptibles des dépossessions langagières et historiques.
Comme si l'écrivain de trois
langues - même lorsque l'écrivain se rapporte à une seule langue double
"français-arabe ; arabe-français"- dans l'oubli de l'autre langue qui le
crève de part en part "le berbère"- n'était là que pour témoigner, à son
insu, des dépossessions successives dont son texte de naissance (ou ignoré comme tel) se
trouble.
Ainsi, à reprendre le texte
inachevé de La Mémoire tatouée
"de ma
naissance, je sauvegarde
le rite
sacré ..." non pas la langue donc, mais le
rite; ... ou bien, moins explicitement dit, mais effectivement inscrit au programme des
textes ou des livres: le rite sacré de la langue, celle qui, jadis, dans l'anthologie des
peuples de lectures, fonda l'ordre d'une généalogie inscrite dans la durée.
"Sauvegarde" nous est-il dit ?
Et, pour cause : "mon nom
me retient
à la naissance entre
le parfum
de Dieu
et le signe étoilé".
Curieuse application du mystère :
la symbolique du nom impose une sémantique de la lecture : Abdel Kebir, ici, nous aurons
ailleurs, le Khateb, dans le Livre du sang.
Juste retour de l'écrit, de ce
qui peut être inscrit, comme, non plus blessure, mais folie de son propre nom.
L'ancestralité et sa genèse.
Combien de textes se rapporteront
à l'énigme de l'ancêtre commun? De la génération prise dans le tourbillon des
lettres et des histoires, cherchant, à travers les narrations et les livres, la pierre
sacerdotale (stèle ou texte; langue ou témoignage) ou la figure originaire, qui nous
permettrait de fixer, enfin, nos langues, ou nos chaussures.
Jamais l'écart ne fut si grand,
entre l'écriture d'un sens et le sens d'une écriture, et Jacqueline Arnaud, dans la
douleur et le courage de ses propres récits, sut, à sa manière, en rendre compte.
Extrait de la revue Itinéraires et contacts de cultures, Paris, L'Harmattan et Université Paris 13, n° 10, 1° semestre 1990. | |
Copyright L'Harmattan et Université Paris 13. Tous droits réservés. |
Sommaire du volume | |
Commander le volume | |
Page d'accueil du site Limag (Littérature maghrébine) | |
Communiquer avec le responsable du site |