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Thèse
CHIDMI, Abdelkrim L’identité à l’épreuve de l’altérité Cas de Moi Mireille lorsque j’étais Yasmina de Fadéla SEBTI et de À l’ombre de Jugurtha de Nadia CHAFIK | Lieu : Mohammed I faculté des lettres et sciences humaine Directeur de thèse : Afaf ZAID Année : 2013 Type : Mémoire universitaire - Master Première inscription pour les thèses : ,
| Notations : L’essor économique que le Maroc connaît depuis plus d’une décennie a contribué
énormément à l’explosion du roman féminin. Il serait donc vaniteux de prétendre de cerner une
littérature en pleine expansion. Les romans pris en compte dans ce mémoire ne constituent qu’un
infiniment petit d’une création qui abonde. Toutefois ce nombre réduit n’a pas empêché d’avoir
une idée globale sur les représentations des personnages féminins dans ce roman.
Certains critiques ont reproché à nos romancières en général de ne pas s’intéresser de près
aux événements les plus importants de notre histoire, et de leur préférer des problématiques
individuelles réduisant ainsi la question du sujet-femme à une portée strictement individuelle. Ce
mémoire a montré dans le second chapitre de la première partie que cette accusation est sans
fondement surtout dans les oeuvres apparues après l’an 2000. Nadia Chafik et Rajae Benchemsie
constituent deux contre exemples parfaits.
Dans ce travail, l’intérêt s’est porté spécialement sur l’image de la femme étrangère dans le
roman féminin marocain. Cet intérêt a été imposé par un contexte mondial qui opte pour des échanges interculturels tant au niveau d’images et de représentation qu’au niveau des déplacements
des individus.
L’identité à l’épreuve de l’altérité
Cas de Moi Mireille lorsque j’étais Yasmina de Fadéla SEBTI
et de À l’ombre de Jugurtha de Nadia CHAFIK
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La problématique de ce mémoire est : comment chaque romancière conçoit elle le
rapprochement des identités distinctes ? Est-ce que les différences qui séparent soi même et l’autre
constituent une faille infranchissable ? Peut-on se lier d’amour lorsqu’on est différent ? Quelles
conditions faut-il pour vivre ensemble avec nos différences ?
La thèse défendue c’est que l’idée de la supériorité culturelle ancrée dans l’imaginaire
occidental, bien qu’illusoire, est un obstacle réel qui entrave le rapprochement entre l’Occident et le
monde arabo-musulman. Mais cet obstacle est franchissable si l’éducation s’y emmêle.
Dans la deuxième la deuxième partie de ce mémoire consacrée à la problématique fixée,
nous avons montré dans le premier chapitre destiné à l’étude de du personnage de l’étrangère dans
les deux romans du corpus que ces deux romans répondent aux critères d’une littérature féminine
qui s’inscrit dans une écriture de la résistance et du combat. Un fait qui encourage le recours à
l’écriture autobiographique et au témoignage, tel est le cas de Fadéla Sebti dans Moi Mireille,
lorsque j’étais Yasmina. Toutefois il est à noter que malgré que l’auteur se soit inspiré des faits
réels, elle a réussi à nous donner un récit non linéaire qui ne se contente pas de relater les
événements tels qu’ils se sont déroulés chronologiquement. Nous avons vu que le roman de Fadéla
Sebti témoigne d’une vision pessimiste des rapports entre hommes et femmes considérés à la
lumière de l’exploitation plus psychologique que physique, cependant au point de vue formel elle a
pu innover. Les va et vient qu’elle opère au sein du roman crée un effet suspens chez le lecteur et le
maintient tout le temps dans l’histoire. De surcroit sa fonction d’avocate lui a dicté de présenter son
roman sous forme d’une scène de tribunal, ce qui prouve la capacité de conjuguer fiction et réalité.
Nous avons montré que le combat mené par Nadia Chafik est double. D’une part elle prend
la défense de la culture et l’identité marocaine, sans que cette défense exclue la possibilité des
rapprochements entre les identités différentes. La langue amazighe est omni présente dans son
récit, elle prouve l’attachement de l’auteur à ses origines. D’autre part, en tant que militante, elle
dévoile l’hypocrisie d’une civilisation occidentale qui prétend défendre les droits de la femme, mais
continue à l’exploiter et à la mal traiter.
Dans le deuxième chapitre de cette partie qui fut réservé pour discuter de la relativité
culturelle, nous avons avancé que la condition féminine dégradante ne permet à quiconque de
prétendre notre infériorité culturelle, puisque la prostitution instituée et la violence conjugale sont
des aspects déshonorants de la culture occidentale. Dans le rapport 2012, l’Observatoire national de
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la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) en France, présente des chiffres choc, une femme
meurt tous les trois jours victime des coups de son conjoint.
L’homme a toujours voyagé pour découvrir l’autre qui lui est étranger. L’humanité a connu
des vagues d’exode et de rencontre entre les races et les cultures. Personne ne peut affirmer la
pureté de son sang, il n’y a donc aucune raison de se sentir singulier ou supérieur. La nouvelle
vague de mondialisation doit faciliter et encourager ces déplacements au lieu de prôner l’unification
des images et des valeurs. L’expérience a montré que plus on impose l’universalisme, plus les
tendances à la spécificité augmentent, et plus les hostilités envers l’autre différent s’accroissent.
. La position de l’héroïne de Fadéla Sebti face à sa culture et son mépris à la culture
marocaine nous ont poussés d’aller chercher les origines de ce sentiment de supériorité. Nous
avons consacré le second et une partie du troisième chapitre à cette fin. Le roman de Nadia Chafiq,
à lui seul nous a fourni bien des réponses. Nous avons remarqué que la formation universitaire
supérieure de l’auteur lui a permis de faire des recherches poussées pour élucider ses conceptions.
Elle a certainement lu les journaux des années vingt du 20ème siècle, et elle a eu accès aux différents
discours de politiciens qui prônaient la colonisation. En tant que professeur de littérature, Nadia
Chafiq attire l’attention du lecteur sur le rôle de la littérature dans la formation identitaire. Quant à
Fadéla Sebti, elle nous a fournit l’un des quatre vecteurs de la formation identitaire sans qu’il soit le
moins important, il s’agit de l’école.
Après avoir discuté ces quatre vecteurs, Noun nous sommes intéressés vers la fin du dernier
chapitre de cette partie à la question des enfants issus des mariages mixtes. Ce choix est essentiel
dans le sens où on a considéré que ces enfants interculturels sont la preuve du rapprochement entre
cultures.
En dépit du contexte historique contraignant, Nadia Chafiq nous a fournit un exemple de
mariage mixte réussi puisque les deux conjoints se sont aimés au-delà des couleurs, des races, des
langues et des religions, et sont restés fidèles à cet amour durant toute leur vie. Chacun d’eux a
respecté les traits identitaires de l’autre, et a montré une flexibilité envers ses acquis culturels.
Certes les deux romans du corpus présentent deux visions opposées dont l’une est
pessimiste, toutefois face à un flux de déplacements de personnes à travers tout le monde les
rencontres sont inévitables, il est donc impératif de croire à une harmonie possible entre les peuples
et les cultures. Il faut donc commencer à préparer sérieusement les hommes et les femmes des
prochaines générations : l’école est la meilleure des solutions. |