Thèse
MALVAL, Wessal (Laâmech) Imaginaire de l'Autre et écriture de l'altérité : les refus littéraires des stéréotypes, d'Isabelle Eberhardt aux romans francophones contemporains mettant en scène l'espace romain.
L’étymologie du mot « Autre » nous renvoie au grec, « hétéro », qui constitue dans divers contextes un élément de différenciation recouvrant diverses significations. L'Autre est donc représenté comme distinct, diffèrent, mais cette différenciation ne peut se constater que par rapport à soi-même. L’autre ne peut dès lors se définir et s'évaluer que dans la rencontre avec le moi. La qualification « d'autre » peut dès lors s'appliquer à toute personne/peuple dont la civilisation, la culture et l’éthique se distinguent d’une collectivité de référence. Depuis bien des années maintenant, l’Autre pour l’Occident est d'abord l’Orient, qui de longue date, a suscité la curiosité de par sa différence. C’est la façon d’aborder et d'appréhender l’Autre qui s’inscrit dans ce que l’on considére comme l’écriture de l’altérité. Lié au désir, l’imaginaire invite à la découverte, à la rencontre de l’Autre. L’image de ce dernier est donc un élément important et même déterminant de la rencontre et du dialogue. L'Orient, de façon générale (et le Maroc de façon particulière) a occupé depuis des siècles, une place privilégiée dans un imaginaire occidental, qui oscille de longue date entre fascination et rejet. Cet imaginaire est l'espace par excellence où convergent aussi bien l’expression populaire, le travail de l’érudit, la littérature, la fiction, tout comme l’expression picturale, photographique ou cinématographique. Pour ce qui concerne la littérature française écrite sur le Maroc, de nombreuses recherches ont abordé en priorité ce qu’on appelle ‘la littérature de voyage’ qui regroupe généralement avant tout un certain nombre de textes contemporains de la colonisation. Les thématiques relevées dans ces œuvres sont souvent liées à l’exotisme, au folklorisme, et mettent en jeu le plus souvent des stéréotypes et des préjugés dont on connaît les traits récurrents. Notre travail, quand à nous, ne s’inscrit pas dans cette perspective, d’une part parce que les œuvres que nous nous proposons d’étudier sont avant tout des romans publiés récemment, d’autre part, parce que ces œuvres se démarquent, à notre avis, de cette conception traditionaliste de l’Autre. Après avoir lu de nombreux textes issues de l'espace marocain, mettant en scène à différentes époques la rencontre et le dialogue avec l'autre, notre choix s'est arrêté sur les textes suivant: De Pontcharra Nicole, Mademoiselle Masson : Lettres à un jeune homme,Édition Tarek, 2009. Khatibi Abdelkebir , Le même livre, Éditions de l'Éclat, 1985. Rivet ChrySultana, Une voix sortie de l'ombre, Édition. Marsam, 2010. Attali Jacques, La Confrérie des éveillés, Édition Fayard, 2004. Nous tenterons de comprendre en quoi l’écriture de ces auteurs est une écriture de l’Autre et de sa rencontre, et constitue par là même un espace d’exercice de l’altérité. Nous développerons en outre l'étude des procédés structuraux, formels et fonctionnels mis en œuvre par ces écrivains afin d’exprimer cette altérité essentielle. Nous tenterons également de comprendre comment la narration du vécu peut constituer un espace de quêtes et d'interrogations sur l’identité et la différence Il s’agit d’analyser la présence de l’Autre au sein des récits choisis et d’analyser les diverses modalités de cette présence. C’est dans cette perspective que nous comptons mener cette étude, qui consistera à évaluer les stratégies formelles et fonctionnelles mises en œuvre par ces textes. Pour mieux comprendre les spécificités des textes de notre corpus, il nous semble nécessaire de consacrer la première partie de ce travail, à une présentation de l’évolution de la notion d’altérité dans l’histoire et la littérature. Dans ce but, nous choisirons une première œuvre témoin, qui échappe pour une large part aux stéréotypes traditionnels, l'œuvre d'Isabelle Eberhardt (1879-1904), romanciére et essayiste. |