Histoire et culture dans la Tunisie contemporaine - Livres - Limag
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Livre

BENDANA, Kmar
Histoire et culture dans la Tunisie contemporaine


 
Lieu : Tunis
Éditeur : Université La Manouba
Année : 2015
Pages : 158 p.
Type : Recueil
Collection, autres éditions : ,

Notations :

Les neuf textes (huit articles et un entretien) qui forment ce volume ont été publiés dans des revues ou ouvrages collectifs, au cours de la décennie 2002-2012. Sont-ils lus ? Je me suis toujours posé la question et n’en ai aucune idée jusqu’à ce jour. La principale raison qui m’a poussée à les éditer en recueil est qu’ils répondent à des considérations historiographiques, qui sont ici une clé d’entrée dans l’histoire de la Tunisie contemporaine. Les circonstances dans lesquelles j’ai eu à prononcer les interventions orales à l’origine de ces textes sont diverses. Après les avoir partagées avec les commanditaires et les auditoires des rencontres (versions intermédiaires puis forme écrite livrée à la publication), je vois ces textes sinon comme un ensemble parfaitement homogène, du moins comme les traces d’une quête qui m’a occupée pendant une dizaine d’années.



Entre oral et écrit



En relisant ces articles pour l’édition, il m’est difficile de percevoir une autre continuité que celle des occasions collectives de réfléchir et de débattre à partir de mes centres d’intérêt, dans le cadre offert par les colloques et séminaires. Le souvenir et l’apport de manifestations qui m’ont motivée pour écrire se sont évaporés avec le temps. Dépassés dès qu’ils sont couchés sur papier, les écrits s’éteignent petit à petit, entrent dans l’oubli pour permettre à l’auteur de passer à autre chose. L’excitation de répondre à la sollicitation suivante efface la précédente. Les versions évoluent entre l’inspiration de la commande, l’accueil fait à la communication orale puis la mise par écrit : triangle ordinaire où la stimulation de s’adresser à un auditoire spécialisé refroidit avec le temps. Sans compter qu’on ne sait pas qui va lire, la vie du livre étant assez morne en général et celle du livre académique encore plus terne. Entre la fièvre de la prestation orale et le doute sur l’utilité de prolonger le moment parlé par une trace écrite, il arrive qu’on renonce à l’effort de la rédaction. Scepticisme envers l’impact de l’écrit ou paresse face à la difficulté ? Le manque d’occasions de débattre renforce ces travers et si l’université est une île relativement protégée, elle reste régie par des cloisons et un manque de vitalité critique, peu de curiosité transversale l’anime et l’académisme est mû surtout par l’avancement administratif.



Quand on passe outre le doute décourageant, il faut réactiver la présence des arguments, polir les hypothèses sans le dard des questions et la provocation des critiques. Difficile de remplir le soliloque de l’écriture, dans la surdité aux hésitations et flottements qui accompagnent la recherche. Les commandes insistantes m’ont amenée cependant à transposer des dizaines d’interventions orales en textes que je réédite ici pour souligner les pointillés qu’ils tracent, pour ranimer leur faible visibilité, pour tenter de relancer leur effet en espérant d’autres lecteurs et des réactions.



Je dois avertir que cette réédition ne revient pas sur les versions ; je n’ai pas entrepris de mettre à jour les références ni de reprendre les bibliographies. Même si je m’aperçois à la relecture qu’on ne pense jamais seul et qu’on écrit, sans le savoir, pour soi et pour les autres, je n’ai pas tenté de compléter ce qui manque et qui ne peut qu’augmenter, à mesure que les années passent. La volatilisation des idées est inévitable, et si on n’est pas capable d’écrire dans la foulée de la prestation orale, on doit accepter que la latence entraîne des répétitions et parfois des retours en arrière. Chaque intervention dans une conférence, un séminaire ou un colloque nécessite de plonger en profondeur, de reprendre des segments de raisonnements, parfois jusqu’à des passages entiers, difficiles à synthétiser. Les redites se distribuent en chevilles de discours, qu’on renonce à supprimer, pour que chaque article conserve son autonomie de sens. Le lecteur doit se préparer aux désagréments de l’enfilade des textes proposés dans ce recueil.



En dépit de ces inconvénients, d’avoir planifié cette réédition me permet de mesurer les effets de cette volatilité et de la comprendre suffisamment pour en avertir le lecteur.



Un échantillon



Ces textes parus sur un intervalle de dix ans constituent un échantillon qui peut aider à comprendre l’évolution de la discipline historique dans l’université tunisienne. Non pas qu’il n’y ait pas d’autres études, ni assez de connaissances, mais j’ai le sentiment (et sentiment n’est pas toujours raison) que l’assemblage de ces articles renseigne sur deux niveaux de la production historienne, sa visibilité et le chemin que j’ai pris pour y entrer.



Il est difficile de quantifier l’accumulation des travaux historiens sur la Tunisie contemporaine et ce manque de visibilité a plus d’un inconvénient pour tout arrivant dans le domaine, chercheur, journaliste ou curieux. Du côté de la discipline historique -cela reste à vérifier dans d’autres sciences humaines et sociales-, le travail scientifique sur la Tunisie est soumis à une logique de production, de diffusion et d’exploitation axée sur le court terme et la commande immédiate. Phénomène naturel qui appelle à dégager des moments dans l’accumulation puis à mettre en relation la production universitaire, elle-même variée et divisée, avec celle qui est fabriquée dans d’autres sphères, médiatique, politique, littéraire et artistique, productrices de culture historique. Pour mettre en perspective la production académique en matière d’histoire, il faut remonter aux cadres institutionnels, juridiques et matériels qui la déterminent. A travers cette réédition, j’espère donner à lire un échantillon dans un agencement qui permet d’apprécier les conditions d’écriture d’une production académique limitée à l’histoire contemporaine de la Tunisie.



Je me suis longtemps exercée à décrypter l’historiographie académique, selon la disponibilité des travaux. Entre enseignement et recherche, les lectures m’ont fait découvrir des barrières et des grilles pas toujours lisibles. Ce qui a attiré mon attention sur la manière et les canaux à travers lesquels le savoir historique circule entre le monde académique et les sphères politique, médiatique et sociale. C’est une banalité mais il m’a fallu le temps de la tâter. La posture historiographique s’est imposée comme un palier de déchiffrement nécessaire pour comprendre les ressorts de la discipline et ses liens avec le contexte où elle se déploie. J’ai emprunté cette lecture de « second degré » en grande partie à cause du sentiment que cette production repose sur des non dits (je m’étonne encore de la difficulté à adopter la locution « Tunisie coloniale » et encore plus celle de « Tunisie colonisée »), et souvent pour répondre à de personnes (étudiants débutants ou en dehors du monde universitaire) curieuses de lier les acquis du savoir historique avec les conditions de son écriture. J’ai mis un certain temps à inclure l’histoire politique de la Tunisie contemporaine dans une histoire culturelle, le cadre académique étant peu familier avec la démarche et ses implications réflexives et collectives. Mon parcours professionnel inscrit au sein d’une institution vouée à une part de cette histoire contemporaine (« histoire du mouvement national ») a été le terrain obligé d’une posture réflexive sur les tenants et les formes prises par une production universitaire où j’étais partie prenante…et observante.



SOMMAIRE



Introduction : Rassembler, rééditer, redonner à lire



Un terrain d’histoire culturelle : la Tunisie, Correspondances n° 71, Tunis, IRMC,Tunis juillet-août 2002, pp.3-9.

De l’intérieur d’un lointain : l’histoire contemporaine de la Tunisie, Savoirs du

lointain et sciences sociales, Paris, Bouchène, 2004, pp. 17-25.

Relire les biographies de Bourguiba. Vie d’un homme ou naissance d’une nation ?, Alfa, Biographies et récits de vie, Tunis, IRMC, 2005, pp. 107-118.

Écrire, enseigner l’histoire de la Tunisie : séquence coloniale et circulation des

savoirs, De l’Atlas à l’Orient musulman, Contributions en hommage à Daniel Rivet, Paris, Karthala, 2010, pp. 141-153.

Revues et générations en Tunisie au XXème siècle : Transitions et ruptures, Générations engagées et mouvements nationaux : le XXème siècle au Maghreb, Aïssa Kadri & Ouarda

Siari Tangour (dir), CRASC, Oran, sept 2012, pp.183-205.

M’hamed Belkhûja (Tunis, 1869-1943). Un historien en situation coloniale, Revue

d’Histoire des Sciences Humaines, Paris, 2011, n°24, pp. 17-34.

Profession historien en Tunisie : l’histoire contemporaine, entre institutions et

recherche, Études sur l’État, la culture et la société dans l’espace arabo-musulman.

Mélanges offerts au Professeur Abdejellil Temimi, Tunis, CERES, 2013, Tome II, pp.197 -223.

L’entrée de l’histoire du mouvement national tunisien à l’université, Penser le national au Maghreb et ailleurs, Fatma Ben Slimane et Hichem Abdessamad (dir), Tunis, Arabesques éditions/Laboratoire Diraset, 2012, pp. 265-280.

Les connaissances humanistes aujourd’hui. Réponses au Questionnaire, Le forme et le

storia, n° IV, Catane, 2011, pp. 397-404.