La littérature algérienne de l'entre-deux guerres. Genèse et fonctionnement - Thèses - Limag
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Thèse

LANASRI, Ahmed
La littérature algérienne de l'entre-deux guerres. Genèse et fonctionnement


 
Lieu : Lille 3,
Directeur de thèse : André BILLAZ
Année : 1992
Pages : 565 p.
Type : Thèse - Habilitation
Notations :

Résumé:

Entamée depuis quelques années, au hasard d'une recherche universitaire naissante, notre étude sur la littérature algérienne de langue française nous a mené, de proche en proche, à nous intéresser à l'ensemble de l'espace scriptural de l'époque dans ses diverses composantes : idéologique, politique, sociale et culturelle.
Au niveau culturel qui nous intéresse plus précisément ici, la rupture avec la tradition orale par l'émergence et le développement de la pratique scripturale consécutifs à l'installation des circuits d'édition et de diffusion du colonisateur ; l'implantation de la langue française et la manifestation de la langue arabe classique comme véhicule de la culture savante profane ; l'irruption de nouvelles modalités dans l'expression artistique sont autant d'éléments qui président à la genèse de la littérature algérienne de l'entre-deux-guerres.
Cette littérature algérienne qui prend forme, de manière accomplie, dans les années vingt se répartit duellement, comme le veut la logique coloniale, entre deux sociétés antagoniques, celle des Européens et celle des Algériens, et se réalise dans deux langues différentes : la langue française et la langue arabe classique. L'étudier dans un même mouvement analytique nous a paru être la meilleure approche pour restituer, dans sa globalité, ses contradictions et sa diversité, la représentation esthétique, sociale et idéologique de cette production.
La littérature "algérianiste" du peuplement européen se donne pour fonction de fonder idéologiquement, historiquement, et culturellement une patrie algérienne placée sous le signe de la symbolique du conquérant. Un patrie algérienne à l'idéologie inégalitaire où l'autochtone vivrait en marge de la prospérité et des privilèges du colon ; qui tirerait sa légitimité historique de l'héritage romain légué, par les imposants monuments qui paraphent le sol de la colonie, aux descendants latins venus réclamer leur dû ; et qui aurait sa littérature chargée d'immortaliser l'imperium de la race aryenne et de glorifier l'oeuvre titanesque et civilisatrice du "peuple neuf" en terre d'Afrique.
Face à ces prétentions, des écrivains algériens vont prendre la plume pour produire les titres inaliénables de leur autochtonie, convoqué le passé prestigieux des ancêtres pour compenser la perte de crédibilité du présent et invoquer les principes républicains de la puissance tutélaire à l'encontre d'une praxis coloniale servile et obscurantiste. Cette expression du peuple algérien colonisé se traduira en langue française et en langue arabe.
La littérature algérienne de langue française, écrite dans la mouvance "algérianiste" par les intellectuels indigènes francisés, emprunte au niveau de la forme le même modèle générique que sa consoeur européenne, c'est-à-dire le roman à thèse, mais introduit aux niveaux thématique et idéologique un certain nombre de distorsions qui, replacées dans le cadre obligé de la soumission à l'idéologie dominante, donnent à cette production son ambiguïté spécifique.
Quant à la littérature algérienne de langue arabe classique, elle prend sa source prioritairement dans le Machrek arabe où les lettrés arabisés vont chercher leurs enseignements et leurs références éthiques et esthétiques. D'esprit fortement conservatrice en raison du statut religieux de la plupart de ses auteurs, elle se résume dans la poésie, genre éminent de la tradition médiévale arabe, et ne s'intéresse que superficiellement aux autres formes d'expression du domaine occidental, pourtant bien répandues déjà, dans l'espace culturel du Moyen-Orient.
C'est donc le fonctionnement de l'ensemble de cette littérature algérienne de l'entre-deux-guerres qui a fait l'objet de notre recherche.
Fortement idéologisée, cette production nous a fatalement amené à penser, de manière neuve, certaines notions récurrentes du corpus algérien telles que l'identité, la berbérité, l'arabisme ou la francophonie.