Rym KHERIJI : Boudjedra et Kundera : Lectures à corps ouvert.
Doctorat Nouveau régime, Université Lyon 2, 15 décembre 2000
Directeur de recherches : Charles Bonn

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3° partie: LE PURGATOIRE

I- ECRITURE DE L’URGENCE :

1/ Un roman décousu ?-

2/ Le roman, un espace restreint :

II- Vers une quête de la puissance :

1/ Tout dire, mais comment ?-

2/ La génération spontanée de l’écriture :

III- Ecriture et lecture : des rapports ludiques ?-

1/ Un parcours initiatique pour le lecteur :

2/ Rire ou Pleurer ? Telle est la question :

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« Ô mon âme, n’aspire pas à la vie éternelle,

Mais épuise le champ du possible ».

  PINDARE

« Quelles sont les possibilités de l’homme dans le piège qu’est devenu le monde ? »

Milan KUNDERA[1] 

      

      

       Dans la théologie catholique, le purgatoire[2] est un lieu de pénitence donnant accès à la récompense suprême. Il a pour particularité de ne pas être ouvert à tous les pécheurs. Seuls y ont droit ceux qui n’ont pas dépassé une certaine limite dans l’interdit. Cependant, ces élus ont osé braver la loi pour se retrouver dans ce lieu de l’entre-deux, à mi-chemin entre l’enfer et le paradis. Employé au sens figuré, le purgatoire indique d’après Le Petit Robert, un « lieu ou un temps d’épreuve, d’expiation ». Cette troisième voie qui s’ouvre, permettant d’imaginer un autre lieu que ceux de la jouissance et de la souffrance, introduirait la notion de limite. Il nous serait dès lors possible de percevoir dans les écrits de Boudjedra et Kundera autre chose que les intonations subversives ou les élans dénonciateurs. En nous ouvrant aux romans de ces deux auteurs nous avons arpenté les couloirs du temps à la recherche des voix suscitant le désir d’écrire et nous nous sommes aventurés dans les sentiers tortueux pris par la parole inter//dite. Nous nous proposons dans cette troisième partie d’examiner les passages empruntés par nos auteurs pour purger leur unique faute d’avoir écouté ces voix et recherché les causes de leurs malaises respectifs. Mais est-ce là une réelle faute compte tenu que ces écrivains dont les œuvres sont traduites en plusieurs langues, sont très appréciés par leurs publics respectifs ?

       Dans notre quête de l’entre-deux, nous nous intéressons en un premier temps au lieu même de l’expiation : le roman. Dans quelle mesure les romans que nous étudions entreraient-ils dans l’élaboration d’une logique de la transition ? Comment parviennent-ils à concilier la mémoire et l’oubli, la création et la destruction, l’ordre et le désordre, le fini et l’infini? Sont-ils révélateurs d’une situation médiane du verbe, pris entre l’impuissance et le pouvoir. Maintenant, nous introduisons le troisième élément complétant le couple auteur// texte, à savoir le lecteur. Cet élément, baignant en même temps dans la réalité (en tant qu’être réel) et dans la fiction (le narrataire, en tant qu’ersatz imaginé par l’auteur), représenterait une véritable soupape de sécurité dans le processus de l’écriture, permettant ainsi une canalisation de l’énergie diffuse de la parole. Toutefois, une question s’impose : le plaisir solitaire et égoïste du lecteur serait-il minutieusement calculé par cet autre plaisir tout aussi solitaire et égoïste, celui de l’auteur ?



[1] - L’Art du roman, op. Cit., p. 68.

[2] - « Le purgatoire désigne, dans le catholicisme, l’étape de purification dans l’Au-delà qui permet aux âmes bénéficiant de la grâce de Dieu sans avoir toutefois atteint la perfection à l’instant de leur mort, de se préparer à leur entrée dans le Ciel. (...) Ce n’est (...) qu’au Moyen-Âge, que s’est imposée la croyance en l’existence d’un purgatoire réel, lieu “géographique” spirituel, à mi-chemin de l’enfer et du ciel, où les âmes subissaient les épreuves à travers lesquelles elles se dépouillaient des traces de leurs péchés, et trouvaient là une occasion de se racheter. À travers cette naissance d’un purgatoire qui ouvrait une troisième voie, c’est-à-dire une possibilité d’échapper à l’alternative entre, d’un côté, une damnation éternelle et de l’autre, un salut immédiat, s’imposait dès lors au peuple chrétien l’espérance que même pour les pécheurs, tout n’était pas toujours perdu, et qu’une sorte “d’enfer transitoire” permettait de racheter dans l’Au-delà ce qu’on n’avait pas eu la force, ou la grâce de faire lors de son passage sur terre ».

- Encyclopédie des symboles, d’après Knaurs Lexikon der Symbole de Hans BIEDERMANN, München, 1989, éd. Knaur; éd. Française sous la dir. de Michel CAZENAVE, Paris, Librairie Générale Française, 1996, coll. Encyclopédies d’aujourd’hui, Le Livre de Poche; 818 pages, p. 560.