Mustapha Kurda

Et les premiers écrits en français

 

 

 

Ni Jean Fontaine dans son Index historique des Œuvres tunisiennes (en arabe), publié par Beit al-Hikma en 1986, ni Arthur Pellegrin dans son Histoire de la Tunisie depuis les origines n’avaient signalé Mustapha Kurda comme un des premiers (peut-être le premier) tunisiens arabes et musulmans à produire des textes littéraires en français. Est-ce par ignorance ? ou par souci d’efficacité si on sait que Mustapha Kurda n’avait publié qu’un seul poème intitulé : Ma Tunisie et un seul conte traduit de l’arabe en français même si les auteurs n’avaient produit que très peu de textes littéraires. Le rôle des pionniers ne doit être recherché ni au niveau de la quantité ni au niveau de la qualité ; il doit être mis en lumière uniquement pour nous permettre de reconstituer ces premiers balbutiements et les difficultés des tâtonnements initiaux.

Voici le poème de M. Kurda :

 

Ma Tunisie

 

Hommage respectueux à Monsieur A. Perrin, Directeur de l’Ecole Normale de Douai (Nord)

 

« Tunisie, ô terre chérie,

Pays charmant, douce patrie,

Voici ton enfant de retour…

Il vit Arles, Lyon, Marseille,

Mais nulle ville n’est pareille

A Tunis, son unique amour.

 

O riante et belle contrée,

De tous tes enfants adorée,

Tunisie au noble et grand cœur,

Aussitôt qu’on te voit l’on t’aime :

Le plus froid étranger lui-même

Se laisse prendre à ta

Tes compagnes sont si fertiles,

Si magnifiques sont tes villes,

Si superbes tes monuments !…

Le monde acclame ta richesse,

Et ton éternelle jeunesse

Enfante à plaisir tes talents.

 

Noble fille de la victoire,

D’Azur, de puissance et de gloire

Ton front radieux est couvert.

Tu fus jadis l’orgueil du monde,

Et la terreur était profonde

Que ton nom semait au désert.

 

O Régence ! Dieu te protège ;

Pour toi sa bienveillance abrège

Les Temps d’épreuves et les maux ;

C’est Lui qui guide dans l’espace

Les échos de ta voix qui passe ;

C’est Lui qui conduit tes héros !

 

O terre où fleurit l’Espérance

Grâce à l’amitié de la France !

O toi qui m’a donné le jour !

Je voudrais, c’est là mon envie,

Te célébrer toute ma vie,

Toi, mon cher et mon seul amour ! »

 

Mustapha Kurda

Tunis, 24 septembre 1894[1]

 

Quant au conte, il est intitulé :Le Petit fumeur de kif , avec sous-titre : conte arabe [2]. La rédaction l’a fait précéder de la notice suivante : « Nous insérons avec plaisir ce conte arabe, traduit par M. Kurda. Nous devons toutefois prévenir nos lecteurs que le même conte se trouve dans les œuvres d’Alexandre Dumas, sous ce titre : Le Vaillant petit tailleur. » Le fécond romancier l’a-t-il entendu raconter au cours de ses nombreux voyages ? L’a-t-il inventé de toutes pièces ? Nous ne savons, et peu nous importe.

« En parcourant les légendes qui sont la base de toutes les littératures, on y trouve le même amour du merveilleux, et les mêmes aventures, avec les légères modifications inhérentes à l’esprit des peuples divers, s’y déroulent et s’y reproduisent comme les fonds communs de l’inspiration où sans cesse puise l’humanité ».

 

Nous pensons que ce conte traduit mérite qu’on le signale même s’il y a des doutes concernant son origine et le destin qui est le sien.

 

 

                                               Par Jelloul AZZOUNA

 



[1] Revue Tunisienne, 2éme année, 1895, n°5, janvier, pp.54-55.

[2] IBID., pp.68-72.