Né le 20 janvier 1941 à Bou-Merdès, Majid El Houssi est actuellement professeur de langue et littératures françaises et francophones à l’Université de Padoue en Italie. Outre sa thèse portant sur le théâtre en Tunisie, il est l’auteur de quatre recueils de poèmes, de 1973 à 1981. Lui, peut-être plus que d’autres poètes maghrébins, est bien dans un espace géographique et aussi culturel où plusieurs voix se font entendre, à en avoir des images-ivresses (Imagivresse, 1973). La poésie de Majid El Houssi est d’une riche densité, évoquant une lointaine mémoire et se voulant en même temps en harmonie avec d’autres cultures. Quête des ancêtres, des racines arabo-berbères, mais en même temps, ouverture large et féconde aux quatre points cardinaux. Là, comme chez Hédi Bouraoui, mais sans l’éclatement, on relève un refus des chauvinismes et des scléroses.
Ahméta-O (1981) nous fait entendre les voix de la Kahena et de Shahrazade. Des « Déchets de langues oubliées » resurgissent, bribes éparses de culture ancienne enracinée en Ifriuqiya, « passé chargé de métissage culturel ». Le poète veut « défier la blessure » car, de fait, la blessure est partout chez les écrivains maghrébins, comme l’écrit le romancier et poète marocain Tahar Ben Jelloun. Majid El Houssi s’interroge sur les langues parlées, apprises, les ensemencements divers. La langue française « fut et sera toujours ma collision, ma fission, ma libération ». Exil linguistique, sans doute, mais en même temps enrichissement : « La langue française fut ma seule arme sur un sol hérissé de crapuleries, ma ville hantée, ma rage saignante, mon vomissement, ma question. »
Quand le poète évoque la Kahena, celle-ci lui apparaît « comme une confrontation ou comme le défi d’un moi cohérent éclatant à la limite de la souffrance et de la solitude dans un monde voué désormais à la violence. » De même dans Iris Ifriqiya (1981), Majid El Houssi poursuit le mot pour « dire » l’épreuve suffocante et impossible ». : l’héritage profond et l’acculturation en Italie : « passé-présent » et « présent-nouveau ». Ici comme dans les autres recueils, il s’agit d’un travail « d’étreinte du texte » et de l’histoire : « la nuit massive nous / habillait » et encore : « combien de moi sont morts ».
Mais au-delà des interrogations surgit l’affirmation : « je suis mon être / je suis ». Poésie qui est ici arrachement de tout l’être, rocailleuse, conquête de soi dans une « fiévreuse déchirure linguistique ». La violence culturelle a attaqué le poète de tous côtés : « Le soleil a crucifié la mémoire », si bien que parfois ce ne sont que flashes, bribes de mémoire ancienne insérés dans un présent à assumer.
Iris est la messagère des dieux, drapée dans son écharpe arc-en-ciel. Le poète inscrit son nom Iris au front comme pour auréoler l’Ifriqiya natale des couleurs à la fois de la terre tunisienne et de celles de Padoue et de Venise, ouvertes sur l’Orient.
Par Moncef KHEMIRI