Chams Nadir est le pseudonyme du poète, conteur et romancier tunisien Mohamed Aziza, né le 24 décembre 1940, à Tunis. Après des études de littérature et de sociologie à Paris, Mohammed a commencé sa carrière comme réalisateur à la Radio-Télévision tunisienne. En 1971, il est nommé directeur des programmes internationaux de la Radio. Après un passage à l’O.U.A. en tant que directeur de l’information, l’auteur devient fonctionnaire international à l’Unesco, à Paris.
La profondeur de sa réflexion et l’originalité de son écriture, appréciés par les grands représentants de la littérature mondiale comme Julio Cortasar, Pierre Seghers et Léopold Sédor Senghor, lui ont valu le titre de Recteur de l’Uninversité Euro-Arabe Itinérante.
Par le truchement du pseudonyme, l’auteur semble avoir cherché une ligne de partage entre ses œuvres poétiques et romanesques et ses essais esthétiques où il traite du statut de l’art dans la civilisation arabo-islamique. Ces derniers comprennent pas moins de six titres dans lesquels l’auteur réexamine le problème de « l’iconoclasme musulman » et fait valoir la richesse et la variété du patrimoine plastique islamique et l’exceptionnelle créativité des artistes modernes. Ce qui caractérise cette création est essentiellement l’abstraction qui est moins une pratique esthétique empruntée à l’Occident que la plus haute expression d’une culture foncièrement tournée vers l’invisible. L’art arabo-islamique rappelle l’auteur, citant Ibn Sîna (Avicenne), vise à « suggérer ce que les yeux du corps ne voient point, en leur nuit ».
Cet attachement de l’auteur à son patrimoine culturel se retrouve dans ses recueils poétiques comme dans ses « romans ». Dans Le Livre des célébrations », le poète exalte « l’aleph / première lettre de l’alphabet arabe / Matrice chaude, frisson silencieux du matin / Premier cri de ma race » ; et chante « le mystère du livre », « le calame », le cheval ailé (le Bouraq) et Sindbad.
Néanmoins, Chams Nadir ne s’enferme pas dans sa culture, il l’approfondit au point que la connaissance qu’il en a le porte inéluctablement à communier avec les autres grandes civilisations (africaine, égyptienne, grecque et judéo-chrétienne), débouchant ainsi sur une vision syncrétique où le particulier renvoie à l’universel.
A travers l’histoire tourmentée des hommes et de leurs légendes, il redécouvre, en effet, dans l’éblouissement et l’exultation, les grands mythes fondateurs. Ce qui définit peut-être le mieux l’inspiration de l’auteur, ce n’est pas la quête des origines, mais la quête de l’origine, du « souffle premier » et de « la pulsion primordiale ».
Cette recherche revêt souvent la forme d’un voyage, d’une traversée où le poète, nouveau Sindbad sillonne les mers, et va jusqu’à s’identifier au navire :
« Alors, j’ai déployé mes voiles
Aux vents des départs
Laboure, Ô proue, le champ fertile
Où rêvent les méduses. »
Dans ses pérégrinations à travers la Méditerranée célébrée comme « la mer-mère », le poète ressuscite des civilisations qui, en dépit des vicissitudes de l’histoire, demeurent à ses yeux, profondément fraternelles comme en témoigne cet hymne :
« La Méditerranée, c’est :
Lumière sur lumière jusqu’à l’obscur
Aphrodite émergeant des eaux du Déluge
La colombe d’Ishtar accompagnant la barque d’Isis
Le cantique des cantiques sous les louanges des palmes
Le retour d’Ulysse
La flamme d’une bougie, comme la fulgurance du Dieu unique
La croix et le croissant dans une hypostase. »
« Chams Nadir excelle, ainsi, comme l’écrit Jean Déjeux, à enraciner sa culture dans une large tradition islamique, et à l’ouvrir aux larges résonances de l’univers multiple. »
Bibliographie
· Essais :
Le Théâtre et l’Islam, Alger, SNED, 1970.
Regards sur le théâtre arabe, Tunis, MTE, 1970.
La Calligraphie arabe, Tunis, STD, 1961.
Les chants profonds des arts de l’Afrique, Tunis, STD, 1972.
Les Formes traditionnelles du spectacle, Tunis, STD, 1976.
L’Islam et l’image, Paris, Albin Michel, 1978.
· Poésie :
Silence des sémaphores, Tunis, MTE, 1978.
Le Livre des célébrations, Paris, Publisud, 1983.
· Récits :
· L’Astrolabe de la mer, Paris, Editions Stock, 1980.
· Les Portiques de la mer, Paris, Méridiens, Klincksieck, 1990.
Par Moncef KHEM