Issu d’une famille de faqihs, M. B. Salama a été formé par une pléiade de savants célèbres de l’époque : Ibrahim ar-Riyahi, M. Bayram III, M. al Mannai, etc.
Enseignant, adl al mahalla (qadi du camp), puis qadi du Bardo, enfin qadi de Tunis et mufti, il mourut au cours d’une épidémie de Choléra le 20 juin 1860. Il a composé divers commentaires juridiques et religieux, des gloses et des épîtres.
De même, il a laissé une cinquantaine de poèmes ou morceaux, généralement de circonstance et unkunnas (ms. B.N. de Tunis, n°3322) qui contient une urguza (poème qui résume l’histoire des beys husaynides). Mais son œuvre majeure est certainement sa chronique : Al-Iqd al-munadda, écrite après 1841 et certainement, au moins en grande partie, avant le 26 janvier 1846, date très importante pour la Tunisie moderne puisqu’il s’agit de l’interdiction de l’esclavage, B. Salama n’ayant signalé dans sa chronique que les mesures préparatoires prises par le Bey pour l’émancipation des esclaves même s’il a fait, par ailleurs, des remarques judicieuses sur la pratique de l’esclavage après son interdiction. La chronique de B. Salama relate les mérites et hauts faits d’Ahmed Bey (1837-1855).
Il s’est inspiré dans cette œuvre de son prédécesseur HammudaB. Abd al-Aziz qui avait composé son al-Kitab al basi en l’honneur de son maître le bey Ali II. Il avait pour ambition, comme ce fut le cas pour Ibn Abi-d-Diaf, « de retracer la chronique d’une époque qui n’avait pas encore été décrite dans un ouvrage historique connu ». C’était là une volonté manifeste de faire œuvre originale.
Cette chronique encore manuscrite (n°18618. ms. B.N. de Tunis.122 folios ; incomplet) « ne mérite pas l’oubli presque total dans lequel (elle) est tombé(e) » pour reprendre les mots mêmes de M. Ahmed Abdesselem.[1]
En effet, cette chronique distingue par l’apport d’un certain nombre de faits et gestes qui ne se trouvent nulle part ailleurs puisqu’elle « renferme des informations qui complètent utilement les chroniques des contemporains, en particulier celles d’Ibn Abi-d-Diaf et d’al-Bagial-Masudi. »
Nous pouvons souligner l’importance de ces informations concernant l’organisation de la justice religieuse (saria), la description d’un grand nombre de villes et de villages de Tunisie que l’auteur a visités allant de Tozeur à Gafsa , à Soliman et beaucoup de cites du Sahel, du centre et du sud -est et surtout la position de l’auteur – très représentative de « l’opinion des milieux conservateurs »- concernant la prise d’Alger qui a été sentie comme un danger pour le pays ; l’éloge du rôle joué par l’émir Abdelkader traduit bien « les sentiments des milieux religieux traditionnels et populaires tunisiens dans la première moitié du XIXe siècle. »
La description de la ville de Tunis doit retenir tout particulièrement notre attention non seulement pour les précisions très fouillées qu’on y trouve mais par le souci de M. B. Salam de nous présenter un plan exhaustif de la capitale et de ses différents monuments (les souks, les portes, les quartiers périphériques, le quartier européen , le port, les bains maures, les mosquées, la qasbah et les fortins…)[2]
Ce sont là quelques aspects importants de cette œuvre qui reste à découvrir ; d’où la nécessité d’une édition critique.
Références
· Ahmed Abdesselem, Les Historiens tunisiens des XVIIe, XVIIIe etXIXe siècles. Essai d’histoire culturelle, Publications de l’Université de Tunis et Librairie Klincksieck, 1973, pp.300-307.
· * Jean Fontaine, Bibliographie historique des œuvres tunisiennes (en arabe), Beit al-Hikma, Tunis, 1986, pp.116-117.
Par Jelloul AZZOUNA