Cher Monsieur,
                 
                  Je vous adresse la troisième partie de " sous peine de mort " et vous remercie
pour votre lettre.Le reste vous parviendra au même rythme - je l'espère du moins -
 
                                                                         messaour boulanouar -
 
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 31 ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 
*
 
être un poème
où la tendresse abonde entre les mains fertiles
où la douceur console un monde âpre et rocheux
où ma couleur détruite entend renaitre à l’aube
où l’homme se défend d’ être un soir de supplice
qui se perd dans la pierre d’absence et de mort
où le jour nous prépare un chemin sans vertige
un arbre clair
au fruit juteux et doux
hauteur gagnée
où se décide à vivre un coeur
la fleur jadis fermée au jour
antre d’espoir en l’âme où la douceur s’étonne
d’ être orange et clarté au verger clandestin
 
*
 
être un poème
à dire aux yeux cillés d’espoir
où la lumière explose et crée sa propre danse
 
être un poème
où je m’accuse et plains ma vie trouée de nuit
où je reste à douleur au miroir de conscience
éclair durable
 
poème
à toute terre humaine où la souffrance est loi
à toute vie sur terre où vivre est notre espoir
à toute mort nocturne
où je résiste
à mourir de souffrance au regard de la plaie
rameau de branche nue
éclat de nuit mortelle
à mourir de ciel noir au regard de la fange
qui monte autour de nous à toute heure du jour
 
poème
à toute terre
à toute homme sur terre en proie au lent venin
du chagrin nu
où s’absente un vis age enfance où les oiseaux
font un vacarme immense
grand geste de lumière et de nuit transgressée
à dire
à tous les gens surpris de nuit brutale
à tous les gens tembés à terre
fouettés au sang
battus à mort
et gémissant d’horreur confuse
d’être sans cesse ancrés
dans la caverne
où règne l’exploiteur du sang
le sang violent
qui se change en odure et parfois en printemps
don’t la lumière ébranle
les palais et les trônes
et se transforme sur la cendre
en fleur
en jour humain
en forêt claire et dense où nul ne perd sa force
en ville vaste
où la rencontre est belle au coin de chaque rue
où la maison est simple
un nid
comme un délice
pour accueillir autrui et chanter dans la joie
un jour de plus à vivre
 
un jour d’amour fidèle où la chaleur des mains
n’enfante plus de mort de vermine et de loques
n’enfante plus la peur du loup et de l’ogresse
mais se prolonge en toute chair
et s’émerveille en tous les yeux
et neige
en soie vivante
en pain du jour
en aube où le travail se transforme en chansons
en paix
où l’homme invente
un jour nouveau pour son image
 
*  
 
poème
à dire à tous les hommes bons
à la jeunesse en armes
à tous les yeux surpris par leur pouvoir seret
à tous les gens marqués de nuit et d’espérance
 
poème
au jour de fleur absente
à toute roche humai e où sommeille une étoile
à toute tombe où craque un lumineux squelette
à toute ville où vivre est un naufrage absurde
à toute charge d’ombre où s’allume une aurore
en toute épreuve claire où l’homme se résume
à se connaitre humaine
au chant bleu d’espérance
pour que demain
ne pleure plus de suie
ne crache plus de sang
ne crache plus sur nous la rouille de l’outrage
la peine et le chômage
la honte et l’amertume où l’homme est un absent
chargé du crime d’être pauvre
d’être un fantôme errant dans monde de pierre
rofge innocente et noire et flamme sans ardeur
dans la rue de l’argent où l’homme est un absent
 
poéme
pour que demain résonne en vous
et vous subjugue
et vous ramène à votre source
au lieu vivant
où vous serez présence
hors de ce monde triste où votre algide haine
mourra légende obscure en votre danse allègre
 
je suis
l’espoir qui vous anime au coeure de la géhenne
l’amoure de votre amour
la fleur de votre ivresse
ce qui remplace en vous l’horreur et le mystrèse
 
je suis
votre meilleur copain
la source où vous buvez la chanson de l’ancêtre
et vous parle d’aimer ce qui sommeille en vous
de danse et de courage au plus haut de la fête
que vous nommez justice en votre humain langage
 
je reste à votre porte le chant
                              le cri strident
qui vous garde éveillés conscience et sentinelle
en toute terre
où l’homme ivente libre un homme un autre frère
et le couronne humain
dans toutes ses démarches
 
32 ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 
*
 
j’écris
au nom de tous
le chant de la lumière espiègle
l’herbe qui monte à notre taille
couvrir nos traces de tendresse
et nous aimer franchise ouverte au grand soleil
 
j’écris
arbre au pas sillencieux pris de démence atroce
au regarde de l’horreur où je fus triste acteur
de mes propres défaites
 
homme pris de vertige face à la nuit coupable
où j’ai perdu mes lois mes mains et mes racines
 
je vous parle de vivre
hors des lianes du sang et des légendes fausses
où la vie reste obscure
et si absurde
que nous ne pouvons plus
aimer
le beau miroir
où se reflête un frère un beau visage un homme
 
je nie la fleur fermée l’oiseau l’étoile en sang
                      l’enfance à la douleur précoce
la nuit de sang
l’espoir qui ose encore
se dire
espoir de vie meilleure
espoir d’un lendemain plus clair
à travers nuit silence angoisse o lourde meule
combat lutte de classe amour
moisson brûlée de grâce
 
espoir
qui ose encore
se dire
au feu brutal de notre enfance
au chant de tous nos camarades
 
visage
humain visage
ouvert
à la splendeur de vivre
survie d’étoile en sang sous la cendre mortelle
où je découvre humain
l’amour
dont j’ignorais les noms
 
je nie
la fleur fermée la flamme froide
ce qui n’a pas de prouve dans mon sang
ce qui reste sans trace dans la fable obscure
où je me perds à vivre un âge au soleil noir
qui me comble d’absence
dans un hiver sans cause
dans une ville infâme aux maisons sans fenêtres
où les yeux sont pourris sous la suie des paupières
 
je nie la peur violente où l’homme perd son nom
la taie sur l’oeil je la refuse
et je refuse
l’injure la plus tendre
 
oui je refuse à l’homme
qui oscille sans cesse entre songe et démence
la droit de disparaitre au profit de la haine
 
car je refuse 
à l’homme le plus pauvre
à l’homme le plus triste
le linceul de la honte
 
il est temps que de rien zéro cercle de mort parfaite
j’atteigne mon nouveau visage
pour vous ouvrir au large
où vibrent nos codages d’algues
et nos chansons
et notre ivresse en crue
là bas
au grand soleil de faste où nous reconnaitrons
nos mains
nos yeux
notre franchise ouverte au grand soleil en fête
 
où nous pourrons nous dire
clarté fertile
mort interdite à toute enfance
justice ouverte à tous les rêves
où l’on attend d’être soi même
pour faire de ses mains de fable
des mains
au pouvoir de printemps
 
 
33  -----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------      
* 
 
j’écris
la mort qui ronge
 
celui
qui a perdu son verbe
dans la nuit des martyrs
 
celui
qui a perdu dans le naufrage
un peu de sa personne au temps noir de la mort
un peu de sa lumière au temps noir du mensonge
un peu de sa conscience au temps du bureaucrate
 
celui
qui ne croit plus à rien
                                 le mort
                                 le pauvre mort
 
fantôme hirsute et froid à la douleur sans nom
que vous croisez parfois pierre nue en l’horreur
qui rampe dans ses yeux pris de démence atroce
au regard de la croix où son corps se dessèche
dans le soir douloureux qui palpite en vos yeux
 
j’écris
la mort qui ronge
 
celui
que l’on ramasse au soir pris de vin et de nuit
errant dans la douleur execuse morte aux lèvres
vieille colère absente
étange de nuit mortelle
qui ne connait plus rien de la lointaine danse
où nu le corps crispé dans le salpêtre en feu
chantait face à la mort
 
celui
qui n’a plus de langage
face au pouvoir des nains
face à la suie des gestes
 
celui
qui ne sait plus chanter les couleur de l’enfance
qui ne sait plus se dire
homme au visage tendre
et ne dort plus la nuit cerveau fou de reptiles
dur cauchemar qui sembre dans la drogue amère
et meurt
frileux de vivre
pris dans un piège atroce où rien ne sert d’aimer
 
 
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j’écris
la mort que songe
 
celui
qui effrayait son ombre et que son ombre effraie
 
celui
qui n’a plus de regard pour les vergers humains
pour la fleur innocente au parfum de tendresse
pour le ciel de l’enfance
pour le visage
qui pleure d’être en vie en ce tumulte où vivre
reste un geste de glace
                                              qui se résume
à n’être plus que mort qui se promène aveugle
de luxe en luxe en palais triste
                                            manger sans fin
                                            boire sans soif
                                            mourir sans but
                                            courir à droite
                                                     à gauche
fermer les yeux de peur de voir mourir le temps
brûler ses mains
taire son coeur où brûle encore
là bas
          sur la hauteur de vivre
                                                 un dernier rêve
 
*
 
j’écris
l’amour qui ronge
 
celui
qui vibre au cri des pauvres de ce monde absudre
et croit que la jeunesse en proie aux prédateurs
reste à jamais jeunesse ouverte à toute étoile
 
celui
qui sait de science sûre
que le peuple est le feu
la grande vague fauve où vient mourir le traitre
l’argile humaine grave où renait de ses cendres
l’espoir ce long courage où vivre est un visage
qui s’impose au pouvoir des monstres de la nuit
 
*
 
ah laissez moi vous dire en clair
                                    en cerisier en fleurs
que la légende est dans nos yeux
la joie
qui ne veut pas mourir
l’amour qui s’émerveille à chaque halte neuve
le feu qui se répète en la chanson de l’arbre
et toute notre ivresse
 
ah laissez moi vous dire
que nous ne pouvons plus aimer
que notre chant de fête où la patrie s’incruste
comme une étoile en feu au front de la jeunesse
qui ouvre dans la nuit son chemin vers l’exemple
où l’homme est la saison qui franchit la misère
qui ablue les visages et nous lave des ombres
                               et chante en notre sang
ce qui s’invente libre au plus secret des roses
 
 
 
 
34 ------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 
*
 
j’écris la nuit où nos martyrs
sont en proie aux vauriens qui se sont inventés
un nom de feu
mensonge à leur taille de nains
pour habiter de leur chansons de boue infecte
mon temps
mes lois leur privilège
où je suis sans pouvoir sur mon propre destin
 
martyrs trahis par les menteurs
 
il rit de vous aux réceptions
                                           le traitre obscur
 
il rit de votre mort hautaine
                                            le nouveau riche
 
celui
          qui se construit sur votre tombe
palais de splendeur nue pour ses mornes orgies
 
celui
         qui se grandit de votre mort
         qui se nourrit de votre sang
et vous exploite
pour opprimer de sa tristesse
votre image exemplaire où notre amour s’inscrit
 
ô mes frères sans force expulsés de l’aurore
en proie
            aux prédateurs
 
ô mes frères sans nombre
 
il rit de votre mort hautaine
et vous salue
aux fêtes hypocrites où l’on boit votre sang
 
celui
          qui tourne en dérision votre lumière astrale
et tous les songes de l’enfance
où vous baignez
martyrs
qui habitez mon sang violent ma nuit démente
mon rêve et ma conscience en lave
 
ne feignez plus la mort sortez de votre asile
sortez du coeur patient du peuple qui abrite
votre image exemplaire où la mort est chemin
vers ce monde meilleur que ma douleur défend
 
ne feignez plus la mort
sortez de votre asile
donnez le grand signal au soleil qui vous aime
 
et nous vivrons
contre l’herbe de mort de tous les cimetières
contre peine et silence ordure et nuit de boue
contre gel et désert où les chiens se sont tus
pour nous laisser parler de notre règne humain
de notre espoir concert
 
debout
           contre la mort qui nous insulte aux fêtes
 
debout
            plus haut que tous les subterfuges
et nous vivrons
tout ce qui reste à vivre comme au premier jour
 
 
35 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 
*
 
j’écris terreur
homme au ciel sans défense
herbe morte en la nuit qui s’impose à mon front
saison de rouille absurde
terre usurpée de nains neige à mon front blessé
 
on tue
en plein midi
 
la confiance en l’humain dans l’amitié des roses
la jeunesse à jamais plus confiante en sa force
les chansons de la pluie
patience de l’automne aux rouges chrysabthèmes
 
on tue
en plein midi
 
dans les taudis de faim qui torture l’enfance
sur l’asphalte des rêves
 
on filtre notre espoir dans la nuit despotique
on passe au vieux tamis de la haine ancestrale
ce que je pleure en mon refuge
ce que je veille en ma caverne
 
on tue
en plein midi
 
terreur
gel de momie
sur toute chose en fête où chante une espérance
sur toute fleur ardente où se blesse un bourreau
sur toute plaie
où l’homme est au poteau soleil bleu de fatigue
et chanson nue d’amour dans l’adieu de l’aurore
 
gel de momie
la source éteinte pleure un astre
et l’arbre veille un feu de sève en ses racines
et les yeux sont éteints et la couleur mortelle
aveugle est la saison de vivre dans la pierre
aveugle est la chanson ductile de nos songes
le jour traqué de fous de spectres sans couleur
se change en nuit
                en herbe noire
en chanvre de tristesse où la violence en armes
frappe au matin le front
saccage l’âme et ruine d’ombre tous les rêves
où l’homme ouvre sa porte au grand soleil fertile
qui danse sur les mains de la joie qui s’énonce
vol calme de cigogne au ciel bleu du printemps
 
on tue
en plein midi
 
la nuit délire et mange
la cendre des victimes
 
la nuit délire
 
mais l’aube ouvre les yeux les visages les mains
l’ombre triste s’émousse
la terre aime à nouveau ses fils
et l’on se parle d’herbe tendre d’herbe douce
 
on cause du ciel bleu des vignes de l’automne
on se reprend à vivre
on flambe d’espérance
 
l’amour
tresse à nouveau ses lois
change la peine en fruit
           la soif en source 
et la promesse en pain
 
*
 
et nul effort n’est vain .
 
 
 
36 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------         
*
 
je sais
 
vous vous lavez les mains
de ce qui pourrait naitre
de douleur dans ma chair crucifiée de ciel noir
de nuit dans mon cerveau où se tord un reptile
de brume dans mes yeux créateurs de merveilles
de feu noir dans ma vie trouée de neige atroce
 
de mort
dans ma jeunesse
hantée par un sépulcre
 
de sang
sur mon trottoir
de violence en ma ville
 
de sel
sur plaie vivante
de terreur dans mon jour et de glace en mon coeur
 
*
 
vous vous lavez les mains au drapeau de l’aurore
et vous laissez
                        vos chiens hurler dans ma maison
que vous avez changé en bouge
et vous dansez sur mon cadavre
                                                  et vous crachez
sur mon portrait d’argile tendre
et vous ruinez mon sang fertile
et vous brûlez
mon livre et mes traces subtiles
 
et vous changez
les noms des rues de notre ville 
le sens
            de notre espoir de chair
sans vous soucier de mon supplice
                           de mon solstice
sans vous douter
de rien
 
sans vous douter
du feu qui brûle en mes éclairs
du feu certain qui me travaille et se révolte
à l’heure où vous chantez en vos palais de fous
la joie du crime
 
orgies
dans ma maison de pauvre
 
orgies
dans ma patrie humaine
 
*
 
je sais
que vous voulez
                        ma mort
                        pour votre paix
                        pour votre joie
 
ma mort
pour endormir votre conscience
 
ma mort
sur toutes nos chansons d’amour
sur nos saisons de lune rousse et de voyages
 
ma mort
ce long chagrin
qui tresse dans ma vie son laurier d’amertume
et berne mon printemps sur toute lèvre en sang
 
ma mort
pour vous guérir de votre haine
 
mais je ne suis pas seul à vivre
 
pas seul
à vous poursuivre de mes rêves
 
pas seul
              à mettre à nu la plaie
pour dénoncer vermine ignoble
le crime horrible que vous êtes
 
*
 
vous êtes
               le jour oblique
               la nuit putride
l’arbre coupé de ses oiseaux et de ses feuilles
l’outrage le plus triste au miroir de l’humain
la chance naine
la fleur malade et sans parfum
le sang pourri de nos clairières
 
traitrise à nos martyrs lune au chagrin de honte
nuit de vierge amertume et de présence étroite
 
la terre en sang
où notre étoile est morte
 
vous êtes
ce qui étouffe en nous le grand brasier d’amour
qui veille au coeur de tous
                                      et tue
les chiens
les hypocrites
les voleurs du langage où le miroir scintille
dés que la vie devient brutale
dés que le sang perd la raison
dés que mourir commence à vivre
en nous
marqués de nuit
marqués de mort
fichés
par la police
connus de tous
chargés d’avance
de tous les crimes de la terre
au beau milieu du jour où le scandale arrive
 
la vie devient brutale
le sang perd la raison
 
mourir commence à vivre
 
ne penez plus
ne parlez plus
ne rêvez plus
la nuit éclate au jour qui se dépense en larmes
 
vivre se glace
minuit raconte à pleine bouche
prodiges d’ombre et de mystère
minuit règne en plein jour dans un monde édenté
minuit nargue les yeux au ciel vibrent d’étoiles
 
mais nous
face au désert qui rougeoie en fête
nous murmurons
                        douceur
                        ombre figée qui pleure un astre
 
37  --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 
* 
 
j’écris
dans un cercueil plombé
dans un miroir atroce où je pleure un absent
dans un taudis de faim d’ordure et de vermine
dans l’impase cruelle où l’on viole un enfant
dans un camp de mort lente 
 
ô lumière estropiée
saison brûlée de neige absurde
soleil qui saigne à ma fenêtre
 
j’écris
l’étroite nuit de mon sépulcre
dans la nuit du mystère un amour sans défense
pensée martyre
ma joie brisée
comme guitare en peine
au terme d’un voyage et dun visage en fuite
cris de soie déchirée journée de neige bleue
où mourir se déploie dans la chair innocente
au terme d’un silence ignoble
 
*
 
hors de la nuit vaincue un homme nu s’éveille
et tâte
             aveugle en plein soleil
la chair de sa frontière d’ombre
et s’interroge où sont parties
                                les neiges de l’enfance
les neiges sans chagrin des chemins de l’enfance
 
l’hiver avait notre âge tendre
et nos moissons
lenteurs dans la hauteur du jour
étaient chansons de vague et rumeur de nos signes
 
et nous chantions
                         la mer la mer
                                          et ses vertiges d’ombre
                                          et ses chansons
en nous
troublés de profondeurs
 
l’hiver avait notre âge tendre
et l’oiseau qui chantait sur l’amandier en fleur
était l’oiseau de notre enfance
                                               ô fuite atroce
secret d’épave
 
mes amis étaient doux comme l’air du printemps
mais la cascade est morte où jouait notre enfance
ne reste plus que pierre morte
où ne s’éveille aucun visage
 
où sont ils mes amis des rivières bruissantes
ils sont partis un beau matin
                                            chasser la mort
chasser la nuit et les fantômes
qui cernaient nos maisons de givre et de terreur
 
ils sont partis sans geste grave
comme on s’évade
comme on sort de la nuit pour affronter la vie
comme on entre à l’école apprendre les raisons
des chemins de l’école
                                  où les oiseaux
                                  tous les oiseaux du monde
venaient reprendre force et chanter leur légende
mes amis que j’aimais sont partis pour toujours
 
où sont parties les ombres de l’aurore en fête
nous nous sommes épris de toutes les merveilles
de toutes les moissons du grand bonheur de tous
 
nous nous sommes aimés comme l’air et l’oiseau
nous nous sommes appris dans le jour en colère
des chansons de bonheur
nous nous sommes guéris
 
*
 
hors de la nuit vaincue un homme un autre frère
ouvreau soleil et plante amour bleu d’espérance
sa tente rouge dans la steppe
dans un frisson d’armoise et de reptile aveugle.
 
il parle
et nomme toute chose à vivre
et toute houle
chanson de vague et d’amertume et bruit de vent
face au désert menteur où nous ne sommes rien
 
il parle
et l’herbe issue de nous délivre sa fraicheur
 
ô sécheresse
 
réponds
            pierre confuse et noire
réponds
            au front blessé
lumière en ruine où le silence écoute l’ombre
grandir comme un secret sur la pierre tombale
la fleur issue de nous ouvre à l’azur sa chance
et l’ombre en nous secrète
                                       reste 
                                               un reste de nuit
que l'on efface de nos yeux brouillés de sperme
qui rampe loin de nous chien battu par son maitre
 
*
 
hors de la nuit vaincue par un azur sans tâche
un homme au soleil clair ouvre sa main de source
et vaque à sa besogne simple
                                              luire et chanter
planter de joie la vie entière
grandir dans le printemps des multitudes claires
et se connaitre
humain sans nul autre lignage
 
 
38  ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 
* 
 
marqué
par un soir de torture
 
                                blessé
                                par un silence ignoble
 
troublé
par un exil en deuil
 
                                lardé
                                de flêches sans pardon
 
trompé
par une affiche en sang
 
                                perdu
                                dans une ville infâme
 
sanglé
dans sa grise amertume
 
                                honteux
                                de rire dans l'horreur 
 
branché
sur une étoile en fuite
                                haineux
                                pris de gel et d'ordure
 
défait
par les orgies du crime
 
                                drogué
                                par un mensonge absurde
 
fêtant
la mort des solitaires
 
                                pourris
                                par une lente opprobre
 
il ne connait plus rien de nos fêtes d’enfance
 
plus rien
de notre veille claire au plus haut du rempart
 
plus rien
de nos chansons d’amour
 
plus rien
des gestes du beau vivre aux armes sans pardon
et traine dans la boue qui nous fige en statues
ce qui lui reste à vivre au plus bas du silence
 
 
39  -----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------         
*
 
le soleil froid qui nous accable dés l’enfance
la boue qui nous affliqe et nous colle à la peau
comme un reste du temps où nous étions sous terre
l’absence et l’amertume aux fibres de lumière
le vent qui nous insulte et nous étient à l’aube
la brume où nous perdons nos mains de neige pure
la joie qui perd son nom de fleur de route libre
de place au grand soleil de tous
le ciel noir qui nous rive en la nuit sans pardon
où nos statues de peur secrête
se font signe de vivre
 
tout disparait au jour
tout disparait
                    les nains
                    les langes de ciel noir
les affres de l’angoisse où nous perdons nos yeux
 
tout disparait
pour laisser place à notre ivresse
au bruit de la tendresse calme
du ciel qui nous déchire et luit sur nos vissages
 
place
écartez vous
 
place au soleil humain qui chasse les mystères
place au jour fraternel qui nous sauve du meutre
place au travail qui nous éclaire et ronge l’ombre
autour de nos vergers en fleur et de nos ruches
 
place au bonheur concret
qui plante en nous racines
 
pour nous de joie future
un jour nouveau s'allume et nous apprend ses lois
 
ouvrez
          les bras à nos éclairs
ouvrez
          les yeux à nos étoiles
ouvrez
          les branches de l’aurore
 
et toi mon frère
oublie la mort et ses énigmes
oublie la crasse et la vermine
oublie la honte et les insultes
et chante
 
chante avec nous la vie les armes et les rires
chante avec nous l’amour le pain le vin les roses
tout ce qui monte au jour et nous garde de l’ombre
tout ce qui nous éclaire espérance et tendresse
 
tout ce qui change en perles vives
nos yeux de haine et de tristesse
tout ce qui chante dans nos fêtes
la place tendre
où nous aimions dormir
là bas
au creux de la confiance au coeur juteux et bon
 
regarde
dans ton refuge d’ombre
l’étoile en sang
dans ton chagrin de pierre
la neige en fleur
dans ton malheur de chien
l’espoir en acte
 
regarde
fondre la nuit des exploiteurs du sang
 
regarde
les hommes nus grandir dans le soleil vorace
et se donner mains fortes de confiance
et se nourrir
d’herbe neuve et d’étoiles
 
un jour nouveau commence
et chante
             le bruit serein que nous faisons sur terre
stridence claire
où nous brûlons les ombres
et les fantômes
des peurs d’être en la vie
la grande joie vivante aux mains des hommes bons
 
un jour nouveau commence et nous apprend ses lois
rendre justice et force
aux statues de sel noir que nous étions sous terre
 
 
40 --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 
 
*
 
j’écris
sous in linceul de honte
sous un volcan de fièvre et de peuple en révolte
 
sous peine de mourir de froid
                                de nuit sanglante à vivre
sans la moindre espérance
 
sous peine de mourir de mort de pierre sourde
au chant de la rivière
qui passe en nous jardins
printemps sans esclavage
verger au fruit coupable et larme sans réponse
dans la multiple horreur qui habite nos astres
 
*
 
sous peine de mourir trés loin de mes racines
dans la glace de l’aube au poteau de l’aveugle
trés loin
des perles de vos yeux martyrs
douleur aux fibres de l’automne
où je sème au vent clair tous les débris du sang
à l’heure où je construis sereine dans ma danse
saison de pierre et de lumière
orgueil d’être sur terre un homme au sang brutal
qui se défend
                    par l’acte et la parole
                    par l’être et le secret
par un rythme nouveau d’enclume et d’étincelles
un sang brûlant comme une forge
où je trempe mes mains pour en tirer des fleurs
comme dans une source où la soif est rencontre
des lances de l’ancêtre et de ma taille en croix
 
*
 
sous peine de mourir de froid
 
je vais
là où chante la source où mon ancêtre pleure
là où l’idole est morte dans la pierre adulaire
là où vivre s’impose à la terreur sans âge
qui rôde autour de ma maison
                                                ignée de joie
là où l’oiseau compose un nouvel air de flûte
qui répète en l’enfance l’amour qui se dénomme
visage astre fleur et racine
 
je vais
là où règne le prêtre au long sermon de chanvre
là où règne l’argent et se transforme en dieu
là où règne le crime aux odeurs de sépulcre
au langage de meurtre et de brusque insanie
 
je vais
là où le ciel se couvre d’ombre et d’amertume
et tue
les oiseaux bleus de notre enfance
là où le jour traqué se cache en la tristesse
des gens
de ma semblance humaine
qui font de leur jeunesse un langage innocent 
et de leur joie le pain de tous
 
je vais
là où le signe évoque l’homme et son prestige
là où le geste insulte l’ombre et son mystère
là où la joie se fend pour mourir et renaitre
entre nos mains de terre et de travail limpide
où contre toute attente un homme nu s’éveille
et tue l’arbre à chagrin de nos danses de faim
et tue
        la chose infâme
        la chose inerte
        la chose infecte
        la chose informe
        la chose fausse
        la chose ignoble
        que vous avez dans la cervelle
        ce rien de honte  et de laideur
        cette ombre sans pardon possible
 
ce rât
qui vous grignote la cervelle et vous empêche
d’aimer votre semblable au silence de pierre
 
ce lac qui vous regarde en vain
                                              vivre et mourir
sans rien aimer d’humain que votre fausse image
 
*
 
sous peine de mourir de froid
 
je vais
portant ma pauvre lampe à huile
pour voir
sauvés de l’ombre et du naufrage
tous les visages
 
je vais
là où le peuple chante adulte et sans mystère
là où le jour se meut dans la douleur commune
là où la nuit gagne en secret sa vie de chien
sur les chemins volés par mon frère de peine
 
je vais
là où l’oiseau s' ébruite l’arbre
là où parler n’est pas un crime
là où chanter engendre l’aube
là où vivre s’invente au coeur de l’homme libre
fleur de juste naissance
au lendemain de fièvre et de travail sans fin
 
là où j’ai peur de perdre mon prestige humain
et mon chemin au coeur de l'autre 
là ou je meurs en vain dans la vivante opprobre
où je suis en questions
où je suis sans réponse
où je meurs de silence
là où chien se tait sous la rigueur du maitre
 
un autre prend ma place et me traine en boue
qui monte de la rue malsaine
comme cris de torture au jour sanglant à naitre
 
je vais
là où la nuit s’affiche aux portes de l’aurore
 
*
 
dans la légende obscure
assis
          dans la souffrance
un homme au ciel hagard
pleure un visage ancien où je surprends la terre
dans son odeur de terre aux puissantes racines
                                    où je surprends la fleur
qui délivre ses larmes
                                     où je surprends l’amour
au feu de source vierge
qui ne connait
que ma parole
et son travail de feu certain
qui joue à vivre
là où la nuit s’effrite
horreur blessée au coeur
 
je vais
là où le peuple enfin se dresse
                         face à l’injure
                         face à la honte
                         face à la haine
                         face au mystère
 
je vais
là où le peuple enfin se dresse
et tue
pour protéger sa face au soir du vieux chagrin
 
alors
le bruit de la conscience
éclate
dans la pierre où l’idole est réduite en poussière
dans la glace où la mort perd sa raison de vivre
dans la brume où l’errant découvre enfin l’asile
dans la nuit où l’étoile explose et nous dénude
sous la terre où le mort
brusque en la pierre dure 
un feu
sous la honte où l’honneur brûle toute médaille
et vous dénude
du deuil violent de ses souillures
 
*
 
je suis
là où le peuple explose preuve entre les mains
et clame enfin son nom arbre au soleil parfait
jour au ciel sans pardon et source de légende
vague en fureur et ruche ardente
patience morte et terre en sang
courage en feu
multiple étoile
au front de la jeunesse en acte
 
acte et mémoire
martyrs aux yeux certains
debout
au coeur de l’aube juste
qui bruit
dans la chanson houleuse et dans la rue qui brâme
dans la mine et l’usine aux yeux de houille vraie
 
au port où le travail scintille
et crée le jour
dans les yeux de l’enfance et de la forge adulte
dans l’espérance inscrite au seuil de la jeunesse
aui vibre au moindre vent au plus haut du rempart
 
*
 
je suis
là où l’espoir étend
ses grandes ailes bleues pour couvrir mon visage
sur toute terre
en tout lieu où l’humain change en perles vivantes 
larme étincelle et joie dans les yeux de l’adulte
 
j’avance
rêveur hautain
 
je me heurte au vent lugubre
qui me dicte sa haine où je broie de l’ordure
dans une impasse au ciel étanche
 
je vais vivre et mourir au coeur
                               de ma meilleure image
là où je change en lieu de paix
                                             un coin de terre
un coin de songe humain dans la journée brutale
 
*
 
sous peine de mourir de froid
 
je vais
au plus secret de mon visage
au plus profond de mon image
cueillie mon nom
pour accueillir mon frère et sa raison de vivre
pour adopter le sang qui ne veut pas se taire
pour affranchir la peine où je gitais lugubre
pour survivre en l’humain
qui ouvre à mon enfance
ses jardins fleur ouverte et sa place sur terre
 
à l’heure où je franchis toute fausse frontière
pour un nouvel espace
 
à l’heure où je grandis
pour envahir le monde et délivrer mes spectres
que la faim multiplie dans les villes étroites
fantômes de chair nue crucifiés dans l’aurore
 
je vais
cueillir mon nom
pour acceillir mon frère
qui sort de sa caverne et brame dans la ville
sur l’asphalte où mourir est désormais un droit
 
mon frère qui se nomme
prisonnier sans défense
frappé de mort violente
fou de torture infecte
 
mon frère qui se nomme
pris de mystère atroce
taillé comme une pierre
rangé dans la tristesse
meurtri dans sa lumière
mon frère qui se nomme
blessé dans son honneur
accablé sous la cendre
transformé en monaie
 
vendu
au marché noir
 
consommé dans l’ivresse
des orgies du malheur
 
car mon frère se nomme opprimé las des faims
                                    insurgé dans l’aurore
où mon frère se nomme
un beau visage humain dans le jour prolétaire
 
*
 
sous peine de mourir de froid
 
je vais
là où l’homme sommeille en sa gangue d’esclave
là où l’homme s’éveille
drapeau brodé de sang
là où chante un espoir au coeur des multitudes
partout
 
dans la neige où mourir est masque de victoire
dans le pouvoir d’aimer la splendeur de demain
joie de sortir de ma fatigue
par une aile d’amour un beau reste d’enfance
 
un feu
pour éloigner les hyènes
pour être un cri lucide aux voûtes du silence
ailes puissantes d’aigle et question de survivre
aux ronces du malheur qui traque mon squelette
acte libre et légende au pouvoir indomptable
exemple au feu charnel et question de présence
au vent qui supplicie nos rêves
rage où mourir de peine et chanson contumière
prison de glace ardente où je perds la raison
à cogner de mon coeur contre un mur invisible
dans l’esclave chagrin où pleure un autre moi
un frère au feu lointain au grand supplice acarpe 
qui brûle de ma neige et meurt de mon silence
 
je vais
au coeur troué de nuit depuis l’enfance amère
au coeur lassé du long chagrin
d’avoir pleuré parmi les ronces
                                            notre impuissance
dans ce monde de pierre et sans pardon possible
pour la lumière
pour la poitrine offerte aux gens sans espérance
aux pauvres gens sans feu ni lieu
                                                 broyés de mort
perdus dans le désert sans fin des villes noires
où la verdure est morte au seuil de sa naissance
où la source est chanson et fraicheur au visage
des moissonneurs surpris de soif
                                                broyés de mort
 
dans ce monde de pierre et sans pardon possible
pour la peine incrustée dans les yeux du chômeur
pour la peine où je meurs de voir mourir en vain
la main coupée
trahie
par son travail
l’oiseau qui a perdu ses ailes
dans ce monde de pierre et sans pardon possible
pour l’amour de demain que l’on égorge en vain
dans la joie mercenaire aux ronces de fer rouge
 
ah quel atroce asile habitons nous mon frère
 
 
41----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 
 
tous les yeux sont fermés en la maison tristesse
et l’ombre sur nos mains reste morne étrange suie
qui nous frappe d’absence au milieu de la fête
où la foule en rumeur tournoie bleue de fatigue
au creux de la spirale infâme
dans la cendre des pas des gens qui ne sont plus
que lépre et nuit sauvage au creux des solitudes
tous les yeux sont fermés et les fenêtres mortes
et la fumée nous cerne en ce minuit de chanvre 
où l’espoir nous oublie qui déchirait nos corps
dans la feinte de vivre ivresse au printemps neuf
 
un jour
           de halte claire au seuil de ce brouillard
qui hante les jardins de notre enfance en deuil
où tous les yeux
se font signe d’alliance et de simple tendresse
et vont plus loin que toute ivresse
 
nommer
amour au sang d’ébène aux yeux d’azur coupable
miel dense amour mon eau potable et ma jeunesse
amour qui pourrait bien
au comble de l’ivresse
nous rendre notre instance d' arbre
et nous sauver du crime et nous rendre nos yeux
nos cris de chair vivante
notre plus haute image
 
ô neige
blancheur incandescente et ferme
 
ô premier pas
chanson
danse fertile
voilà que je me nomme humain
pour décrêter mes lois
partager mon miel noir
grandir dans la lumière et vaincre autour de moi
herbe sèche et tristesse et lèpre anthropophage
mystère en pierre d’ombre où je gravis ma haine
pour atteindre la plaine où je serais tendresse
à tous les hommes bons
à tous les gens perclus dans les marais de l’âge
 
attente aux mains tendues lumière étrange à dire
éclaire et cris du sang sur l’asphalte qui chante
fureur de vivre en un seul temps neige et soleil
injure
        où je réponds au crime
par un sourire un feu dans la campagne morte
où les bergers
se font signe d’ailliance et de simple tendresse
et vont
nommer la joie
en tous les yeux fermés en la maison tristesse
où l’ombre sur nos mains reste une étrange suie
 
 
 
42 ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 
*
 
je veillais sous la terre et dans la nuit malade
et je nommais pour toi frère au soleil en cendre
les choses de la terre
la vie
les humbles choses
 
je veillais sous la terre et dans la nuit griffue
au coeur noir de l’hiver je chantais le printemps
et je guettais dans l’herbe vive
la fleur
la grande fleur possible au signe de phosphore
de neige et de tendresse agile
l’éclair nu de franchise et dans ma main ouverte
le feu patient du lent travail et dans mes songes
le chant
de l'amandier en fleurs
 
j’apprenais dans ma chair les saisons de la peur
l’hiver comme un linceul l’été blondeur mouvante
l’automne armée de cuivre et les autres saisons
les saisons de la honte
                                       du long mépris de soi
les saisons de la haine où je mangeais mon coeur
les saisons de l’impasse où vivre est une ordure
 
j’apprenais dans ma chair le froid et la chaleur
les cernes de la nuit sauvage
la lugubre venue des fantômes
le jour naissant au jour qui répétait l’enfance
le jour peureux de vivre en ce monde de pierre
où la nuit nous marquait de son ombre de louve
 
j’apprenais dans ma chair la perte de l’espoir
la perte du printemps gonflé de joie fertile
                               gonflé du feu stérile
qui montait à l’assaut de nos vergers hautains
 
j’apprenais dans ma chair le remords que je suis
aux yeux du traitre ancien
aux yeux du nouveau riche
                            qui rêve
de se nourrir du sang de l'astre où nos martyrs
se font chemins de gloire
 
mais j’avançais
dans la graine d’espoir qui régnait dans mon sang
 
je veillais comme un fruit
j’étais mûr pour l’amour et j’inventais les roses
 
j’avançais dans la fête et craignais le silence
qui germait dans la pierre insondable du cri
je veillais comme un fruit se nourrit de racines
 
je savais mon chemin sous la cendre et l’ennui
et je marchais parmi les ronces
 
je traversais la haine et le mépris des autres
 
j’avançais vers mon lieu de fraicheur fraternelle
et passais la frontière où l’homme est un adulte
sans fleur ni lendemain où sans enfance au coeur
je parlais comme un feu dans la pierre insondable
 
j’étais nu comme un cri
 
j’étonnais notre enfance et pleurais sous la terre
et pleurais dans le noir la pourpre étoile en croix
 
 
je parlais des oiseaux des fleurs et des étoiles
de l’herbe sous le vent de la taupe et de l’aigle
 
je parlais des vergers des miroirs et des êtres
des chansons de la terre
                                 aux bourgeons nus d'espoir
et des martyrs à l’ombre juste
qui ont fait de mon sang un printemps sans rivage
 
je parlais comme un fou
j’étais fou de sagesse
 
j’inventais le silence aux lèvres du coupable
et j’avançcais vers mon visage
                    vers mon lumière
et je peuplais la terre blême
des spectres de l’espoir qui me tenait au sang
 
je m’agrippais à toute chair
et naissais de moi même au plus fort de la houle
 
j’avançais
j'étais l'éclair de sang qui nourrissait les aigles
et méprisais la haine et les chansons sans feu
du cimetière ombreux où sont couchés les miens
 
je saignais comme un fruit
 
j’avançais
pour t’éveiller au monde au fruit de l’espérance
pour t’éveiller au monde au fruit de l’espérance
pour te sauver du chanvre triste
et sans passion
                          des ongles de la nuit marâtre
pour instaurer
ta joie
sur toute terre humaine où l’homme est un drapeau
qui triomphe de l’ombre
sous la mue des étoiles
 
*
 
j’étais face à la nuit l’éclat
le juste éclat de vivre une ivresse à ma taille
 
j’habitais l’espérance et craignais pour ma vie
j’habitais un printemps fou de lumière adulte
 
et j’avançais sur terre
malgré les corps brisés par l’âge
                         rongés de lèpre
                         brûlés de songe
malgré les yeux vaincus par l’ombre et le silence
les jours blessés de honte où l’homme sur de peur
les noces noires
des oiseaux dans la boue
des crapauds dans l’azur
la vie moisie dessous la pierre
la grande pierre d’ombre où se défont les astres
sous le poids du chagrin qui nourrit le despote
le maitre au ciel dément qui exploitait mon sang
 
mais j’avançais
vers mon visage
j’armais la pierre humaine où saignait la lumière
 
j’armais de sens
la fleur de notre enfance au pouvoir de printemps
les rues de la candeur détruite
les aigles de mon sang violent
la peine hirsute
les ruches du travail fertile
 
j’étais face à la nuit l’éclat
 
 
et maintenant
je règne
 
je parle
du temps où nous aurons le temps
d’être chair et lumière en la moisson des jours
plantés dans la rumeur de vivre
siècle d’azur limpide où nous pourrons chanter
face à la nuit
                    l’éclat
 
je parle
ivres les yeux sauront se nourrir de merveilles
et plus ivres nos mains dans la joie de connaitre
les marques de l’amour qui rêve entre nos bras
ce qui viendra demain reconnaitre en nos danses
les gestes de l’ancêtre aux larmes de sel noir
 
je parle
de houle fraiche
de foule ardente
du sang violent
qui s’exprime en révolte et secoue dans les rues
le vieil ordre infernal qui trébuche en l’aurore
où le peuple descend changer le cours des choses
hissant
           comme un drapeau
                                        sa vie
                                        sa plus haute espérance
 
je parle
je suis face à la nuit l’éclat.
 
 
43 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 
 
ils se sont mis en tête
de ruiner nos vergers nos chansons et nos rêves
de nous voler notre âme
de nous briser
douceur confiance et corps vivant
de nous mener
du temps vivant de notre force
à l’âge obscur
où l’homme rampe sous la terre
 
au temps
              de la matraque
au livre que l’on brûle
au camp que leur secret dessine
de la matraque
                            à la mort lente
 
ils se sont mis en tête
de mettre au pas
nos frères les meilleurs la fleur et la moisson
 
ils se sont attaqués aux lois fondamentales
l’oiseau fuyant l’azur se cache sous la terre
le poisson fuit la mer
je vole empli de mort avec l’oiseau stérile
et meurt avec la fleur qui répétait l’enfance
 
chaque regarde blesse un visage
affole une conscience où meurt lumière en deuil
un peu de nous qui passe
                                   dans le coeur des roses
 
chaque geste s’imprime en plaie de honte naine
sur tout visage qui s’éveille
chaque jour est douleur dans la sueur de vivre
 
ils se sont attaqués au bleu de notre enfance
 
au fleuve
qui ouvre en nous la mer
 
au sang
qui harcèle nos pentes
 
au jour
au destin de la fleur de l’oiseau du reptile
au long combat de l’homme en quête de soi même
 
ils se sont attaqués au feu puissant de vivre
au chant de la lumière altière
où l’homme parle et se résume
en acte simple
facile à vivre
en acte humain
pour répondre à la suie à la haine au malheur
pour maitriser les lois de meurtre et de sanie
et pour sauver
toute joie mise au clair
l’amour
qui nous annonce humains
                          au plus gris du silence
et nous enseigne à vivre au plus haut du rempart
 
44 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 
*
 
et sont venus les prédateurs
des grottes de la mort
la nuit sortait griffue
                    griffue
pour estropier mon coeur pour ruiner ma lumière
pour faire de mes yeux des trous de mort totale
pour briser ma jeunesse à l’heure des chansons
pour brûler la moissons dans la blondeur de vivre
et pour ternir dans un éclair
les perles de nos yeux aux vitres de l’enfance
 
la nuit sortait griffue gonflée de mort stérile
gonflée
des songes de la pierre
des ronces de la haine
des plaies de la laideur
des danses de la faim
 
se sont nourris de moi du suc de mes vertèbres
les défaites de l’ombre et les vergers du maitre
les rues sans espérance et les palais du crime
le temps mortel
                        les nains
                        les hypocrites
                        les pharisiens rongés de lèpre
                        les comploteurs
                        les exploiteurs du sang martyr
                        les bureaucrates
qui ornent leur maison des insignes du peuple
 
se sont nourris de moi du suc de mes vertèbres
les monstres à figure humaine
dont le métier
le seul métier
est d’encombrer la vie des gens
de tristes ritournelles
 
ô source noire
où nous avons pleuré nos larmes d’impuissance
contre un néant confus d’argent et de prébende
dans l’absence de vivre un temps à notre taille
 
justice
terre au soleil en armes
où l’homme se construit s’éduque et se prolonge
malgré l’hiver sans espérance
qui neige sur ses mains d’esclave et tue le chant
qui enfante l’enfance dans la joie du beau temps
 
ô source noire
 
j’ai vu les gestes nus des hommes sans lumière
mimer l’amour de luire
          la joie de l'astre
          la peur de vivre
          la honte et le chagrin
mimer la vie le miel de vivre
pourrir le feu de l’espérance
pourrir
          toute conscience vraie 
descendre dans la honte au plus bas de la cave
descendre dans la haine au plus bas du silence
descendre dans la boue au plus bas de soi même
 
se sont nourris de moi vaincu par l’âge atroce
les faiseurs de miracles
les faiseurs de mystères
les marchands d’indulgence
les religions barbares
les exploiteurs du sang
les constructeurs du vide dans le coeur humain
mes copains mes enfants
les fourmis de la terre et les oiseaux du ciel
 
se sont nourris de moi les êtres que j’aimais
les nuits mélancoliques
les larmes sans raison
les larmes sans réponse
les impasses de l’ombre
se sont nourris de moi du suc de mes vertèbres
les vautours
les chacals
la faim
la mort
toutes les autres peurs
 
je fus la proie
des prédateurs
des fous
des imbéciles
 
je fus la proie
des comploteurs
 
se sont nourris de moi les arbres sans racines
les choses de la nuit au masque de tendresse
toutes les armes du malheur sur terre
l’espoir hirsute
le manque d’air
le froid de vivre
les oiseaux sans refuge et le cachot sinistre
l’homme traqué par la vermine
la vie traqué par les ordures
le sang traqué par les blessures
l’enfant traqué par les fantômes
 
je fus le peuple
un arbre sous la pluie la glace et les cancers
un arbre qui promet des fleurs et des oiseaux
 
je fus le peuple
aux longues cicatrices
aux légendes multiples
 
je porte dans ma chair la souffrance et la joie
je porte dans mon coeur la peine et l’espérance
 
je suis
ce qui avance
face au malheur qui ferme l’homme
au ciel vivant
à la lumière
à la splendeur du monde
 
j’exige
au nom de tous la joie des rossignols
crevant la nuit de leur stridence
même l’horreur a ses limites
et l’amour seul est sans frontière
 
j’exige
terre interdite à notre ivresse
au nom de tous
 
justice
au cri qui saigne deans la cave
au feu qui veille sous la cendre
 
justice
à notre enfance éteinte par un souffle étrange
au jour glacé d’horreur au ciel étroit qui rêve
 
justice
la nuit souffre d’étoiles
 
ah plus de subterfuges
je ne me conte plus d’histoires
 
j’avance
chaque pas de mon jour me porte vers ma source
et chaque geste de ma danse
éveille dans ma fibre en sang
le beau visage
qui fut la proie des prédateurs
des hommes sans visage à vivre
 
j’avance
chaque pas de mon sang me porte vers moi même
et que m’importe votre orgueil
                                                je me ramasse
et me construis de fête en fête
selon l’herbe et le temps où nous sommes passés
selon l’âge et l’insulte où nous avons pleuré
selon l’heure et le lieu où nous sommes tombés
blessés
            par un regarde de haine
mordus
            par un silence
trahis
            par un couteau de mort
marqués
            au fer
 
j’invente l’herbe et sa fraicheur
            le rythme de mes danses
pour la légende morte en ma journée de plomb
pour mon enfance adulte
qui tue
les vendangeurs de rêves
pour la neige qui s’ouvre aux grâces du printemps
 
ah plus de subterfuges
plus de berceuse
plus ce poids du passé qui ligote nos veines
plus d’esclave en chemin vers la mort de coutume
plus d’apatride au coeur brûlé par une étoile en fuite
plus de joie trolodyte aux larmes sans réponse
mais partout sur la terre un homme un beau visage
maitre à jamais serein de sa plus haute image
 
 
 
45 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 
 
 
J’écris
            l’oiseau
            le nid et la caverne
            et dans l’hiver les amandiers en fleurs
la source de l’angoisse où nous cessons de vivre
la peur du lendemain qui nous encercle en foule
la mort casquée de fer portant la croix lugubre
 
j’écris
vers où donner du coeur à l’haure où la potence
brave le songe humain d’être un verger en armes
douceur sur la hauteur et bras pris de travail
beau songe humain de se vouloir
                                                argile
                                                           aurore
principe et chanson pure en la maison du pauvre
science et poème en feu au coeur de la jeunesse
saisons nues de lumière où notre main déchire
toute aveugle frontière où l’on masque le jour
 
j’écris le jeu
          où nous perdons nos illusions nos vices
notre erreur sur autrui où s’éclaire un visage
qui se fait un chemin dans nos fibres de laine
le jeu où nous perdons notre haine de l’autre
et notre orgueil de nains fous de mystère atroce
croyance au subterfuge
                                    où vivre est un miracle
tant le mépris est dur qui nous écrase en vain
à l’heure où l’on entend monter
la lave et les squelettes
 
j’écris
le jeu de notre enfance adulte et sans vertige
le jeu fidèle au moissonneur limpide
le jeu tragique où nous gagnons
le temps de la lumière où nous gagnons
le temps de la lumière espiègle
la joie
d’ être un espoir lucide
à l’heure où tant de nuit s’amasse à la fenêtre
que perdre son chemin sous terre
devient la loi
 
ah pouvoir nous sourire
sans nous mentir sur notre chance
 
ah pouvoir nous sourire
pour le plaisir d’ être sur terre
un chant protestataire et beau comme une vigne
pour le plaisir de nous connaitre
humains
bonté conquise au jour le jour
pour le plaisir de nous comprendre
enfance adulte
lumière exacte
conscence juste
 
 
 
46 --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 
*
 
j’écris
le dernier jeu
mourir
            de neige hiruste
            de pierre sourde
            de sable atroce
            de nuit brutale
            de boue infecte
            de jour infirme
mourir
nocturne comme l’homme au feu d’ étoile en fuite
 
mourir
de voir ses mains pourrir masturber les crapules
                                    se changer en reptiles
tromper l’ enfance frêle et trahir tous les âges
 
mourir d’ être un soleil en ruine
          d’être un siècle de haine
          d’être un verger en geôle
          d’être un visage en marge
 
mourir
de ne pas être
 
mourir de rien
 
terreur ouverte au front du jour
jardins brûlés dans la grisaille
squelette en feu sous la torture
rouille du sang martyr haine et chanson obscure
ronces de nuit fatale ombre et science du crime
orgueil infirme
                        débris de guerre
                                                hommes vaincus
que faites vous sur mon chemin
que faites vous dans ma ruelle
que faites vous en ma mémoire
 
je ne veux pas de vous
                                   autour de moi
                                   dedans ma vie
en moi
 
je veux
un chant de source pour ma soif
un jour possible à tous les rêves
un monde clair pour mon visage
 
je veux
un chant de source pour ma soif
un jour possible à tous les rêves
un monde clair pour mon visage
 
je veux
ma joie vivante
 
je veux
            mon temps secret de grandes avalanches
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
47 --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 
*
 
mourir
dans la blanche amitié des roses de l’automne
dans l’ espérance nue au chant de chrysanthèmes
 
mourir
dans un cachot de glace
                                     sur la place publique
sous les insultes de la foule
 
mourir
à l’ heure où le soleil se lève pour les autres
à l’ heure où le soleil s’écorche à l’ horizon
et saigne dans les yeux de l’ être sans espoir 
 
mourir dans un pays surpris de mort violente
le corps troué de nuit dans un fossé putride
 
mourir
dans la grisaille atroce où le vent s‘ épouvante
sans marquer de soi même un seul visage humain
sans but
sans nul visage à vivre
mourir dans la dernière auberge
          la nuit
          du désespoir
 
mourir
en marche de sa propre histoire
couché
sur des cadavres de printemps
vêtu d’orgueil et d’insolence
 
mourir
source étranglée
qui pleure dans le noir son ambition de fleuve
 
mourir
traqué de nuit
traqué de mort
déchu
de son visage
loin de soi même et de son lieu de neige douce
dans un égoût de honte où les rats font la loi
aux hommes vrais et bons
 
mourir
bloqué dans un tunnel de haine
              le coeur glacé de nuit
conscience morte face au crime
fermé
à toute image humaine où perle une espérance
vaincu
trahi par tous et sans enfance
face aux ruines du temps de laideur et de fange
qui plonge en nous sa nuit et sa racine en feu
 
mourir
parqué parmi les fous dans la démence atroce
qui erre dans la ville aux fenêtres éteintes
et change
le nom des rues
 
mourir
sans avoir eu la moindre chance
sans avoir eu le moindre espoir
privé d’amour
privé de joie
sans avoir rien compris au geste noir de vivre
 
mourir jouet du vent et des nuages
          jouet du feu et des étoiles
          jouet
          des solitudes
          jouet
          des multitudes
          jouet
          des altitudes
 
mourir sans patrie intérieure
          sans visage pour vivre
 
 
48 --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 
*
 
ciel noir
jardins blessés d’amour
          mangés de faims
gardés de brume aveugle
 
ciel noir
espoir et main en ruine antre masque d’énigme
douleur des pauvres gens à la langue déserte
en nous
la peur qui rampe sous la terre
le froid des steppes intérieures
parle taudis la faim la boue de ses insultes
et l’ordure en suspens prête à choir en ce temps
où l’on pourrait mourir
 
ciel noir
             nous ramassons les trigas de nos tentes
et nous quittons ce temps où nous n’avons de place
que pour brûler la terre
                                      du poids de nos chagrins
du poids de notre errance entre suicide et meurtre
neige esclavage et ronce
hors de la pierre en feu somme d’éclairs en fuite
hors de la nuit rouillée qui pèse en nous sa mort
les chances du printemps qui nous aveugle et fuit
errance
visages d’ombre et d’innocence
 
ciel noir
dernier souffle de l’ange au bas de la muraille
l’impasse oublie son nom ordure humide et noire
creuse la nuit mon frère et sarcle ta jeunesse
la mort exulte en notre ivresse et nous dénonce
 
ô suie
sur mon visage hiruste et blème
une ombre passe
 
le vent se charge de paroles
et ton langage est de lumière
ô frère à la douleur tranchante
mémoire en lave
tes cris n’ont pas de lendemains
ni ton espoir
qui cerne mon ciel noir
 
ô suie
sur mon visage hiruste et blème
une ombre passe
 
ciel noir
nuit sur ma peau brûlée face au miroir brouillé
nuit dans mes yeux crevés et nuit sur mon visage
nuit de peur sans raison au regard de ciel noir
nuit de neige et d’oubli
                                    tombée du ciel absent
nuit solitaire
nuit militaire
nuit de courage en sang
                       en peine d’astre
nuit de torture infecte où l’homme se dégrade
nuit de soldat blessé sous un ciel d’épouvante
nuit de chômeur errant sur le trottoir d’autrui
nuit casquée de terreur aux gestes sans réponse
nuit de dernier supplice au sourire implacable
 
O nuit coupable et vaine où pleure un innocent
 
*
 
ciel noir
les hommes se sont tus dans la pierre de pierre
et nous ne savons plus face au pouvoir des nains
que faire de nos mains qui ne sont plus nos mains
mais ces outils rompus
                       parqués dans le désert d’oubli
qui heurte en notre sang fertile
un lieu de neige douce et de verdure humaine
et brûle en la mémoire en peine
la joie crépue
qui dansait libre sur la place
grande espérance en crue qui surmontait nos fêtes
 
je me souviens et me questionne
de mon âge de pierre à mon cri dans la pierre
à mon dernier sourire
dans la nuit du salpêtre
de mon jour apatride à ma plus douce alliance
avec l’ herbe et le temps où se défont les mains
de mon besoin d’aimer ce qui se nomme humain
au déclin de ma force sous le poids de l’âge
 
je me souviens et me questionne
de mon spectre traqué à ma stable innocence
de ma statue de pierre au vieux songe charnel
qui pourrit mon squelette de sa fièvre noire
de mon travail gonflé de semaille et de pluie
de neige et de silence aux vertes certitudes
à ma rigide angoisse aux cils de chanvre noir
 
j’écris ciel noir
         ciel noir
nuit de martyre et d’herbe jaune
ses boiements de chiens mangés par l’horizon
ses avions en partance et sa clarté spectrale
ses rues où traine encore un ivrogne en voyage
dans un cri d’ambulance
 
haine honte remords printemps souillés de boue
un crime dans les yeux comme une aube mauvaise
 
ah le fleuve de lave où la conscience explose
au coeur de votre boue malsaine et sans pudeur
 
ô bourgeois sans lumière enfermés dans la cave
où vous mangez ma chair et ma force en délire
 
 
49 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------                                     
*
 
je marchais dans la nuit
parmi les puanteurs des jours
vécus dans le sommeil et la mauvaise haleine
des hommes endormis dans l’oubli de leur nom
des hommes ravagés de fatigue et d’insultes
 
je marchais dans la nuit
portant
             ma nuit secrête
             mon peu de jour
comme une plaie
comme un dernier courage
 
je rencontrais des fous
                     des nains
                     des mains griffues
                     des yeux obliques
                     des chiens
                     des loups atroces
j’avais pour seul espoir un coin de ciel humain
quelque image d’enfance
 
je marchais dans la nuit devenue terre mienne
et je songeais au jour qui laverait nos mains
                                                 les mains
de tous les hommes nus
trompés
par la couleur absente
des forête de l’enfance
et de l’espoir planté au coeur des pauvres gens
 
la nuit où je marchais était putride et noire
comme la nuit
des hommes sans mircale
des hommes sans sommeil
des gens sans éspérance
 
je trébuchais sur des cadavres
je déchirais le froid de vivre
                 le gel qui ploquait les matins
et fermait la fontaine
 
nous nous chauffions au même feu
dans le brasier humain que l’espoir inventait
et nous chantions
et nous chantions
et nous chantions
 
ah quel silence germe en nous
 
silence
du vieux malheur qui se résigne
à n’être plus que pierre d’ombre
 
silence
des jardins sans lumière où l’homme est sacagé
mourant sur les plages désertes
où j’ai peur de fleurir dans un chant véridique
 
silence
oubli du temps
des grandes lassitudes
des poux
des chars et des canons des loques et des ruines
oubli du temps
où nous étions silence
 
et nous chantions
quand le peuple insurgé chantait à perdre sang
pour gagner sa lumière et rejoindre les hommes
et nous chantons encore
contre quiconque tente
                                   de nous fermer les yeux
                                   de pourrir nos visages
                                   de déformer nos rêves
                                   de nous priver de vivre
au grand soleil humain qui nargue les laideurs
 
et nous chantons
pour ne pas perdre nos chemins de pure enfance
face à la nuit de mort
qui se dresse entre nous et notre accés au monde
                                     et notre espoir commun
rendre visage à l’homme
rendre lumière aux yeux
rendre au bonheur de vivre une maison paisible
ne pas nous rendre à la vermine
rester
debout
malgré tous les fantômes
malgré toutes les ruines
 
ici le peuple
ici le chant des moissonneurs
    le chant de tous les travailleurs du monde
le chant de la lumière
la ruche en plein travail
 
ici le peuple
l’abri de tous les opprimés
le feu de tous les insurgés
l’espoir qui déconcerte les faiseurs de haine
 
ici commence un nouveau rêve
                     un ancien rêve
 
 
 
50  ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 
*
 
j’écris la nuit qui vaque à sa besogne louche
nuit de l’absence amère où pleure un orphelin
nuit trove du chagrin où ma jeunesse est morte
étranglée par la peur qui me glaçait le sang
dans la pierre confuse où je fus sans visage
 
nuit de terre étrangère
nuit de fleur vulnérable
ardeur brisée au flanc du jour
nuit de promesse en fleur et de serment limpide
où l’on engage
demain pesant de joie terrestre
demain luisant au large au vivre sans frontière
grande nuit de l’amour que prolonge une aurore
 
nuit de sang prolétaire écharde au coeur blessé
où surgit dans la poudre un éclair de conscience
 
nuit de mort coloniale
ô vieille nuit d’esclave
que l’on répand partout en cendre sur le peuple
ô vieille nuit d’esclave aux chevilles en sang
regard opaque et morne où se tait notre étoile
 
nuit de saccage atroce où l’on brûle le livre
nuit de statue brissé par main de crime triste
nuit de peuple envahi par un monstre nocturne
nuit des rues en délire où la raison s’efface
 
ô nuit des opprimés tassés sous leur fardeau
 
ô nuit des insurgés heureux dans leur ivresse
ô nuit venue vers moi portant lumière au front
je vous conjugue en un seul verbe
d’herbe concrête et de fraicheur
où mon frère en chemin accoste un jour meilleur .
 
 
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