pour Mahmoud Darwich -
30
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*
j’écris néant
face au désert menteur où je ne suis personne
face au mystèreatroce où je deviens un
spectre
pauvre étoile édentée dans la clarté du
jour
néant
sur tous les assinssins
les pauvres assassins de l’ espérance
humaine
néant
couleur de rien
couleur de mort
de rêves mis en cage au plus bas du
silence
au
plus bas de soi même
ombre de ciel aveugle
ombre de jours mauvais
tachés de boue
de sang
mal commencés
ombre de chien malade
de neige morte au coeur
de vie rompue mangée de nuit
d’ orgueil et d'arrogance blanche
ombre de loup féroce errant dans la
grisaille
tristesse adulte et noire où la sueur de l’
âge
fixe en nous son ciel noir et nous défend
d’aimer
la fleur où perle encore un peu de notre
enfance
ombre
douleur de rouille atroce
où je ronge mes liens dans l’amertume
absurde
absence au jour fugace étroite et vaine
absence
néant
couleur de mort solaire
néant triste et confus sur toutes vos
idoles
2-
j’écris néant couleur de rien
rivière en crue
drainant ma terre arable
mon temps de pierre douce à ton visage en
armes
mes arbres fous d’oiseaux menteurs et
véridiques
ma vie
cadavre après cadavre aux yeux bleus d’
espérance
tendresse après tendresse et chanson
putrescible
ma vie
qui échoue dans un coin de votre vaste
exemple
ma vie
battue à mort
par les hommes de proie
mordue au
sang par la canaille infâme
saignée
mise en loques de faim
bloquée
dans le gel sans lumière où l’on traine le
pas
de maison de tristesse en maison de
tristesse
de trottoir en trottoir sans trouver nul
abri
par temps de nuit
de crime face à la conscience
de songe triste et de pesante haine
par temps de glace et de laideur
de terre en terre
errance au ciel brouillé et douleur sans chemin
ombre de mort humaine
d’ espoir
vaincu
réduit à rien
ombre de main tendue vers quelle aumôme
triste
au regard froid
comme un matin coupable au pied du dernier
mur
ombre de mort confuse
aveugle est la voyance
nuage ignoble
passé de nuit sanglante et de multiple
horreur
où nous errons
sans lieu ni trace claire
fantôme d’un autre âge errance au jour
malade
silence
où meurt ma résonnance d’arbre et de
printemps
3-
ah ! quelle nuit
de vieille terre morte sans tendresse d’
herbe
habite ma conscience en peine
et me déchire au vent qui rase en nous
martyrs
brûlés de froid
toute jeunesse et toute force
la joie du sang et de la danse
où mon coeur se connait racine fleur et
fruit
de sens agile et grave et fou de sève
antique
et mûr
pour la sueur de vivre
en tout lieu où l’ humain se dessine un
visage
4-
ah ! quelle nuit de terre morte
en nous fous de chagrin stérile
où nul astre n’explose et ne prononce un
verbe
terre morte à l’aurore où l’ombre use le
sang
et mord
la chair nue qui espère
retourner au printemps boire son plein de
neige
de lait noir et d’amour
son plein de douce écume et de blondeur
gagnée
dans un chant de faucile au songe d’
espérance
où l ‘amour se défend au plus haut de son
âge
au comble de sa force d’arbre
comme on défend sa vie son rang et son
honneur
parmi le noir timulte où l’homme est un
fardeau
5 -
*
ah ! quelle nuit
de terre morte en nous pris de rigueur
nocturne
chargés de pierre et de grisaille
dès l’aube où nous fûmes vaincus et
désarmés
par l’étrange douleur au teint de vaine
absence
qui pénétrait nos corps pour y porter son poids
de sable et de laideur où nous perdions la
tête
de neige amère et d’épouvante
pour nous courber
et briser nos squelettes
qui se mirent soudain à danser dans
l’horreur
à luire
face au mensonge
du maître obscur et laid en son langage
d'ombre
en son ouvrage absurde
dentelle
de glace et de torture
qui éteignait nos yeux
à toute heure de vivre au plus clair de soi même
à toute heure du jour qui nous heurtait
sonore
6-
silence
les pièges sont tendus dans la ville spectrale
où nous errons gardés à vue
dans la mort déployée où veille un
mercenaire
arme pointée sur notre coeur
de haine et de silex hautain
les pièges sont tendus et nous errons
aveugles
où nous pleurons de froid
de faim et de rancoeur
contre ce temps de mort où nous ne sommes
rien
que spectre fous
aux yeux bandés de noir dans une ville
infâme
dans un tunel de rues qui pue
l’ordure
et la charogne
absinthe et labyrinthe où meurt le voeu
d’aimer
7-
les pièges sont tendus par des mains sans
pudeur
et nous pleurons de froid entre glace et
sourire
moi seul
je reste en mon burnous
les yeux rivés
sur un boulet de gloire
qui traine en mon passé et luit
comme une étoile en sang en mon printemps
futur
8-
les pièges sont dressés dans la nuit
familière
près de la source éteinte où pleure un
innocent
près de toute jeunesse où se dresse un
coupable
près de toute espérance à l’assaut de la
haine
entre nos mains de chair de feu et
d’éprouvante
et sous nos pas errants dans les jardins
mortels
aux senteurs de printemps et de juste
naissance
silence
les pièges sont partout dans toutes les
questions
dans
toutes les réponses
dans toutes les paroles
partout
où
passe une étincelle
en tout effort de vivre arbre au verbe
innocent
en toute vigne humaine où danse un
vendangeur
heureux de son travail
heureux de sa fatigue
heureux d’ être lui même au centre de la
fête
9-
silence
je reste en mon burnous désert où je m’invente
un grand miroir serein pour mon rêve
essentiel
fuir ma légende obscure aux pas de cendre morte
pour entrer dans la joie de faire
un seul domaine
de votre
force tendre
mes frères sans visage à vivre
ombres couleur de rien couleur de nuit
blessée
couleur de vent et de mystère
couleur de pierre morte et d’éclairs
pétrifiés
parmi les ordes tyrannies
rouillées
dans leur cercueil de haine
*
je reste en mon burnous loin de ma haute
image
dans une geste atroce où je demeure un
spectre
dans une rue aveugle où le brouillard
m’étouffe
de sa main froide et nue
loin de mon vrai visage
et du malheur sans fin qui souille mes
chansons
10-
je travaille en secret à taire dans mon
coeur
les loups de la démence
les chiens surpris de rage aux confins de la
honte
les rumeurs que la haine engendre en mon
domaine
le bruit sans importance des ombres que je
croise
en ce siècle d’angoisse
le ciel brisé
pourri d’ étoiles
mortes
au teint de sang fertile
la mort
qui me prend à la gorge et me couronne
hiruste
11-
je travaille en silence à taire dans mon
coeur
les peurs
la
nuit putride
la haine les rancoeurs
la boue casquée de mort qui rôde en mon
village
qui me charge d’angoisse en terre d’
espérance
qui blesse mes oiseaux au plus haut de leur
joie
qui brûle mes moissons futures
et traine mon cadavre
là bas
dans la lumière
où mon travail se brise
où l’on écorce l’homme au milieu des
ordures
des chiens hargneux de la violence
dans la nuit sans pardon où je meurs
d’insolence
12-
je travaille en silence à taire dans mon
coeur
toute forme de haine où je perds ma
franchise
mon rang
ma
joie de vivre
ce qui me sert de loi
de lettre de franchise et de présence au
monde
ce qui me sert de geste et de rempart
hautain
contre bassesse meurtre et terreur
quotidienne
où je suis au supplice quelque plaine qui saigne
dans sa vigne qui pleure
étrange dans l’automne
rouge et bleu de salpêtre
13-
je travaille en silence à taire dans mon
coeur
mon long passé de chien battu
et mon ivresse
d’esclave aux larmes intérieures
de cargaison
de bonne argile humaine
jetée par dessus bord comme un déchet de
sang
mon long passé de soie brûlée
de
terre morte
de sang versé parmi la fange
de joie rompue
par un délire d’astre en fuite
de mise à mort
de mise à terre
de mise en terre
de faim au soleil de nos danses
de neige au coeur et de colères
de loques froides
de jours gâchés à vide et de crachats de
sang
pour le confort du maitre au jour odieux à
vivre
mon long passé de proie me remonte à la
gorge
je sors de ma légende et je rencontre un
loup
*
je fus toujours la proie
des fous
des mercenaires
des
monstres prédateurs
des gens chargés de nuire à mon visage en
fête
chargés
de supplicier ma chair
de crucifier mon être
au nom
de leur dieu de monaie et de torture
infecte
pauvre dieu de l’encan dans la nuit
mercantile
je fus toujours la proie
des gens
venus de loin sanglés dans leur délire
bloqués dans leur logique terne
et sûrs de leur pouvoir de mort
brûler
dans la nuit verte des savanes
l’humain
visage
14-
expulsés dans la nuit des forêts de l’
enfance
nous avons en partage un secret dans la
pierre
et nous sommes témoins du crime et de
l’ordure
qui font de notre chance un poteau de
torture
un songe
un dernier ciel à vivre
les hommes sont au loin
là bas hors de la boue
et leur travail serein comme une étoile à
vivre
miroite
au dessus de nos peurs des nains et des
reptiles
sans altitude en l’âme
les hommes sont au loin hors des chemins truqués
et leur lumière est pure où le printemps
verdoie
15-
l'autre reste la nuit griffue
qui me chasse au dehors de ma force au ciel
ivre
qui me ruine à l’avance et me condamne à
vivre
un autre temps
le sien
un temps sans aucun sens
fou de chagrin stérile au flanc de ma
défaite
ciel en cendre
et sans visage à vivre
16-
je rentre en ma légende et je rencontre un
nain
des hommes pétrifiés pris de mystère et d’
ombre
dans la vieille caverne où ma légende est
morte
privée
de sa
substance
de son pouvoir d’éclair
de son poids de bonheur qui saigne dans ma
vie
sans plus de sens à dire au jour que je
célèbre
à l’ herbe qui s’éveille
en nous
hommes bleus de fatigue
plaine bleue d’ espérance
vergers fous de lumière où la splendeur
exulte
éclairs
parmi le chant des fleurs.
17-
je reste en mon burnous en mon abri de
peine
je reste dans la pierre un instant de
lumière
et de source en verdure je m’éveille au
monde
hélas
je ne peux pas entrer on me laisse à la
porte
on se méfie
de ma vieille jeunesse aux vagues
d’espérance
de mon âge de pierre aux meules de nuit
grave
de mon secret mortel aux algues d’ herbe
douce
de ma journée fertile où marche un arbre
libre
on se méfie
de ma plus douce alliance avec le temps
soyeux
de mon siècle apatride aux larmes
innocentes
de ma patrie humaine où l’homme est un
devoir
de mon pouvoir de neige où j’écris ma
croyance
on se méfie
de mon absence claire aux orgies des
crapules
de toi miel exemplaire au lent travail
d’abeille
de moi source en la pierre claire en sa
réponse
de nous
de nous vivre en l’incendie de
l’aube
du jour qui monte à notre taille
je reste en mon burnous dans leur hiver de
haine
où je m’eveille au monde pour l' être et pour l' avoir
mais on me laisse au seuil de ce domaine
étrange
qui se dresse sans moi
là bas
et contre nous
sans nul autre rivage
que ma chair au pressoir
et ma conscience en croix
caverne
où je m’éveille
pour me savoir en marge
en dehors de l’amour où j’ai planté ma
force
loin de toute moisson où la blondeur
chatoie
loin de ma propre image insultée par un
chien
loin de la porte ouverte dans mon règne
humain
18-
l'autre reste le maitre
le promotteur sanglant de mon destin de fange
le maitre de la source où mon ancêtre
pleure
son culte absent
face au pouvoir des nains armés de suie avare
ma joie brûlée
dans le dernier naufrage
mon grand soleil noirci de lèpre et de
famine
mon nom tourné en dérison ma force
éteinte
et de plus en plus lente à monter sur la
terre
vers son lieu de printemps où voyage l’
amour
ô ville infâme où nous errons
de rue en rue
de plus en plus cruelle
de fleur en fleur
de plus en plus stérile
de regard en regard de plus en plus
morbide
glacial et destructeur
de toute source claire où mon ancêtre pleure
notre spectrale image vendue au marché noir
mangée par la laideur et les manies
infirmes
19-
nous restons à la porte au flanc du siècle
atroce
qui fuit dans le malheur
être une pierre d’ ombre où plus rien ne subsiste
nulle étincelle
être une terre où rien ne pousse pas une griffe
aucune ronce
être un étang de lèpre que nul songe n’agite
être un désert de haine
hiver de faim dentue sans rémission
possible
de mort sans innocence
de mort qui se conjugue au néant de se
taire
de nuit au son perfide
hiver de chair bleuie brûlée par l’âge aveugle
élans perclus de gel
pourris
orange à terre
à nous
la peur le
râle et le crachat sanglant
à nous
la nuit
fermée comme un sépulcre
l’espoir
et son fardeau d’épines
les jours
pourris de lassitude morne
à nous
la fleur fanée la flamme friude
la joie sans sépulture
la fin de moi honteuse
nos martyrs en poussière et nos héros
perclus
notre herbe sous le vent peuple défait de
nuit
nos rêves
au pied du mur
et fusillés à l’aube
et notre bouche ouverte emplie de sable
aride
face au malheur
qui brûle nos moissons d’épines
et nous hante à jamais de lèpre et de
blancheur
à nous
splendeur passée et gloire morte
les lianes de la peur de vivre
la peur du lendemain dans toutes les
maisons
à nous
ce qui ruine en secret la fleur de notre
sang
l’opium de votre chant mortel
le jour absent
minuit en tous les yeux crevés
la toux sans espérance et la lèpre au
visage
à nous
l’horreur d’être un fantôme égaré dans la
chair
20-
ce que je tente en vain est un travail
diurne
dans un astre en péril frappé de nuit
stérile
21-
ma route est sans issue
sans
autre issue que vivre
les saisons du malheur qui me cerne
d’angoisse
la longue nuit de sable où j’oublie mon
secret
le grand geste d’amour où mon coeur se
défait
où je meurs de silence
ô cage ignble et triste où je ne suis
personne
ma présence est absence et ma force un
délire
de glace et de violence aux larmes
intérieures
ma route est sans issue
que vivre
pour rompre avec la mort
qui me suit à la trace et me tente de pièges
et voudrait me bercer de splendeur sans
rivage
que l’astre en voyage et la moisson
mouvante
maison claire
où je tente de vivre
route vers le bonheur des multitudes
claires
chanson de joie vivante verger de
tendresse
où je m’invente humain
sous un monceau de nuit de fange et de
laideur.
22-
acte et parole
datés
de cohérences
passé lointain de deuil présent grand de
lumière
travail d’argile tendre au grand soleil de
tous
et pur chainon bruissant entre vivre et
mourir
un arbre
au pas vivant qui
abrite en sa grâce
la simple joie de vivre une plus douce
enfance
un homme
aux surprenantes roses
un homme au pouvoir clair se retrouve un
visage
aimant les hommes véridiques
dans leur travail
de graine sous la neige et d’amandier en
fleur
de nuit vaincue
de mort féconde
changée en doux martyrs
en lieu de vaste joie où se retrouve
aprés la nuit de ronce
acte et parole
un homme
pesant de vigne et de blé dur
pesant de terre douce et de tendresse
d’astre
de toute eon enfance au chant d’argile
grave
au bruit de source pure et de chansons de
pluie
un homme
chemin de ma naissance au jour
pesant de bonne argile et de haute
espérance
de lendemains rugueux au printemps
véridique
pesant d’être un visage humain
pesant d’être un exemple au vivre
scintillant
dans la journée blessée de meurture
mercenaire
où le jour se dégrade et pourrit dans un
cri
ô douceur
que l’on torture
un homme acte et parole
pesant
de tout le poids humain qui lui déchire
l’âme
et brûle son dernier vaisseau
par un soir de douleur dans la rue de
l’enfance
où délire une enclume en la hauteur de
vivre
23-
acte et parole
un homme au pouvoir clair brille en demain
soyeux
qui vibre dans les yeux des pauvres de ce
monde
chaire nue sous la caresse à sa naissance d’aube
astre et parole un
homme
que l’on traque partout aux confins de soi
même
que l’on baillonne aux yeux de tous
que l’on égorge en vain au profond des
cavernes
chair suppliciée à son plus beau moment de
nuit
à l’heure grise
où sa détresse explose et se traine
coupable
dans une boue de sang et de fanfare
horrible
de croix gammée et
de rouelle ignoble
four crématoire
nuit coloniale
tambour à l’aube
un bandeau sur les yeux au poteau de
torture
potence au soir
terre usurpée ma chair est un affreux
baptême
je suis l’homme traqué de faims et de
vermine
traqué
d’être neige au printemps un amandier en
fleur
d’être un ciel souterrain
traqué
d’être un vivant au coeur du
cimetière
que l’on appelle vivre en ce monde
impossible
lumière exacte
herbe nouvelle
herbe rebelle
étoile prime étoile au coeur du temps du
pauvre
un grand soleil humain au printemps
véridique
herbe morte en silence
dans ce monde impossible
qui piétine l’enfance et les vergers de
l’aube
ah ce monde impossible où l’on
traquel’humain
où l’on pense pour nous
où l’on parle pour nous dans les cages de
haine
où l’on mange pour nous cendre étrange et
caviar
on vit en notre
lieu et place au plus haut de la fête
où nous sommes témoins du crime et de
l’ordure
des cris de la bassesse et des hommes de
proie
ah ce monde impossible
le rêve est une faute où pleure un homlme
libre
l’espoir est un supplice
hiver de glace
l’amour un subterfuge où la joie reste
étrange
rancoeur contre soi même
et soi même dans l'autre
ma bonne argile humaine
errant
sur les chemins d’exil et de
blanche épouvante
24-
quelle âme est à l’encan au bazar du vieux
monde
où l’enfance est un crime au signe sans candeur
angoisse et sable au vent dans mon âge de
plomb
25-
je ne suis rien encore
mais pour ne pas mourir dans leur noir
labyrinthe
je reste en mon burnous un chant de nuit
nomade
pâtre au coeur musicien
errant
de
soif en soif
pleurant dans le secret ma vieille
transhumance
la joie future
où l’on m’empêche d’être
dans ce déluge d’ombre et de poussière en
armes
où mon regarde s’arrête
au seuil de mes vergers brûlés au faite de leur
joie
26-
les hommes sont partis loin de mon coeur en
sang
mourir surpris de froid sous le gel du mensonge
dont on me berce en vain en mon plus haut
refuge
dés que j’ouvre les yeux au printemps
véridique
qui marche clandestin vers mon visage en
loques
et me connait printemps traqué de neige
hirsute
dans un déluge d’ombre
27-
les hommes sont partis mourir loin de mes
yeux
qui ne peuvent plus rien pour ma jeunesse en feu
bruissant de neige et d’étincelles
de nuit brusquée dans les cavernes
de mort blessée d’amour entre mes grandes
mains
qui ne peuvent bouger
sans éveiller le maitre et son bourreau nocturne
en train de m’amputer du plus clair de moi
même
du plus vrai de mon coeur martyr ausoleil
dense
qui travaille en secret à renaitre au
printemps
28-
les hommes sont partis loin de mon coeur
vorace
vivre et mourir de joie de force et
d’espérance
au coeur de leur enfance où les loups sont
passés
à l’heure où je dormais sans croire à mon
désastre
à
mon naufrage
à l’heure où notre espoir gisait sur le
rivage
où
je naissais
d’un chant de vague amère et de forêt
hautaine
au creux du coquillage où pleurait une
étoile
les hommes sont partis aimer d’amour
lucide
la vie
dont ils furent privés
la vie terre étrangère aux moissons
émouvantes
dont ils furent privés lors des fêtes du
sang
29-
les homme ssont partis mourir dans ma
mémoire
mais vivre dans mon sang
martyr
poète au verbe astral enfant du peuple
grave
terriens
hommes de chair et de travail leur nom reste un secret
survivre
changer toute légende
pour agir en confiance
dans ce monde impossible où je perds la
raison
et meurs d’être silence et larme
face au crime du monde où j’oublie de
nous dire
au nom des meilleurs de nous tous héros
martyr
exemple
aux actes de légende incrustés dans
l’histoire
qui marquait de son feu mon devenir
terrestre
ah ce monde impossible on y pleure en secret
les hommes de lumière au laborieux préssage
30-
j’écris néant couleur de rien
vie consumée couleur du temps sans
importance
rosée du sang violent dans la nuit du
salpêtre
un dernier jour chatoie aux branches nues de
vie
mort provisoire
les hommes sont partis trés loin de mon
visage
le jour se ferme comme un livre
et la mémoire
assise au coin du feu travaille à
reconnaitre
sous la braise endormie le premier feu
natal
dans la nuit vaste des fantômes
qui furent ma jeunesse ouverte au grand
soleil
ouverte à leur langage
à leur haute naissance
à leur chanson charnelle où je suis né de
rien
dans un déluge d’ombre et de poussière
insane
où je m’fface en vain hors du miroir de
pierre
où je m’éloigne d’être
et glisse dans ma propre haine au moindre éveil
je meurs
je meurs de votre vie nocturne
du bruit que vous nommez chanson
de votre luxe
de vos médiocrités multiples
je meurs
de votre aumône infecte
du pain que vous jetez au pauvre
du quotidien sans joie
qui tombe en pluie de sang dedans ma vie malade
saison féroce et sourde à la clarté des
fleurs
où je demeure en
marge
défait
de
nuit coupable
défait
d’être sans loi ni rêve
je meurs
dans l’absence de l’être où l'autre était mesure
de mon temps de travail où je réglais ma
vigne
de ma chance sur terre où j’inventais
l’amour
de mon visage humain aux rides d’ombre
étroite
l'autre
était mesure
de ma peur de mourir aux mains des
mercenaires
de ma joie de chanter demain possible en fleur
de mon peuple insurgé dans les bras de
l’aurore
32-
écharde dans mon coeur martyr
douleur coupable
de pourrir ma chanson au plus fort de la
houle
de souiller ma maison de sa nocturne
angoisse
l'autre
prenait mes jours soyeux
gâchait ma vie
et tirait de mon sang aux saisons
laborieuses
des moissons des jardins des palais des
orgies
et mille perles criminelles
l'autre
parquait parmi ses chiens
ma vie ruinée
blessée de mort
publique
mise au
poteau
sanglante
l'autre ruinait mon temps me volait mon
sommeil
me gardait en éveil au plus haut de ma
croix
écharde dans mon coeur martyr
l'autre restait un poids
défi nocturne à mon pouvoir
de transformer le monde et de régler mon
temps
au rythme des saisons vivantes dans mon
sang
créer
ma cohérence
ma loi de sève et de printemps
mon jour aimant
ouvrir les yeux
les mains
vers leur pouvoir d’aimer la vie à toute
bride
la vie
ouverte à tout venant possible
à tous les âges
créer
ma cohérence
aimer
tout ce que aime vivre
en accord avec l’herbe et les palmes
dansantes
et les cris de la sève au coeur de toute
fleur
aimer
tout ce qui aime vivre
ma danse mon vertige et mon vaste
équilibre
les yeux où notre espoir s’organise en
chemin
pour vivre et pour mourir
au coeur de notre danse au long pouvoir
magique
et nous défaire
de nos lointains fantômes
de notre fausse image où je reste un
coupable
et du brouillard pesant qui me sert de
suaire
où je pleure un absent qui veille dans mon
sang
33-
moi privé de mon nom
moi privé de langage et sans pouvoir
trangible
lumière sous la neige où passe autrui
brutal
noir de présence aveugle au gest sans
rumeur
je reste dans la pierre où je pleure un
absent
créateur de merveille et de printemps
humain
enfant de bonne argile
debout
face à la mort
couleur de nuit vaincue
longue nuit coloniale où je parle au grand
jour
où
je me nomme
humain
où je survis au crime
où je m’impose à l’ombre étroite qui
m’étouffe
où je m’impose en foule herbe peuple et
légende
où je prends ma mesure et reconnais ma
taille
ardeur
contre défaite
ardeur
où je mèle les mains les feuilles les
sourires
au givre ardent de la promesse faite au
pauvre
là bas
au creux des
rues
des joies adolescentes
des jours gagnés dans l’explosion de ma
révolte
où je marche au soleil content de ma
franchise
sans souci de l’ordure
sans souci de la mort
sans souci de la haine qui écorce mon
frère
sur la place publique où je meurs de me
taire
et de garder ma neige et mon défaut de
langue
longue nuit coloniale où je m’impose au
crime
à tout ce qui me nie de fange et de
laideur
à tout ce qui me suit en mon cachot de
haine
à tout ce qui n’est pas
mon jour
mon beau visage humain aux armes
innocentes
ô nuit
où je m’impose
à tout ce qui n’est pas mon rêve
à toute plaie
qui saigne dans ma vie blessée
à toute honte
où pleurer d’impuissance est épine en mes
yeux
à toute chance ouverte où je m’invente une
aube
visage
où je m’épuise à vivre et redeviens moi
même
34-
ardeur
je suis ardeur
contre le givre ancien de ma défaite
obscure
ardeur de nuit foulée
brûlée
surprise à vivre dans mon sang
de ma tendresse d’herbe
de ma lumière d’arbre aux algues de
printemps
ardeur de jour fatal au flanc de mon
silence
de ma patience en crue enceinte d’une
aurore
journée de notre amour
bonheur de vivre en pleine fête
en pleine danse
mon temps
de longue soie vivante
de route ouverte au crépuscule
de fleuve
amour flexible au soleil d’estuaire
mon temps
qui ne peut prendre fin
qui ne peut pas mourir bloqué dans une
horloge
qui surgit sans défaut de la plus humble
pierre
et se connait
éveil dans un jardin au chant de
chrysanthèmes
soleil entre les mains du travailleur
limpide
ville à construire dans l’aurore
usine à mettre en marche amour ouvrage
clair
baiser de chair
et long partage d’âme
au coeur veillé par tous en toute terre
aimée
amants pris de vertige et lumière
indomptable
mon temps
qui se connait heureux dans la joie du
poème
dans la vigne ui danse et la moisson
vivante
aimer
l’enfance qui se taille
visage au soleil vaste
jeunesse
à l’assaut de son coeur gonflé d’âges
fertiles
aimer
toute innocence d’herbe et de lumière en
fête
et foule aux lumière squelettes
en quête de leur chair perdue au jeu
nocturne
de vivre et de mourir pour rien
et pour jamais
aimer
la grande fleur possible entre vivre et
mourir
la douceur de l’offrande au sommet du
supplice
où l’amour sans chagrin des rêves de
l’enfance
suspend toute question aux lèvres du
mourant
35-
aimer
comme une aurore en pleine mer
comme une pluie
au coeur de la saison patiente
comme une graine sous la neige
comme une ruche de miel grave
comme une rue de notre enfance
comme une page tendre inscrite en la
mémoire
comme une matin de neige où vibre un
amandier
au jour qui me surprend de sa cadence
fraiche
mon temps
qui danse dans les yeux
étoile au long secret
mon temps
qui nie
la pesanteur de l’âge et se connait
jeunesse
à vivre en tote halte où se ride un
visage
à remplir de chaleur et de chair
fraternelle
jeunesse
à tous les coins du monde
où s’insurge au matin de rouges
chrysabthèmes
un peuple
hors de se langes noires
hors de ses loques mortes
et se raconte au jour
justice ouverte à tous
marée de joie publique et conte de
l’enfance
jeunesse
qui brave l’hivre noir de crime et de
laideur
jeunesse
où je m’écoute vivre
entre les haltes du travail
contre la haine
que je heurte de front au moment de
renaitre
jeunesse
mon poids de sel vivant
mon quotidien visage
mon verger laborieux que la douceur
traverse
ma rue ouverte au jour où je demeur en
armes
pour mener notre espoir à sa place sur
terre
là bas
où mon visage
est combat sans vertige
de neige et de fureur où je surprend la
nuit
où je gagne mon temps et vous retrouve
jeunesse
ardeur de givre ardent dans ma maison
ouverte
au grand secret des roses
au
ciel nocturne et beau
au chant de notre amour de chair et de
racines
au plus beau cri de joie
jeunesse
ardeur de givre ardent contre le givre
obscur
de ma vieille défaite où bramait
l’espérance
ardeur de jour violent
de nuit violée
abeille au miel serein route ouverte au
soleil
qui navigue en mon sang glacé d’être au
supplice
où mon espoir s’égorge au plus bas de
l’horreur
où je reprends ma taille et redeviens moi
même
39-
ma tente s’est ouverte au souffle de la
steppe
où je marche étranger furieux de vieille danse
ma douceur fraternelle en proie au lent
venin
de leur combine louche
37-
je reste sous ma tente espoir de long
voyage
au pays de mon frère aux mains de lamme
nue
je reste sous ma tente
un ciel qui se délivre de la brume
étrangère
errance vers la source où calmer mon
vertige
et gravir mon chargin dans un miroir
vivant
38-
moi privé de langage
je reste un cri de
feu
qui gît
dans une pierre d’ombre
une étincelle
qui survit au malheur d’être en marge de
soi
et danse dans la joie
d’aimer
ce que je nomme vivre à travers nos
fatigues
à travers les saisons de haine et de
démence
combat
fleur ouverte au désert
un cri qui heurte l’ombre où je dors
silencieux
longue agonie sous terre
où je reste un deuil de mille et une
années
un
jour absent
qui me recherche en vain et pleure son
absence
je reste
un cri de feu
dans la nuit qui me noie et brûle mes
étoiles
et tue mon sang violent que la tendresse
agite
et pourrit ma récolte et me crache au
visage
sa chique noire et ses microbes
je reste en mon burnous sous ma tente
d’étoiles
résistance au malheur herbe douce et
lumière
veillant
face
à la mort
qui retentit nocturne au vent froid de la
steppe
et meurt
dans le silence
avant de naitre en nous
39-
je reste en mon burnous un cri contre l’horreur
qui nous voile au matin brûlanr de neige
vierge
qui nous ferme au soleil qui se dépense à
vivre
en nous
brûlés d’être les siens
un cri
contre l’horreur
qui tente en vain
en nous sa chance noire
de nous pourrir le coeur
de nous ronger les yeux de lèpre et de gel noir
de nous glacer le sang en terre de
vieillesse
de nous noyer au large espoir racine et
larmes
de pétrifier nos mains de glaise et de
lumière
de nous parquer
en marge
d’exploiter notre sang pour agrandir son
règne
de nous marquer de
croix
de suie
de boue
de nous perdre à jamais dans un désert de
sang
de nous laisser mourir hors de
l’histoire en acte
de tourner nos questions en songes de
démence
en angoisse insondable
en énigmes nocturnes
en jeu sans conéquence aux armes
dérisoires
mais nous restons
un cri
résistance au malheur qui nous frappe
d’absence
errance vers la sourse où le printemps
bavarde
chanson à mettre au monde
l’homme au pur lendemain qui s’invente soi
même
justice
qui se dresse à l’aurore
pour étendre à la terre un homme plus
clément
pour remettre à l’endroit ce qui
tourne à l’envers
40-
je reste en mon burnous un chant de flûte
amère
qui vous parle d’ aimer ce que vous pouvez
être
un beau visage humain aux cerisiers en
fleurs
un temps de paix lucide
refus clair de mourir dans l’herbe du
mensonge
au long désert de ronce
amertume en ma bouche
refus du vieux chagrin que vous nommez la
vie
un temps de paix lucide
où personne ne saigne au dedans de sa
vigne
d’être objet à l’encan au pied dur de la
haine
d’être martyr sanglant délire au creux de
l’âge
dans un pays de froid où l’homme est sans
visage
41-
je vous parle d’aimer ce que vous pouvez
être
un beau visage humain
aux armes d’ombre et de lumière
un printemps silencieux à la fraicheur
diurne
de tendresse indomptable et de hauteur à
vivre
je vous parle d’aimer ce que vous pouvez
être
fleur lucide et chanson en l’ombre qui
s’évade
et pleure
trés loin de mon visage
trés loin de ma lumière où la vie se transforme
au gré de mon travail fatigue où je m’exprime
au gré de mon errance
au gré du long combat des gens de mon
village
ces blancs transformateurs du monde
que mon espoir oriente
de village en village et de ruine en palais
où le peuple s’engouffre au jour de sa
lumière
fleur lucide et chanson
tendresse au vent agile
jeunesse à tous les coins du monde
naissance
à l’horizon de homme sans visage
exploités par des chiens opprimés de ciel
noir
insurgés dans l’aurore où leur espoir
grandit
comme un astre exilé qui répond à leur
chance
terre usurpée de nains dresse tes armes libres
hommes surpris de lèpre armez vous de patience
abstergez vous d’amour
raclez vos plaies
lavez vous de conscience
chassez
l’horreur de vos maisons
la nuit de votre enfance
ouvrez votre âme à nos légendes
et laissez dire au loin les faiseurs de
mystère
laissez mourir
la mort
votre règne est plus beau
que l’âge
où vous pleures votre âme
où vous vous insultez d’être pris à leurs
pièges
où vous vous méprisez prisonniers de vos
mains
songez
à votre image
et fracassez l’horreur qui danse sur vos
plaies
42-
je vous parle d’aimer ce que vous pouvez
faire
la nuit gavée de sang
la nuit où notre espoir s’effrite
et meurt
sans plus de jour à faire
la nuit gavée de sang qui me peuple
d’angoisse
et rue
dadans ma vie
blessée de honte et d’amertume
sous le poids du néant qui me couronne
d’ombre
la nuit déja nous quitte et va mourir au
large
plus rien
aprés la crue
que la pierraille morne
un grand calme serien de gel blanc et de
lune
où je me conte
à des gens sans mémoire outre neige et
mystère
portant
la pierre morte
de leur âge qui saigne dans un automne
absurde
43-
ils viennent de partout du champ et de
l’usine
où leur effort se nomme arbre au verger
acarpe
ils viennent de partout
des autres du malheur aux vieilles
cicatrices
des cendres sans espoir
survivant au ciel noir
qui pleut
sur mon visage
à l’heure où je m’oublie parmi la cendre
morte
ils viennent de partout granit
au surprenant langage
silence
algue de nuit démente
parole
je recommence à vivre dans leur chair
limpide
entre leurs mains de joie
leurs pièges de lumière où se défait la
haine
leur combat clandestin qui veille dans mon
sang
je recommence à vivre en leur saison
puissante
qui marque de ses mains l’argile que
j’invente
et livre au premier feu de ma douceur
violente
silence
algue de nuit démente
granit
au surprenant langage
je recommence à vivre
au miroir de mon frère
qui se dessine une ombre un murmure un
visage
où l’espoir se défend face au jour de rocaille
qui expose au soleil au creux de la
mémoire
les crops de nos martyrs au souterrain
refuge
44-
sanglot
dernier sanglot
je vous parle d’aimer ce que vous pouvez
faire
à grande voile ouverte au vent de
l’espérance
défaire l’ombre
soumettre à votre amour les ronces de la
haine
heurter de front
mystère et nuit de sang
marcher de jour allègre entre dans le
domaine
où vivre allume au coeur de tous
sa danse et son vertige
45-
soyez
ce que vous pouvez être
le fruit de votre danse antique
l’auberge où le repos se gagne
au bord de la chanson fertile
soyez
le feu ouvert
l’oiseau
agile
l’herbe et la fleur de feu
prés de la source claire où pleure un
innocent
prés de la source simple où l’innocent est
sauf
entre la fleur fermée et la braise
endomie
soyez
ce que vous pouvez être
en
votre propre image
journée totale larme intègre et chant
lucide
arme présente en toute lutte
où je m’évade pour vous dire
soyez
contre la nuit mortelle un astre qui
voyage
contre la vieille haine
un cri
qui ouvre enfin le livre
pour arracher la page ignoble
où l’on se tait parmi la foule qui
accepte
la mort subite
la plaie qui pue en la mémoire
le jour confus
d’avance en ruine
la joie martyre
au flance du génocide où meurt toute
espérance
46-
soyez
ce qui germe et fleurit aux fêtes du
travail
ce qui cesse d’attendre un fantôme au
miroir
et qui aime à mourir notre grance
innocence
aux branches d’espérance et de chant
fraternel
soyez
aprés la nuit vaincue un beau sourire en
fleur
aprés la mort vaincue
la grande phrase claire
du bonheur d’arpenter au dedans de soi même
les pentes de la joie de vivre
comme un soleil mourant en un soir de
septembre
aux portes de ma ville en feu
47-
soyez
ce que vous pouvez être
la joie
qui vous invente
l’oiseau
qui vous répète
la fleur
qui vous annonce
partout
sur toute terre
en tout lieu où l’humain reste un feu à
défendre
48-
songe mon frère songe au jour serein qui
monte
de l’usine et de champ où la couleur
tristesse
disparait de nos yeux tournés vers la
douceur
que nous allons construire
là bas
au flanc du vide
où nous fumes parqués dans l’horreur sans
raison
pour simple ivresse humaine
49-
songe mon frère song au temps noir qui
approche
dans ma chanson de neige au chemin de
souffrance
songe à la nuit tragique où j’invente
autre image
un espoir sans rivage
où mourir sur la grève en leur demaine
étrange
est défaite de l’homme
songe mon frère songe au temps noir qui
approche
écoute l’ombre en nous
gravir
nouveau gradin de jour à l’heure triste où
tembe
hors du collier du soir
l’étoile morte en vain dans la main du
sorcier
et nous
assis au bord de la vieillesse aride
qui n’éduque aucun jour au matin des
potences
songe mon frère songe au jour bleu qui
s’éveille
dans la fleur qui naitra de notre branche
ailée
dans la joie qui naitra du feu de nos
vertèbres
dans l’amour qui naitra
demain
sur
toute terre
où pass un homme libre aux os de pierre
dense
homme libre à jamais beau constructeur du
rêve
où se prend la jeunesse aux dépens de
l’ordure
50-
songe mon frère songe au temps noir qui
approche
à l’heure où je m’endors au secret de la
pierre
déja
un ancien froid pénètre en mon rugueux
squelette
et me ramène
au temps
où la nuit sans défense
sans joie de rossignols
gardait la pierre d’ombre où la mort
solitaire
errait
de
rêve en rêve et parcourait le sang
des hommes attardés dans l’oubli de leur
joie
dans la grande amertume
de ce temps de saccage au langage de
meurtre
de haine et de sanie où le peuple sans
nombre
mourait
au
bord du jour hideux
hideux
comme une vieille croix où mon bruyant
squelette
parlait dans le vent noir
comme une bouche humaine
à l’heure où je dormais dans la pierre
interdite
qui durcissait mon coeur et gardait mon
visage
hors d’atteinte du crime
51-
au sortir de la pierre
à l’heure où je croyais ma délivrance
atteinte
je fus pris de sommeil au même lieu de
pierre
où je pleure à douleur ma tendresse en
prison
l’humain
tenter l’humain
dans la nuit des martyrs
le feu reste brutal dans la pierre où je
dors
52-
je fus de pierre sourde
de pierre aveugle
mais source sans
pardon
je survivais
je portais au grand jour ma mort de haute
laine
53-
la charrue de l’angoisse a laissé dans ma
vie
des sillons dans mon coeur
des rides sur mon front
et dans mes yeux des larmes noires
qui ne seront
jamais
jamais pleurées
par aucun autre humain
je fus
un puits de
peine où veillait une étoile
un dur chagrin
dans ma caverne d’ombre
un long
secret d’amour
mais maintenant
que le temps se prépare à fleurir sur la
terre
où je connais tendresse en toute chose en
acte
où s’ébroue la jeunesse
je m’éveille en sursant pour descendre en la
rue
apprendre sur l’asphalte
que je suis un fantôme
dans le refuge où je rencontre
l'autre
dans une science exacte
songe à l’affût de l’aube
je descends dans la rue tambour en la
poitrine
un volcan dans la tête
pour affronter
vermine
orgueil vorace
le chant prudent de la bassesse
et la boue crapuleuse aux fête des
marchands
je descends dans la rue où les hommes sont
ivres
de l’ espérance
qui heurtait mon rempart de prisonnier
malade
d’ être loin de l’aurore au bruit de peuple
simple
54-
homme au soleil en fête je descends dans la rue
laver
les yeux pourris par la défaite
armer
les coeurs blessés de gel atroce
hurler
danser ma joie
bousculer de mon sang bourgeois et
pharisiens
marcher jeunesse en acte
forcer la vie
à redresser son front plus haut que leur
outrage
pour voir les gens
pris de splendeur subite
suivre mon jour musclé de blanches
certitudes
sortir
des bouges de l’ordure
des caves de l’angoisse
grandir dans la lumière et montrer leur
visage
sans peur
des prédateurs
et gravir leur détresse
au pas du travailleur limpide
qui ose encore
parler de pain et de fraicheur
et s’accorder le temps de croire au
lendemain
55-
homme au printemps brûlé je descends dans la
rue
pour pousser à l’égout des débris du vieux
monde
qui s’attarde en la vie et pourrit tous les
yeux
où meurt
bouche cousue de peur notre enfance au ciel juste
qui joue
là bas
sous des paupières mortes
son dernier jeu
renaitre entre nos mains gercées
renaitre comme une fleur gagnée
comme braise endormie que notre souffle
éveille
et nous rassemble
autour de son verger sonore
comme au soir le berger ramène en son
bercail
son lent troupeau
que la nuit palpe en vain sous la pluie des étoiles.
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56-
homme au jardin blessé je descends dans la
rue
je vais parmi les miens les hommes à main
dure
qui font de la douceur sur terre
chemin à vivre
pour agrandir le monde et tailler dans
l’acier
leur espoir de tendresse en la chair de
demain
je vais parmi les miens
le feu brise l’absence
qui râle et se déchire aux ongles de la
haine
sur letrottoir
les gens sans espérance
ne font peur à personne
et dans la nuit blessée d’orgies
il n’est pas bon
de porter dans les yeux les astres du
printemps
d’avoir
un oiseau
libre au coeur et de chanter
ce qui viendra demain
passer
au crible de l’oubli
l’horreur vaincue
changer nos yeux en perles vives
et transformer
en joie
en terre arable
le coeur des pauvres gens dépourvus d’
espérance
57-
neige morte au soleil la mort reste à la porte
dans la caverne étroite où nul n’aura le
droit
de descendre y cacher un morceau de
conscience
de descendre enterrer les joies de sa
jeunesse
de s’y laisser mourir une aurore en la
bouche
nous irons de plein coeur déployer notre
force
dans la plaine et l’usine
comme une herbe innocente étrangère au
malheur
étrangère
à la guerre
comme une herbe confiante
où nous pourrons danser et dormir à notre
aise
face au passé de chiens battus
d’anthropophages
sans voir
sur nos chemins sauvés de l’ombre
les loups de notre enfance morte
la boue qui traine dans les yeux
ses jours vêtus de deuil
ses croix
ses lois de haine et son mépris
de toute chose humaine
58-
je vais parmi les miens les hommes à main
dure
qui font de ma tendresse un beau rêve de
perle
je vais parmi les miens
je connais leur supplice arbres fous de
douleur
feuilles mortes de rage au vent qui
m’interroge
neige morte au soleil confiance à la
confiance
je vais parmi les miens au devant de mon
frère
qui nait
hors de l’enclos de honte
du vieux passé
et marche vers demain confiance ouverte au
large
où sont tombés
frileux dans leur délire
les astres de ce monde en peine
59-
je vais parmi les miens les hommes à main
dure
qui se font un chemin vers leur plus pure
image
et se taisent parfois pour répondre au
malheur
60-
songe mon frère
songe à la plaie de vivre une aurore à la
bouche
à l’heureoù le malheur brise ses vieilles
lances
contre tes mains
au lent travail paisible
songe au matin fertile et plante
ivresse ardente
ton nom
dans tous les yeux de chair où palpite
innocent
l’ oiseau sanglant de notre espoir
blessé par un mensonge en fuite
ô pauvre yeux vaincus nuit comble de
tristesse
je vois veiller la peur de vivre
je vois l’amour cacher ses moissons
interdites
parmi la joie de notre enfance
et la douceur sans récompence
mourir comme une
fête où la chanson se brise
dans un deuil de guitare
mort quotidiènne et joie brisée
ô pauvres yeux
que faire
du ciel où je surprends l’astre incendie
vivant
du vent qui me dénude et pleure en moi sa
peine
de la pluie sur ma face au tournant de
l’hiver
que faire
parmi le feu du givre
la neige aux papillons folâtres
la fleur de ton sourire
fruit de tendresse en sang aux vagues
enivrantes
que faire
du lait de l’aube ouverte en ma maison de
pierre
la splendeur brutale
qui m’arrache les yeux
qui me noie dans l’azur
qui me lie au printemps
qui m’attache au sole
que faire
de la splendeur de vivre au flanc de toute
mort
neige au printemps fatal où j’habite un
visage
où règne un autre espoir poète au verbe
étrange
lumière exacte et simple où mon travail
exige
que j’avance en ce monde
que leur saison de nuit transforme en marécage
où l’homme rampe
pour le pouvoir l’argent
sans se soucier de rien
j’avance dans ce monde
où la saison de l’homme est plus hideuse
encore
que le temps sans raison où je perds mon
visage
et meurs de soif
de faim
de
turpitudes
une aurore en la bouche
et des mains au travail en ce minuit de
ronces
où l’homme doute et gesticule
perdu
parmi le
bruit absurde
don’t nul n’a le secret
61-
je vais venir des hommes
menés
par un espoir si vaste
que les tyrans prennent la fuite
à leur approche simple
terriens
sans d’autre ruse que la terre et leur
vouloir
d’une oeuvre faite au jour qui ne mentira
pas
ces hommes sont les miens
surgis
des âges d’ombre et de torture
que nul ne comprenait sinon leur chair
brûlée
62-
ils sont les miens
ces gens aux mains d’argile douce
ces femmes marbre envieportant gloire
publique
mille journées d’amour et de vieille
espérance
ils sont les miens
ce gens orgueil au grand sourire
défiant haine et rancoeur herbe d’oubli
morose
silence au lourd mépris et lugubre
amertume
ces gens que vous croisez à l’aube
squelettes de phosphore
tournés vers le printemps
travailleurs courageux armés de science
exacte
boire manger
penser
dormir dans la confiance
donner leur sang et leur franchise
où passe un rêve au bruit limpide
survivre au mal
sauver
toute fleur qui séveille et se prononce tendre
la vigne au sang joyeux surprise de ses
larmes
et la moisson qui chante en la splendeur
future
le pain
la joie de
tous
l’amour
hors de
danger
ils sont les miens
ces gens que vous
croisez chargés du nécessaire
vivre à leur taille simple
amoureux de leurs mains brûlées d’étoiles rouges
pressant contre leur coeur blessé
novembre
qui leur dicte au grand jour leur place sur
la terre
ils sont les miens
ces gens que vous croisez partout
chargés
d’ouvrir un chemin clair à tous les opprimés
qui savent leur chemin fermé de ronces
dures
et marchent dans la rue sans peur de vos
engins
ces gens
ce sont les miens
mon clan ma chance et mon visage
ma classe et mon combat aux lévres de sel
noir
ma neige ouverte et ma justice
où vivre est une marche aux haltes
enivrantes
63-
ils sont les miens
sur toute terre humaine ou je suis en
voyage
vers un meilleur destin
grandir
nourrir autrui de leur langage
des grappes de leur mort fertile
du feu de leur tranchante ivresse
grandir
nourrir autrui de leur langage
de leur journée vernie de joie
de leur chanson de moissonneur
ils sont les miens
je les connais depuis l’aurore
l’ enfance aox loques nues
la neige où j’ai pleuré de froid
du ciel absent
le jour mendiant soleil pour éclairer nos
yeux
la nuit mendiant étoile aux langes de la
brume
qui mourait dans mon coeur
en moi
enfant rebelle aux lois de crime et de
violence
présence autour du feu où l’on apprend la
joie
la douceur de survivre au ciel sans
espérance
à l’heure
où nous avons pleuré tristesse dans les yeux
la joie
qui dévalait l’engoisse
auprès de la cascade blanche où nous
chantions
la joie du pain et des olives
la joie du vin qui riait clair
parmi l’ herbe vivante et la fraicheur
d’aimer
conscience au quotidien de neige
haute vigie
debout
sur toute terre humaine où j’étais en
voyage
vers un meilleur destin
64-
ils sont les miens
momies figées de haine
passants surpris de nuit sur le trottoir
d’autrui
portant
leurs balluchons de peine à la loudeur
méchante
dans la ville étrangère et sans
réponse
à
leurs questions
là bas
au seuil de vivre humain
ils sont les miens
perdus dans un hiver de mort
contre le maitre obscur qui saupoudre leur
vie
de son mépris
des cendres de sa joie malade
des ruines de son temps brûlé dans les
orgies
courbés sous le fardeau des rêves
mais en marche éblouie vers leur hautain
visage
santé du givre et du feuillage
de l’arbre qui m’écoute
parler de ses oiseaux futurs
ils sont les miens
terre et songe en exil astre et jour de naissance
lumière éparse et vin nouveau
vertu paisible
candeur nargant la guerre et la haine en
charpie
ces hommes sont les miens
blessés
de mort obscure
ils sont les miens
dans leur douceur et leur violence
ils sont le blé dans sa mouvance
l’acte de vivre et de mourir dans un seul
geste
le fleuve humain
qui draine dans sa lave
les algues de la nuit mortelle
les saisons du chagrin aux squelettes
d’argile
la chanse que la haine espère
trouver
dans notre
vie
la nuit de chanvre triste et d’épouvante
amère
ils sont le pain
la joie d’aimer
ce qui pourrait surgir de leur haute
espérance
des forges du bonheur au chant d’enclume
grave
de leur marche éblouie
ce long secret de terre sèche et de
vengeance
de peine basse et d’ espérance
ils sont demain qui nous attire
plus puissant que jamais
là bas
sur toute terre humaine où l’homme est en
voyage
vers meilleur destin
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