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Compte-rendu de lecture :
Malek Abbou, Métanoïa
(Hachette Littératures, juillet 2002, 251 p)
par Christiane Chaulet-Achour
Ce roman veut résolument sortir des sentiers battus des littératures du Maghreb en choisissant une intrigue, des personnages, des espaces et un temps inhabituels. Ces choix sont plus conformes à la culture médiatique actuelle puisque l’impression de lecture est celle d’une jonglerie-parodie, pleine de clins d’œil vers le cinéma, la BD, le récit d’espionnage et un peu de politique fiction. Saturée de références savantes et « modernes » - faut-il parler ici de récit résolument post-moderne !- l’histoire en vient à être difficilement lisible par surcharge de sous-entendus, de néologismes et de subversions langagières. Comme nous l’explique la quatrième de couverture : « Dorvillien, agent de pénétration incontrôlable, va rendre opérationnelle l’incertitude, précipiter le chaos et affirmer ainsi que la raison se fonde sur le pathologique. » Dans le texte lui-même, les choses sont beaucoup moins évidentes et si l’on passe de bons moments de lecture dans cette chasse à un aristo. fanatique anglais, Rodbert Buxton, en particulier dans le renversement des propos fanatico-religieux là où on ne les attend pas, dans la charge contre la culture bourgeoise, cette parodie des cultes et prières chrétiens font un peu reprise d’images de sectes et autres groupements à la mode.
Métanoïa, pourquoi ? Si l’on s’en tient à la traduction du terme, on chercherait le repentir ou le regret qu’évidemment on ne trouvera pas ! La présentation d’éditeur est encore là pour nous mettre sur une voie : « Une autre existence est cependant possible : Métanoïa, garenne invisible, communauté fraternelle de l’ombre, fait de la pratique du retournement un modèle de souveraineté subversive ».
Récit de la déconvenue d’un jeune homme qui a cru aux lettres et est tombé dans les pièges du multimédia, l’histoire raconte comme, refusant d’être comme tous, il devient membre de Métanoïa. Un passage donnera un exemple de l’écriture de ce récit et de son ton d’humour dénonciateur très « branché » :
« Partout ailleurs, l’hallucination consensuelle, l’indéracinable caste télégénique des intellectuels nains à faux nez, n’apparaissant que pour faire taire et se rincer l’œil sur les effets téléluminoscopes du pire activisme de diversion spectaculaire : le grand retour scandaleusement convenu de la Marquise, brossée à l’étiage de la foule dans le goût post-sous-sadien de l’e-clientèle du temps. Sans rien de trop léché puisque aussi bien, l’e-bourgeois e-volue… Marquise soulageant sa vessie à cinq heures sur le torse de son serial-sex-thriller d’assistant de production après lui avoir fait subir de la scato avec une poire, enchaîné au radiateur des sous-sols d’une chaîne de trash-télé subventionné par l’office gothique de protection du consommateur… Best-seller assuré… l’essence toxique de l’énervement nihiliste épousant naturellement le cycle des saisons dans sa gestion planétaire de l’ennui : l’été sur un yacht, l’hiver dans une Porsche basse à Saint-Moritz. » (p.50)
A ce passage répond un autre passage, tout à coup très « lisible » sur l’incapacité à écrire : « En trois mois de temps, j’avais tiré du chaos à peine quinze lignes d’un roman médiocre dans lequel le diable faisait des mots entre l’océan et le ciel… » (cf. p.110)
Le personnage inventé expose son inexistence ou sa seule existence textuelle : « Qu’est-ce que Dorvillien avec ses pantalons sans plis, son pétard à crosse de nacre et ses cheveux bleus à force d’être noirs quand le tango lui monte ? Etat de langage. » (p.127)
Les informations biographiques sont réduites au strict minimum : « Malek Abbou, 35 ans, vit à Lyon. Métanoïa est son premier roman. » On peut une fois encore, se poser la question de la pertinence d’un classement de cet auteur en « littérature du Maghreb » et se demander quels sont les critères d’un tel classement.
Christiane Chaulet Achour
Université de Cergy-Pontoise