Abstracts der

 

Sektion 3: „Literarisierte Geschichtserfahrung in französischsprachigen Texten des 20. Jahrhunderts“ (Leitung: Arend; Reichardt; Richter)

 

Frankoromanistentag „langue, littérature, démocratie – Sprache, Literatur, Demokratie“, Universität Freiburg, 29.9.-2.10.2004.

 

 

 

 « Il n’est plus question de patrie » : Histoire(s) de migration et configurations esthétiques dans la littérature italo-canadienne

 

Amodeo, Immacolata (Bremen)

 

Dans les textes littéraires des écrivains migrants, la migration-même (que ce soit celle de l’écrivain, ou de ses parents, voire de ses grands-parents) figure comme le principale événement autour duquel s’organise tout le récit de l’histoire personnelle ou collective. C’est toujours valable pour les écrivains canadiens francophones d’origine italienne (Antonio D’Alfonso, Fulvio Caccia, etc.). L’émigration de l’Italie comme l’immigration au Canada s’inscrivent dans ces textes littéraires comme une expérience de “déterritorialisation” (Deleuze/Guattari), et ce, autant de façon géographique que culturelle, et tout particulièrement linguistique. L’écriture assume ainsi une fonction historiographique et les textes sont, entre autres, la reconstitution d’une histoire “mineure” oubliée ou supprimée, plutôt ignorée par les discours historiques officiels, tant dans le pays d’origine que dans celui d’accueil. Cette construction et reconstruction d’une histoire avec l’appareil littéraire sont plus marqué par ses mouvements rhizomatiques que linéaires: Le résultat de ce travaille est une histoire de la migration fragmentée et pas systématique. Ce manque d’une histoire linéaire et systématique correspond cependant – particulièrement avec ses configurations esthétiques - à l’expérience historique fait avec la migration.

 

« En attendant la guerre ». Mondes fictionnels à l’aube de la seconde guerre mondiale dans la littérature française de l’après-guerre

 

Autia, Isabelle (Köln)

 

Cette intervention portera sur la représentation des années précédant immédiatement la seconde guerre mondiale dans quelques romans français d’après guerre. Les textes qui feront l’objet de l’intervention sont les suivants : Jean-Paul Sartre, Le sursis (1945) ; Raymond Queneau, Le dimanche de la vie (1952) ; Julien Gracq, Un balcon en forêt (1958) ; Albert Cohen, Belle du Seigneur (1968).

A travers ces textes, il s’agit de retracer la vision que se font les écrivains du monde de l’aube de la seconde guerre mondiale, en analysant leur écriture de ce temps de suspension, de cette « Ruhe vor dem Sturm » que constituent les années 30, et tout particulièrement les années qui précèdent immédiatement le conflit. L’écriture des années trente qui m’intéresse ici est l’écriture rétrospective et consciente d’écrivains qui, dans les années d’après-guerre, re-mettent en scène, dans leurs œuvres narratives de nature fictionnelle, le monde d’avant la catastrophe de la seconde guerre mondiale. Cette écriture rétrospective me semble intéressante parce qu’elle est à la fois la traduction d’une conscience historique et une forme de production de représentations collectives nouvelles sur cette histoire.

Dans ces romans, la guerre constitue le point de fuite, le tomber de rideau, avant lequel le temps semble se dilater, prendre de l’épaisseur. De ce point de vue, les titres des romans sont assez significatifs ; ils matérialisent tous, d’une manière ou d’une autre, l’idée d’un temps d’exception, d’attente : le sursis, le dimanche de la vie, … Cette attente peut avoir des origines diverses :

 Attente liée à la situation de « drôle de guerre » dans la forêt des Ardennes, dans « Un balcon en forêt »,

-         Attente dans la peur de la guerre pendant les journées de la conférence de Munich dans « Le sursis ».

-         Attente de la catastrophe amoureuse qui rejoint la catastrophe de la Shoah dans Belle du Seigneur,

-         Attente du temps qui passe au premier sens du terme dans «Le dimanche de la vie». Le temps du récit, dans les quatre cas, est hypertrophié, prend de l’épaisseur, l’insignifiance de ce qui est raconté contrastant fortement avec la rapide et dangereuse montée des tensions.

J’argumente que l’écriture de ce temps de suspension constitue, chez ces écrivains dont les œuvres sont à analyser, une forme particulière d’écriture de la catastrophe. Les auteurs qui choisissent la mise en scène le temps précédant immédiatement la guerre ont pour but premier de nous livrer leur conception philosophique de la guerre, de la condition humaine, ou leur diagnostic quant à ses causes politiques et sociales : autrement dit, ils mettent en lumière le terreau sur lequel se sont développées les forces menant à la catastrophe. Cette écriture de la catastrophe met cependant en oeuvre une stratégie de l’esquive, dont les raisons et les formes particulières doivent être analysées. Mettre en scène les années trente équivaut en effet, dans la plupart des romans étudiés, à penser une guerre qui est tout à la fois remarquablement absente de l’espace romanesque mais qui réapparaît de manière obsédante en filigrane, et à refuser par le même temps une logique du témoignage, du documentaire, ou tout au moins d’une esthétique réaliste quant à la restitution du passé de la guerre et/ou de l’univers concentrationnaire.

 

 

Barbusse, Le Feu, und Dorgelès, Les Croix de bois: zwei Kriegs­romane im Licht neuerer historisch-an­thropologischer Fragestellungen

 

Becker, Karin (Stuttgart)

 

Die "écriture de la guerre" ist in den letzten Jahren sowohl in den Literaturwis­senschaften als auch in den Geschichtswissenschaften Gegenstand intensiver Unter­suchungen gewesen. Bezüglich der Studien zur Darstellung des Ersten Weltkriegs in französischen Texten ist jedoch festzustellen, daß zwischen den beteiligten Diszipli­nen in methodologischer Sicht kaum ein Austausch stattgefunden hat. Die literaturwissen­schaftliche Untersuchung des "roman de la guerre" verbleibt häufig in einer text­immanen­ten oder biographi­stischen Sichtweise verfangen, ohne die Ansätze der aktuellen Ge­schichtsforschung und d.h.: historisch-anthropo­logische Perspektiven der Text- und Diskursanalyse aufzugreifen. Die interdisziplinäre historische Forschung beschäf­tigt sich z.Zt. vor allem mit drei thematischen Bereichen der Kriegsdarstellung in Quellentexten: der "écriture de la corporalité", der Darstellung der Geschlechterrol­len und der Beschrei­bung des "Feindes". Im ersten Fall geht es im Sinne einer "an­thropolo­gie du corps" um die Versprachlichung traumatischer körperlicher Erleb­nisse (Verletzung, Todeserfahrung, Reduzierung des Menschen auf "animalische" Grundbe­dürfnisse, u.a.m.). Der zweite Komplex kreist unter Aufnahme der Analysekategorien der Gender Studies um die kriegsbedingte Neudefinition von Männlichkeit und Weiblichkeit, von Liebe und Kameradschaft (wobei zwischen Front und "Heimat­front" unterschieden werden muß). Und der dritte Punkt fragt nach der Wandlung von Stereotypen und Feindbildern in einem anonymen, technisierten Krieg, in dem der Gegner meist unsichtbar bleibt, so daß die offizielle Kriegspropaganda mit der Lebenswirklichkeit der Soldaten immer weniger in Einklang zu bringen ist. Unter all den genannten Aspekten stellen die Kriegsromane eines Barbusse oder Dorgelès wichtige Textzeugnisse dar, einen wegweisenden "contre-discours" zur Sprache der militärischen und politischen Autoritäten, der ungeachtet seiner Fiktio­nalität wichtige Merk­male des kritischen (z.T. pazifistischen) Schrifttums der Zeit vorwegnimmt und durch die Literarisie­rung zu einer Erneuerung der "écriture de la guerre" beiträgt.

 

Inscription de l’histoire. Procédés d’écriture et représentations idéologiques

 

Bererhi, Afifa (Alger)

 

L’histoire de l’Algérie c’est aussi l’histoire de ses hommes dont le destin personnel se confond avec le destin collectif. Il en est ainsi de jugurtha devenu la figure mythique du passé numide de l’Algérie. Nous proposons de lire cette frange de l’histoire en nous rapportant à cinq genres : histoire (Salluste) – poésie épique (Rimbaud) – biographie (H. Kréa) – essai (J. Amrouche) – roman (K. Yacine) – théâtre (M. Fabri). Ces auteurs traitent tous du même personnage mais la représentation qu’ils en donnent révèle des positionnements idéologiques différents.

 

 

Histoire et imaginaire: de la réalité à la fiction

 

Bey, Maïssa (Sidi-Bel-Abbès)

 

Face à la vérité souvent discutable de la mémoire, le travail de l’historien se situe dans une perspective de fidélité, d’objectivité, sans toutefois que l’on puisse toujours parler de neutralité. Travail qu’il faut distinguer de celui de l’écrivain, qui, partant le plus souvent de faits reels, nourrit l’histoire de son imaginaire. Il est celui qui, au plus près de la vie, se glisse dans les interstices de l’histoire pour metre en lumière des moments, des lieux, des faits, réels ou imaginaires, et les donner à voir. Ainsi, dans mon derneir récit. “Entendez-vous dans les montagnes”, j’ai voulu retrouver, en entremêlant fiction et réalité, des instants que je n’ai pas vécus, mais qui ont forgé toute ma conscience du monde. Des images fantasmées d’une scèneengramméeque je n’hésite pas à qualifier de scène fondatrice.

 

 

Auf Spurensuche – Zur Literarisierung von (Familien-) Geschichte im Erzählwerk Patrick Modianos

 

Böhm, Roswitha (Berlin)

 

"Retrouver les traces des choses, plutôt que les choses elles-mêmes", so formulierte Patrick Modiano in einem Interview (in: Lire, Oktober 2003) das Motiv seines Schreibens. Seine Bücher, die in einer rückwärtsgewandten Bewegung vergangene Existenzen zu bewahren suchen, entziehen sich einer eindeutigen Gattungszuordnung. Von La place de l'étoile (1968) bis Dora Bruder (1997) oszillieren Modianos Erzähltexte zwischen Biographischem und Autobiographischem, zwischen Faktualem und Fiktionalem. Er beschäftigt sich mit der unbewältigten Vergangenheit Frankreichs, indem er Kollaboration, Antisemitismus und Résistance thematisiert, stellt aber zugleich stets die Frage nach der eigenen Zugehörigkeit, nach dem Leiden und der Angst, die mit der Abwesenheit einer sozial anerkannten, durch Ausweispapiere und ein erzählbares Familiengedächtnis verbürgten Identität verbunden sind. Modianos Texte sind gespickt mit intertextuellen Verweisen: sie enthalten Einsprengsel anderer Textsorten, Stimmen verschollener Figuren, Fotografien und andere materielle Erinnerungsspuren, die als Katalysatoren von Vergangenheit fungieren. Nach seinen eigenen Aussagen spiegelt diese bruchstückhafte Darstellungsweise die Fragmentarisierung der Realität, von der nur noch einzelne Puzzleteile rekonstruiert werden können. Trotz eines teils nur auf Hypothesen beruhenden Wissens, das schrittweise verdichtet und narrativ aufgefüllt wird, gelingt es dem Autor, gegen die "couche épaisse d'amnésie" (Dora Bruder, 131), gegen "ce blanc, ce bloc d'inconnu et de silence" (ebd., 28) anzuschreiben und vom Vergessen bedrohte Einzelschicksale auszuleuchten. So entstehen Lebensmosaiken einzelner Individuen, aber auch – meist vaterzentrierte – Mosaiken der eigenen Biographie sowie solche der Zeitgeschichte. Indem dessen kompositorische und narratorische Gestaltung untersucht wird, soll in meinem Beitrag am Beispiel von Modianos Erzählwerk der skizzierten Problematik einer Literarisierung von Familiengedächtnis und Zeitgeschichte nachgegangen werden.

 

 

Assia Djebar : L’écriture de la guerre ou le récit d’un viol en tableaux

 

Dahan, Danielle (Tübingen)

 

L’écriture de la guerre dans L’amour, la fantasia de l’écrivaine et historienne d’origine arabo-berbère Assia Djebar est une écriture dont l’intention n’est pas de reconstruire l’histoire de la colonisation de l’Algérie par la France mais de réécrire l’identité féminine algérienne à la lumière de faits historiques réels quoique, bien évidemment, romancés. Identité féminine dans la mesure où la colonisation qu’Assia Djebar qualifie de « première guerre d’Algérie » (1830-1871) est présentée comme le viol de l’Algérie et en somme comme le viol de toutes les femmes algériennes.

Ainsi s’explique dans les deux premières parties le récit concomitant et enchevêtré, sous forme de tableaux, d’une part de la vie d’une petite fille algérienne parallèlement à celui de ses cousines et tantes, d’autre part le récit des lentes avancées de l’armée française sur la terre algérienne. Car plus son invasion progresse plus les petites filles et les femmes algériennes sont à leur tour violées tant dans leur comportement que dans leur conception de l’amour. Cependant, nous n’assistons à aucune scène de viol, car il n’est précisément pas question de viol physique. Et pourtant la conquête de l’Algérie est présentée comme un viol parce que les Français contraignent, là aussi métaphoriquement, les Algériennes à se dévoiler et de la sorte à devenir possession française telle que le devint l’Algérie lorsqu’elle fut rattachée à la France sous la forme de trois départements.

C’est ici qu’entre en jeu un second aspect de l’écriture littérarisée de la guerre, car ce dévoilement se produit par le truchement de la langue française, cette « langue du colonisateur » (A. Djebar). De fait, au contraire de l’arabe qui ne nomme pas l’être aimé mais ne fait que l’évoquer par le recours au pronom personnel, le français lève le voile en le nommant par son prénom. En d’autres termes, le français touche directement à la personne. De même alors que pour les Français l’amour peut se dévoiler en public, pour un Arabe au contraire il se cache sous le voile.

C’est ce qui explique dans les deux dernières parties de l’œuvre une réécriture de l’histoire de la colonisation de l’Algérie non plus cette fois, et comme cela était le cas dans les deux premières en citant fidèlement événements historiques et hommes politiques inclus dans cette entreprise, mais en laissant parler tour à tour les femmes algériennes. Leur parole se présente sous la forme d’un cri, celui de la mémoire. Mémoire qui raconte la lente dépossession matérielle des femmes algériennes mais la résistance viscérale à leur possession morale. Aussi la guerre n’est-elle plus le fait d’hommes engagés dans un combat entre hommes ; elle n’est-elle plus seulement une question de gain de territoire ou de pouvoir. Au contraire, il s’agit d’une guerre qui tente de dévoiler la femme algérienne alors que le regard des Français ne l’atteint pas. Et pourtant il s’agit aussi d’une guerre qui ouvre les portes du harem. Celles derrière lesquelles les cousines de la narratrice, contrairement au destin qu’elle connaît, sont condamnées à rester enfermées attendant l’âge nubile pour être mariées.

C’est dans cette ambiguïté que se situe l’entreprise de l’écrivaine et historienne Assia Djebar. Car c’est bien l’apprentissage de la langue française, à l’époque de la colonisation, qui lui permet de sortir du harem auquel elle était prédestinée pour pouvoir rapporter les paroles de ces aïeules. Si L’amour, la fantasia est l’écriture d’un cri de la douleur et de la mémoire, elle est aussi l’écriture d’une libération. En ce sens, il est déconstruction parce qu’il va radicalement à l’encontre des récits historiques non fictifs et fictifs ; mais il est aussi construction précisément parce qu’il présente une nouvelle vision des choses par de nouveaux procédés littéraires.

 

Discours historiques dans l’écriture double de V.Y. Mudimbe

 

Gehrmann, Susanne (Berlin)

 

D’origine congolaise (RDC), V.Y. Mudimbe, qui a publié des ouvrages dans les domaines aussi diversifiés que la linguistique, la littérature, la philosophie, les études culturalistes et historiques ainsi que un recueil de poésie, quatre romans et une autobiographie, est professeur à Duke University et Stanford University aux États Unis. Sa double pratique d’écriture théorique et d’écriture littéraire focalise le conflit de mémoire qui s’articule dans les visions européennes et africaines de l’histoire partagée par les deux continents. L’analyse scientifique, fiction et « essai du Moi » s’avèrent des cadres flexibles qui permettent d’élaborer des stratégies diverses, mais complémentaires, de questionner l’énonciation de l’histoire selon le modèle classique, occidentale. Il s’agit d’une œuvre qui s’approprie les techniques esthétiques et scientifiques occidentales afin d’élaborer un contre-discours qui témoigne de la vision postcoloniale d’un sujet marqué profondément par sa formation coloniale qui l’avait arraché à la culture de ses ancêtres. L’approche de l’écriture multiforme de Mudimbe que je propose va privilégier la lecture de trois romans (Entre les Eaux, L’Écart et Shaba II) et de son texte autobiographique (Les corps glorieux des mots et des êtres) écrits en français, toutefois, ses textes théoriques (notamment L’odeur du père, The Invention of Africa, The Idea of Africa et Tales of Faith), rédigés en anglais depuis les années 1980, seront pris en compte afin d’éclaircir les rapports complexes qui lient l’écriture mudimbienne à l’histoire. Un motif récurrent est le rôle de l’église dans le processus de colonisation politique et culturel ; cette obsession avec la question du christianisme en Afrique est étroitement liée à la formation rigoureuse « à la bénédictine » que Mudimbe a reçu dans sa jeunesse et dont il témoigne dans Les Corps glorieux. Ainsi, l’écriture mudimbienne développe toute un réseau parallèle entre déchirures historiques de l’Afrique et déchirures internes du sujet postcolonial.

 

« Les parenthèses n’existent pas dans l’Histoire » – Résistance und Vergangenheitsbewältigung bei Michel Quint

 

Graeber, Wilhelm (Göttingen / Erfurt)

 

Le petit roman Effroyables jardins (2000) de Michel Quint, romancier originaire du Pas-de-Calais, a pour sujet le fait d’assumer son passé. Il oppose un épisode marginal du régime de Vichy au procès contre Maurice Papon, condamné en 1998 pour « complicité de crimes contre l’humanité ». Alors que cet ancien fonctionnaire de Vichy, qui devint plus tard ministre dans le cabinet de Raymond Barre, n’éprouve aucun repentir, le père du narrateur essaye de racheter de manière grotesque une culpabilité dont il s’est rendu responsable sans le savoir pendant la Résistance.

Le récit présent un discours historique à deux niveaux. Le témoignage rétrospective de l’oncle apprend au narrateur le passé non surmonté du père, ces « effroyables jardins, dévastés, sanglants, cruels ». Le simple récit encadré s’abstient d’abstractions et de généralisations en contrastant ainsi avec les réflexions métahistoriques du récit cadre. C’est ici, ainsi que dans la suite moins convaincante, Aimer à peine (2003), que l’histoire devient le critère de la mémoire, de la dignité et de l’humanité de l’individu.

 

 

Réécrire la guerre d'Indépendance: les écrivains algériens contemporains et leur « counter-narratives of the Nation » (Bhabha)

 

Mertz-Baumgartner, Birgit (Innsbruck)

 

Avec la distance que nous laisse le temps, la guerre d'Indépendance algérienne (1954-1962) est bien plus que l'évènement politique et historique qui a permis à l'Algérie la fondation d'une nation indépendante. Comme l'islam et la langue arabe, elle peut être considérée comme un pilier important sur lequel l'Algérie a construit son "imagined political community", pour reprendre les mots de Benedict Anderson. La guerre d'Indépendance représente l'expérience collective unificatrice sur laquelle repose la narration de la Nation algérienne.

Comme l'a souligné Homi K. Bhabha dans "DissemiNation: Time, narrative and the margins of the modern nation", Histoire et écriture de l'Histoire jouent un rôle prépondérant pour la stabilisation discursive d'une nation. Ce sont la référence à l'origine et la continuité de l'Histoire, dans le sens d'une évocation du passé donnant sens au présent, qui sont essentiels pour toute "grand narrative of the will [to nationhood]" (Bhabha 1994, 160). Dans ce processus d'autogénération tout ce qui s'oppose à cette histoire continue et linéaire – "the minus-in-origin" (Bhabha 1994, 155) – doit être effacé; la narration et la mémoire nationales impliquent, selon Bhabha, l'obligation d'oublier.

L'Algérie et sa manière de se remémorer la guerre d'Indépendance est un exemple quasiment parfait pour cette "obligation to forget" (Bhabha 1994, 160): c'est par cette guerre que le Front de Libération Nationale (FLN) justifie le système du parti unique et le refus du multipartisme ainsi que sa politique d'arabisation. En même temps, le pluralisme politique d'avant la guerre d'Indépendance, la diversité culturelle, langagière et religieuse du pays ainsi que des valeurs françaises comme la démocratie ou l'autonomie de l'individu sont effacés de la mémoire collective. C'est la guerre d'Indépendace en tant qu'expérience collective qui permet au FLN de camoufler les inégalités sociales croissantes, les machinations d'une économie mafieuse et une politique du népotisme. L'historien Benjamin Stora résume: "L'histoire officielle a institué des repères, construit sa propre légitimité, effacé toute démarche plura­liste. Elle a, en fait, fabriqué de l'oubli." (Stora 1995, 72f.)

Il est intéressant de relever que c'est justement dans les années 90 et sur fond de la dite "seconde guerre d'Algérie" – la guerre civile sanglante entre les intégristes et les forces de l'Etat algérien – que sont publiés de nombreux textes littéraires qui relisent et réécrivent la guerre d'Indépendance. Ces réécritures proposent en même temps des contre-narrations de la Nation dans le sens de Bhabha ("counter-narratives of the Nation", Bhabha 1994, 149). Dans ma communication, je me propose une lecture de quelques-uns de ces ouvrages dans une perspective postcoloniale et de demander si et comment ces textes donnent une voix à ce qui a été refoulé et supprimé par la narration nationale. Quel nouveau rôle attribuent-ils à la guerre d'Indépendance pour la libérer définitivement de sa carcasse idéologique sous-tendue par une logique binaire de compréhension (France/Algérie, colonisateur/colonisé, bourreau/victime, mauvais/bon).

 

Der Krieg als « rêve animal » und als « immense maladie ». Zur ambivalenten Geschichtserfahrung in Drieu La Rochelles La Comédie de Charleroi

 

Helmut Meter (Klagenfurt)

 

Die geschichtliche Erfahrung des ersten Weltkrieges hat sich mannigfach in der französischen Erzählliteratur niedergeschlagen, doch hierbei insgesamt weder konzeptionell noch vom ästhetischen Profil her zu qualitativ bemerkenswerten Resultaten geführt. Die Schrecken des Krieges, seine Sinnlosigkeit und Verwerflichkeit bilden immer wieder – bei Barbusse, Genevoix, Dorgelès oder anderen Autoren – den ebenso plausiblen wie monotonen Leitfaden von Texten, die nicht selten elementare autobiographische Erlebnismuster darstellen. Drieu La Rochelles kleine Novellensammlung La Comédie de Charleroi (1934) fügt sich hingegen nicht in dieses Bild.

 

Der seit 1936 offiziell faschistisch engagierte Autor befördert in den sechs Texten seines – ebenfalls autobiographisch inspirierten – Erzählbandes eine ambivalente Auffassung des Krieges, der ihm Faszinosum und Gräuel zugleich ist. Kriegerisches Verhalten scheint demnach ein anthropologisches Fundament zu haben, zur natürlichen und positiv bewerteten Ausstattung der Spezies Mensch zu gehören. Doch der moderne Krieg, in seiner historischen Spezifität, erscheint damit schwerlich vereinbar. Wie sich dieser Widerstreit – in einer eigentümlichen Verwobenheit der konträren Impulse – von immer wechselnden Blickpunkten her über eine zentrale Ich-Instanz in den einzelnen Novellen artikuliert, soll – auch im Hinblick auf ideologische Aspekte – genauer untersucht werden.

 

La (re-)construction de l'histoire de « l'Algérie française » dans la série de BD Les Carnets d'Orient de Jacques Ferrandez

 

Nonnenmacher, Hartmut (Freiburg)

 

Les six volumes formant le cycle intitulé Carnets d'Orient qui ont été publiés jusqu'aujourd'hui par le dessinateur français Jacques Ferrandez se situent dans différentes époques de l'histoire de "l'Algérie française": tout au début de la conquête coloniale dans les années 1830 (Djemilah), dans les années 1870 (L'année de feu) et à l'aube du vingtième siècle (Les fils du sud), en 1930 (Le centenaire) ainsi que peu avant (Le cimetière des princesses) et peu après (La guerre fantôme) l'éclatement de la guerre d'indépendance. Issu lui-même d'une famille de "pieds-noirs", Ferrandez ne tombe cependant pas dans le piège d'une évocation pseudo-naïve du passé à la manière du discours historique traditionnel de la littérature. Son objectif c'est, au contraire, de retracer le processus de la construction de l'image de l'Algérie dans l'imaginaire des français. C'est pour cela qu'il situe au centre du premier volume le peintre fictif Joseph Constant qui ressemble curieusement à ce fondateur réel de la peinture orientaliste qu'est Eugène Delacroix. Les tableaux et esquisses orientalistes créés par Constant lors des premières années de la colonisation se constituent en "leitmotiv" de l'ensemble des volumes des Carnets d'Orient. La "mise en abyme" particulière qui en résulte - l'imagerie orientaliste des tableaux de Constant s'intègre dans les images d'une bande dessinée sur l'histoire de l'Algérie - induit une réflexion générale sur l'origine des images qu'ont les français de l'Algérie. Cette réflexion méta-historique se trouve particulièrement accentuée dans le volume Le centenaire: En recourant à une technique de collage originale Ferrandez incorpore dans ce volume des textes authentiques extraits de journaux et de guides de voyage de l'époque ainsi que des cartes et des photos publiées à l'occasion du centenaire de l'occupation de l'Algérie en 1930. Et le protagoniste de ce volume c'est un journaliste envoyé par un journal de la métropole pour couvrir les manifestations du "centenaire".

Ce médium mixte associant images et texte qu'est la bande dessinée offre donc des possiblités spécifiques tant au discours sur l'histoire qu'à la réflexion méta-historique. L'analyse des Carnets d'Orient de Ferrandez permettra de relever les techniques employées pour représenter l'histoire qui sont propres de la bande dessinée et de les comparer avec celles des textes littéraires.

 

« Histoire et histoires »: Geschichtskonzeption und Poetik im Romanwerk Patrick Chamoiseaus

 

Ortner-Buchberger, Claudia (Bayreuth)

 

Patrick Chamoiseau gehört zu den Autoren der Karibik, die in Anknüpfung an die von Édouard Glissant formulierten kulturtheoretischen Positionen die Abkehr vom Identitätsdiskurs der Négritude vollzogen hat. Er hält jedoch am aufklärerischen Projekt der Autoren der ersten Generation fest, mit seiner literarischen Tätigkeit den in Martinique lebenden Lesern ein Bewusstsein von ihrer Geschichte zu vermitteln. Das Aufsuchen eines afrikanischen mythe fondateur wird Chamoiseau zufolge jedoch nicht mehr der Komplexität dieser Geschichte gerecht. Er geht davon aus, dass die karibischen Gesellschaften keinen Ursprungsmythos kennen, sondern eine Ursprungserzählung, die sich auf die Erfahrung der Sklaverei innerhalb der Plantagengesellschaft bezieht und die nur als Geflecht von histoires rekonstruierbar ist. Chamoiseau präsentiert in seinen Romanen ein Netz von Geschichten, in denen Aspekte einer Geschichte Martiniques sichtbar werden, die nicht der Darstellung in den französischen Geschichtsbüchern entspricht. Die Heterogenität der Gattungen und der Diskurse bringt einen Text hervor, der durch Prozesse der Hybridisierung gekennzeichnet ist, ohne dabei den Anspruch auf eine littérature engagée aufzugeben.

 

Des drames sur des drames. Les relations entre fiction et histoire dans le théâtre francophone algérien et antillais des années 50 et 60

 

Reichardt, Dagmar (Bremen)

 

Tout comme « Le cadavre encerclé » (1955), une pièce de l’auteur algérien Kateb Yacine, « La tragédie du Roi Christophe » (1963/1970), de l’écrivain martiniquais Aimé Césaire, explore les rapports de force entre colonisateurs et colonisés. Revenant sur les époques coloniale et post-coloniale, ces deux  œuvres, qui constituent un véritable travail de mémoire sur ce tragique passé,  opèrent un « recodage » poétique d’événements historiques.

De nature comparatiste, la présente étude se propose de faire ressortir la spécificité des discours théâtraux algérien et antillais, qui s’inspirent certes, mais pas exclusivement, de la tradition du théâtre français. Celui-ci est devenu depuis la Révolution une véritable tribune politique débouchant dans la France d’après-guerre sur le théâtre engagé de Beckett, de Genêt, de Ionesco. Dans les anciennes colonies, c’est à l’émergence d’une nouvelle identité culturelle que nous assisterons durant ces années-là.

D’un point de vue méthodologique, nous reprendrons à notre compte l’idée de Foucault selon lequel le discours de la différence reste fondamentalement un discours de pouvoir. Nous montrerons que ces deux pièces, qui reflètent le paternalisme des structures coloniales vécues, voire subies, mais furent conçues comme visions prophétiques du passé historique, peuvent être lues plutôt dans leur diversité que dans une altérité qu’elles auraient en commun. Leur fonctionnalité sociale et culturelle est le symptôme d’un mouvement de déconstruction et de renouvellement partant de la périphérie dont il s’agit ici de prendre acte en recourant à différentes démarches théoriques s’appliquant à la littérature post-coloniale, alors que les grands classiques de la littérature mondiale sont des valeurs de moins en moins sûres. Ainsi pourra être soulignée l’importance de la contribution du théâtre de Césaire et de Yacine au travail de mémoire sur le drame de l’époque coloniale, tant en termes d’histoire sociale que dans la perspective de l’histoire littéraire.

 

« Des histoires sorties de l’Histoire » : La guerre d’Algérie (1954-1962) dans la littérature française contemporaine

 

Richter, Elke (Bremen)

 

Mehr als 40 Jahre nach dem Ende des algerischen Unabhängigkeitskrieges ist die Auseinandersetzung in Frankreich mit einem der dunkelsten Kapitel seiner Kolonialgeschichte keinesfalls abgeschlossen. Im Gegenteil: die Fülle der Publikationen in den letzten fünf Jahren zeigt, dass die Literatur ein bevorzugter Ort der Darstellung und Aufarbeitung dieses Krieges ist. In meinem Beitrag sollen zwei dieser Neuerscheinungen im Mittelpunkt stehen, die, obwohl in ihrer narrativen Struktur sehr unterschiedlich, einen ähnlichen Zugang zur Geschichte suchen. In beiden Texten wird Geschichte aus der individuellen und subjektiven Perspektive (re)konstruiert. Die Erzähler sind männliche Figuren, ehemalige Soldaten, deren Erinnerung an die Zeit ihrer Partizipation am Krieg sie in ihrer gegenwärtigen Situation einholt. Die bisher im Gedächtnis gespeicherte, aber nie ausgesprochene Gewalt, die Gefühle von Schuld, von Hass sowie die Verletzungen, aber auch die Faszination am Anderen verschaffen sich in den unterschiedlichsten (narrativen) Formen Ausdruck. So kehrt der Algerienkrieg in Venailles Algeria (2004) als erotische fremde Frau – Algeria – in das gegenwärtige Leben des Erzählers zurück, der er sich nicht entziehen kann, so sehr er auch die Entfernung von ihr, und von allem, was mit Algerien verbunden ist, sucht. In Bourgeats La nuit Algérie (2004) hingegen wird die Erinnerung über Gerüche, Stimmen und Gesichter, und damit letztlich über die Subjektivität, die der Erzähler seinen ehemaligen Feinden während der konkreten Kriegshandlungen abgesprochen hatte, in Gang gesetzt. Der Krieg, den der einstige Student der Literatur in der Realität als „construction imaginaire. Baroque. Un jeu. Un grand jeu“ erlebt hatte, wird in der (Re)Konstruktion plötzlich zur „realen“ bestialischen Grausamkeit.

In meinem Beitrag stehen somit einerseits Fragen nach dem Verhältnis von Fiktion und Historiographie im Vordergrund, andererseits sollen die unterschiedlichen Darstellungsweisen und Auseinandersetzung mit dem Prozess des Erinnerns, welche die Texte aktualisieren, herausgearbeitet werden.

 

Fragmenter et faire glisser – Zum Spiel mit der Historiographie bei Assia Djebar

 

Schuchardt, Beatrice (Düsseldorf)

 

Die algerische Historikerin, Schriftstellerin und Filmemacherin Assia Djebar thematisiert in ihrem Werk den doppelt marginalisierten, sowohl durch die arabische als auch durch die europäische (Kolonial-)Geschichtsschreibung vernachlässigten Anderen: Die Frau. Sie ist, obwohl „zum Verstummen gebracht“, Agentin, Erzählerin und Betroffene der historischen Ereignisse. In ihren Romanen konzentriert sich die Autorin vor allem auf die Zwischenräume der ehemals männlich dominierten Historiographie von Orient und Okzident, legt die „verschütteten Stimmen“ der Vergangenheit frei. Ihre Romane und Filme erscheinen als ein Plädoyer für ein Geschichtskonzept, das Historie als eine Ansammlung verschiedener und alternativer Erzählungen begreift. Wie im postkolonialen Ansatz Gayartri Spivaks geht es weniger darum, dem Anderen eine Stimme zu geben, als diesen für sich selbst und als Subjekt sprechen zu lassen.

Djebar entwirft mittels eines Spiels mit den herkömmlichen Prinzipien europäischer Historiographie eine meta-diskursive Auseinandersetzung sowohl mit ‚Geschichte als Darstellung’ als auch mit den Modi ihrer Vermittlung. Von besonderer Bedeutung sind hierbei die Medien und ihre (In-)Kapazität, den (kolonialen) Anderen angemessen widerzuspiegeln. Was Djebar im spielerischen Umgang mit herkömmlichen Quellen und Medien der europäischen Kolonialgeschichte in ihren Romanen entfaltet, ist die Umstellung, Dekonstruktion und Rekomposition herkömmlicher Geschichtsbilder. Aus dieser Dekonstruktion ergibt sich nicht nur ein anderer Blick auf die historischen Ereignisse, sondern auch ein anderes Geschichtskonzept. Dessen primäres ästhetisches Prinzip ist, so die These des Vortrags, das Gleiten („glissement“) als dynamisches Prinzip. Dieses steht für einen von Identitäts- und Geschichtsbegriff, der sich in einer stetigen Bewegung des Fließens befindet. Insbesondere der weibliche Körper und seine (Aus-) Dehnung in Raum und Zeit steht hierbei metonymisch für ein Algerien, dass sich der Vereinnahmung durch einen kolonialen, arretierenden männlichen Blick zu entziehen sucht.

Ziel des vorliegenden Vortrags ist es, die von Djebar skizzierte Ästhetik des Gleitens in Bezug auf das sich hieraus ergebende Geschichtsverständnis zu untersuchen.

 

Entre expérience historique et refus historiographique. Remarques narratologiques sur la perception subjective de la Seconde Guerre mondiale

 

Solte-Gresser, Christiane (Bremen)

 

Cette intervention part de l’observation suivante : Parmis les textes narratifs qui traitent la Seconde Guerre mondiale, les plus interessants sont ceux qui échappent à une description historiographique des événements de la guerre. L’analyse de deux textes très différents va démontrer comment les expériences collectives de la guerre (il s’agit ici des sujets de la fuite et de la captivité) se manifestent dans une perspective narrative entièrement subjective, une perspective donc qui refuse apparemment d’ordonner ou d’interpreter ce qui est raconté.

Un roman et un récit, qui se ressemblent remarquablement en ce qui concerne les motifs principaux, formeront le centre de la communication : La Route des Flandes de Claude Simon (1960) et Sous le Pont Mirabeau de Madeleine Bourdouxhe (1944). Dans les deux textes, une route en Belgique pendant l’invasion des Allemands en mai 1940 peut être considérée comme la scène centrale. Au-delà, dans les deux cas, le/la protagoniste assiste aux événements de la guerre (à savoir les événements qui adviennent aux soldats sur la route, pendant que l’armée allemande gagne le territoire français), sans pourtant y participer entièrement. Toutefois, à l’intérieur de la structure narrative du texte, cette dimension commune occupe une fonction très différente.

Une confrontation des deux textes, qui se distinguent chacun par une action extrêmement réduite, montrera par quelles techniques littéraires opposées (qui d’ailleurs sont très différemment qualifiées par la critique littéraire) les événements historiques sont déplacés à l’intérieur des protagonistes. Dans une forme chaque fois assez originale, l’Histoire ne peut être saisie par le lecteur que dans la perspective d’une perception subjective et fragmentée. Celle-ci consiste en impressions fugitives, associations brusques et souvenirs fragiles, qu’il serait difficile à reconstruire factuellement. Ainsi la forme narrative défait peu à peu et d’une manière assez subtile la frontière entre “la” réalité objective et sa perception subjective.

 

« Ceci n’est pas un roman historique »:Considérations sur le genre de La semaine sainte d’Aragon (1958)

 

Stauder, Thomas (Erlangen)

 

Vu le fait que l’action de ce roman se déroule entièrement pendant la semaine sainte de l’an 1815 et que ses protagonistes sont des personnages réels de cette époque, il faut entendre l’épigraphe « Ceci n’est pas un roman historique » comme provocation intentionnelle du lecteur de la part d’Aragon. Au centre de ce roman il y a le peintre Théodore Géricault (1791-1824) – aujourd’hui connu surtout pour son tableau Le radeau de la Méduse, exposé au Louvre –, qui comme officier fidèle accompagne son roi Louis XVIII quand celui-là s’enfuit de Paris devant Napoléon de retour de l’île d’Elbe. Quand Géricault dans le chapitre X du roman assiste à une réunion de républicains, la majorité desquels plaide en faveur de Napoléon malgré la trahison des idéaux de la révolution par celui-ci, le protagoniste prend conscience des problèmes et soucis du peuple, qu’il avait ignorés auparavant. Mais Aragon détruit ici comme ailleurs l’illusion épique du roman historique pour se souvenir d’une situation semblable dans sa propre vie, dans ce cas-ci d’une grève de mineurs dans la Sarre pendant l’occupation française en 1919, qui apportait à lui de la même manière comme au héros de son roman plus de compréhension pour la détresse des travailleurs. Avant cette digression, le narrateur réfléchit sur sa transgression des lois du genre : « Mon Dieu, je vais une fois de plus faire ce qu’il ne faut pas, mais comment y résister ? Je sais que l’auteur ne doit point intervenir, et moins encore l’anachronisme de sa propre vie, qu’y faire ? la tentation est trop forte. » Aragon établit un parallèle implicite entre sa propre décision de mettre son écriture au service du communisme au début des années trente et le développement artistique de Géricault, duquel Aragon disait en 1959 dans J’abats mon jeu : « La grandeur de Géricault, [...] c’est chez cet admirateur de David et de Gros, le courage d’être lui-même, contre le davidisme. [...] L’une des données essentielles de cet art, c’est la volonté délibérée, sans précédent avant lui dans la peinture, de peindre l’actualité. […] Peinture politique, réaliste, qui sera toute sa brève vie l’une des préoccupations de Théodore. » De cette façon il devient compréhensible comment Aragon pouvait affirmer que La semaine sainte appartenait encore au réalisme socialiste, un genre que lui-même avait pratiqué pendant les années trente : Géricault est dans sa manière un personnage exemplaire, et il y a un certain rapport entre l’évolution de sa conscience sociale et les idéaux du communisme – bien que cette comparaison soit anachronique. Dans cet exposé la complexité thématique et structurelle de La semaine sainte pouvait être seulement vaguement esquissée ; dans ma contribution à la section j’essaierai de traiter aussi d’autres aspects de ce roman, le plus souvent au beau milieu entre histoire et fiction.

 

Socialisme délabré et fatalisme littéraire : La « Zone d’Utopie Populaire » dans L’Algarabie de Jorge Semprun (1981)

 

Türschmann, Jörg (Freiburg)

 

Dans L’Algarabie (1981) Semprun étale les vicissitudes de la dernière journée dans la vie de Rafael Artigas, émigré espagnol qui vit à Paris en 1975, l’année de la mort de Franco. D’anciens combattants rescapés de la guerre civile et du franquisme mettent en œuvre, au cœur de la Rive Gauche, depuis plus sept ans déjà, la résistance d’une nouvelle Commune imaginaire. Semprun enchâsse dans la durée unique du récit des matériaux hétérogènes, des scènes, des images, des rencontres, des lectures, des fantasmes de ses souvenirs personnels et historiques. Il décrit Paris comme un creuset urbain où miroitent les reflets déformés et déformants de la réalité, l’histoire et la fiction. Semprun et son personnage ne renoncent jamais à leur identité d’étrangers même s’ils ont appris à manier parfaitement la langue française.

De cette façon, un narrateur, assemblé entre Semprun et Artigas, provoque un jeux de réverbérations où se rencontrent, dans l’échange de plusieurs niveaux narratifs, le savoir historique et les événements minuscules qui déclenchent des voyages imaginaires et des ramifications argumentatives. Se référant à la littérature au XIXme siècle, ce narrateur-là se prête à réutiliser les méandres de la structure du roman-feuilleton. A l’époque, c’était surtout Eugène Sue qui réussissait à propager dans Les Mystères de Paris (1982/43) un supposé socialisme utopique, une bienfaisance envers les plus pauvres et les plus défavorisés et une réformation de la société bourgeoise sans les graves conséquences auxquels était soumis le prolétariat urbain de Paris. Le paternalisme philanthropique de Sue offre un modèle social sagacement critiqué par Marx, et représente un des plus fameux prédécesseurs des succès postérieurs de la fiction dans les mass-média. Umberto Eco dénonce le dilettantisme de Sue qui ne cherche qu’à faire ses lecteurs succomber à des effets spectaculaires.

Concernant les renvois répétés aux Mystères de Paris l’intervention vise à proposer quelques réponses au moins provisoires aux questions suivantes : Quel rôle le modèle narratif du roman-feuilleton joue-t-il dans L’Algarabie pour décrire l’espace urbain au-delà de communautés langagières et d’identités collectives bien distinctes ? Qu’est-ce que signifie la longue liste des dates historiques (1842/43, 1848, 1871, 1968, 1975 et 1981), c’est-à-dire la convergence de moments d’espoir et de résignation ? Et pourquoi est-ce que Semprun favorise le futur passé antérieur d’une science-fiction qui retrace l’histoire d’une Commune imaginaire déjà agonisante ?