Université Ibn Zohr
Faculté des Lettres
et des Sciences Humaines
Agadir
Histoire, mémoire et
fiction
Colloque Mohammed
Khaïr-Eddine
16, 17, 18 Décembre 2004
Argument :
L’écrivain
quel qu’il soit, où qu’il soit est un don à la langue, la sienne ou une autre ;
il est, par le fait de l’écriture dans une double mémoire : la première
est formatrice de la vision concrète du sujet, sa naissance dans un lieu du
monde ; et l’autre lui vient du code de la seconde vision : celle de
la littérature. C’est par la littérature comme langage et comme acte esthétique
que les deux mémoires ne se défaussent pas l’une de l’autre et que se constitue
un mode d’existence en feux croisés des deux mémoires. C’est là où surgit la
parole littéraire qui est l’accomplissement même de la conscience de l’homme
écrivain, au point que celui-ci devient intensément la forme axiologique de la
position qu’il occupe, celle d’un sujet de langue. Cela lui vient de « ce
qu’il a vu et entendu des choses trop grandes pour lui, trop fortes pour lui
(…) dont le passage l’épuise, en lui donnant pourtant des devenirs »
(Deleuze).
Dans
ce sens, la figure de Mohammed Khaïr-Eddine frappe justement par l’embrassement
générateur de ce qu’il est comme être anthropologique (culture maternelle,
appartenance à l’aire culturelle amazigh, habitus natal, etc.) et sa
transformation en sujet déployé dans
l’intention poétique, dans l’obscurité de la lettre, dans le travail extrême de
l’écriture jusqu’à atteindre le point de voilement, d’opacité, d’indiscernabilité,
minant le sens, inventant ses mondes énigmatiques dans le « jeu
d’hérédités obscures » (Pessoa) et dans la fêlure organisatrice de
l’écriture.
Et
réfléchir aujourd’hui sur la figure de l’écrivain Khair-Eddine, c’est
inéluctablement se pencher sur l’émergence de sa voix née du lien et de
l’affrontement de l’histoire et de l’individu, de la mémoire et de la hargne de
l’expression littéraire comme le fait d’une croyance délibérée. Ainsi le texte
de Khaïr-Eddine suscite immanquablement la question portée sur les lieux de
l’identité comme médiation qui assure la relation entre l’univers du réel et
celui de la fiction, entre l’anthropologique et la raison du sujet. Il s’agit
d’une affirmation de l’individualisation dans la langue étrangère et dans
l’espace ouvert des cultures multiples, dans l’entrelacement porteur de la
mémoire première et de la création féconde. Tout est là dans le temps de
l’écriture de khaïr-Eddine : un temps d’écriture précipité de symboles, de
figures, de mondes, de croyances, de fragments de l’Histoire, d’exacerbations
politiques, de déflagrations littéraires ; biographie mouvementée,
bondissante, impétueuse dont l’acte poétique ou la possibilité de l’acte
poétique est la fondation interrogative de l’écart de soi à soi, de soi à la
loi ; d’où l’aspect éminemment critique de l’écriture de Khair-Eddine qui
surprend, déconcerte, rivalise avec la littérature comme agencement tranquille
des formes distinctes. Ce franchissement des limites est l’entrecroisement des
signes, des genres, des poétiques, des
sources, des références ; ce qui donne des textes éclatés, incandescents,
des débridements d’œuvres, des orages personnels, même si tout cela finit par
être relégué dans l’art, dans les bibliothèques et dans les objets à exégèses.
En
raison de cela, de cette difficulté de l’œuvre, dans quelle mesure l’écriture
de Khaïr-Eddine peut-elle faire sens aujourd’hui ?
En
réalité, pour répliquer vite, toute rencontre autour de son œuvre, toute
revisitation de celle-ci doivent montrer le cœur de son inscription, le jour de
sa continuité dans des esprits ou dans des instants de rencontre ;
d’autant plus qu’elle est liée à l’acte poétique, aux germinations de
l’imaginaire d’un sujet amarré à sa communauté de destin (politique,
linguistique, historique, géologique, culturel, généalogique…) et que par ce
lien fondateur, son écriture peut donner à lire le monde marocain qu’elle
déconstruit ou reconstruit à sa manière, qu’elle dénude dans la fièvre
dissidente ou dans des récits apaisés (comme les derniers textes narratifs). Sa
voix fait entendre quelque chose d’inouï dans l’allégorie de l’œuvre, dans sa
complexité à ressaisir aujourd’hui même comme affolements de l’identité de soi,
dans une suite d’œuvres où sont circonscrites la part de soi et la part du
monde qui passe par soi, par le pathos profond de l’écrivain, par
l’excentricité pertinente.
C’est
cette complexité que le colloque d’Agadir envisage de mettre en valeur par des
approches différentes, interdisciplinaires pour s’interroger sur la réception
critique de cette complexité de l’écrivain. Ce colloque doit favoriser, après
bien des rencontres déjà réalisées autour de son œuvre, une somme de paroles
mûres sur l’œuvre, sur l’espace de création de l’œuvre et qu’il fasse le tour
des questions essentielles, de faire place à la multiplicité des aspects que
révèle l’œuvre dans son immanence ou dans ses prolongements ; en dehors
des « canonisations lénifiantes » et des poncifs méta-littéraires.
Pour renforcer cette idée et cette
perspective, l’esprit du colloque insiste sur le destin d’écriture et réserve
une part égale à l’œuvre et ce qui fait appel à l’œuvre, aux traits spécifiques
à l’œuvre et ce qui relève d’un paradigme culturel, d’une mémoire large où
résonne l’œuvre directement ou indirectement en tant que ressourcements
pluriels ou en tant qu’espace global de l’inscription de l’œuvre.
Hassan Wahbi.
Pour le Comité Scientifique du Colloque
Les thèmes à
privilégier :
1. Approches littéraires de l’œuvre dans
ses faits majeurs.
2. L’idiome littéraire de Khaïr-Eddine
3. Les
systèmes référentiels (surréalisme, modernité, tradition…)
4. Le paradigme de l’œuvre :
a. les sites anthropologiques berbères, imaginaire des
lieux et codes culturels avec les figures du familier, du sacré, du profane, du
légendaire, de la tradition orale, des représentation collectives, du capital
patrimonial, etc.
b. Le temps de l’Histoire.
c. Les passages dans les langues (le legs des langues,
les phénomènes de traduction, de la bi-langue, récits de langues,
interférences, imaginaire des langues, etc.)
Comité scientifique du
Colloque : « Histoire, mémoire et fiction »
Mme Tassadit YACINE Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales Paris |
M. Ahmed RAQBI Chef du Département de Langue et de Littérature
Françaises Faculté des Lettres – Agadir |
M. Hassan WAHBI Département de Langue et de Littérature Françaises Faculté des Lettres - Agadir |
Pour toute réponse à la participation au
Colloque(de préférence avant le 30 juin 2004)
s’adresser à Mme Tassadit YACINE, E.H.S.S., Bd. Raspail, Paris et à M.
RAQBI Ahmed ou Hassan WAHBI, Faculté des Lettres et des Sciences Humaine
d’Agadir – Université Ibn Zohr, B. P.
29/S – Hay Ad-Dakhla-Agadir.
Activités parallèles :
Partenariat à envisager avec opérations
désignées :
1. E.H.S.S. et la revue Awal (mobilité des
chercheurs étrangers et publication des actes du colloque).
2. Institut Royal amazigh (mobilité des
chercheurs).
3. Université Ibn Zohr et Faculté des Lettres
d’Agadir (Hébergement, structure d’accueil, affiche et programme du colloque).
4. Commune Urbaine d’Agadir (Structure
d’accueil).
5. Institut Français d’Agadir (le livret sur
Khaïr-Eddine et le catalogue de l’exposition de Saïd Aoubraïm).
6. Mécènes d’Agadir (Financement d’opérations
ponctuelles).