FRE CNRS 2425, Discours,
textualité et production de sens
Coordonnateurs : Paul
Siblot, Université Montpellier III,
Naget Khadda, Université
d’Alger, Université Montpellier III
Pilote de l’Hommage à Mohammed Dib de l’Année de l’Algérie en France
Soutiens
Commissariats généraux à
Alger et à Paris pour la préparation de Djezaïr, une année de l’Algérie en
France ; AFAA ;
Services Culturels de
l’Ambassade de France à Alger ; Centre Régional des Lettres du Languedoc
Roussillon ;
Pôle Universitaire Européen
de Montpellier ; Maison des
Sciences de l’Homme de Montpellier ; Université Paul Valéry -
Montpellier III ; FRE CNRS 2425, Discours, textualité et production de
sens ; Centre d’Etudes du XXème siècle.
1. Cadres et orientations des rencontres
1. 1. L’hommage à Mohammed Dib dans
« l’année de l’Algérie en France »
Les
rencontres organisées à Montpellier participent d’un « hommage »
organisé de part et d’autre de la Méditerranée tout au long de l’année 2003.
Une série de manifestations qui entend saluer une des consciences algériennes
les plus exigeantes de l’époque contemporaine. Cet hommage est piloté par N.
Khadda au sein du Commissariat général en Algérie pour la préparation
d’« Une année de l’Algérie en France et du Commissariat général à
Paris. Les rencontres montpelliéraines se font en coordination avec le colloque
organisé à Tlemcen en décembre 2003.
-
Exposition de 24 panneaux
élaborée à Alger par l’équipe chargée avec N. Khadda de l’hommage. Cette
exposition, qui sera accueillie par plusieurs médiathèques au cours de l’année
2003, sera proposée ultérieurement à des Centres Culturels Français à
l’étranger.
-
Rencontre Le bon plaisir de M. Dib organisée par
N. Khadda et Jean Baptiste Para pour la Direction des affaires culturelles de
la Mairie de Paris en février. Réalisée à la bibliothèque Buffon, la
manifestation sera ensuite diffusée par France-Culture.
-
Symposium international Mohammed Dib, une écriture aux confluents de
l’histoire, des langues et des cultures dans le cadre d’une unité du
CNRS ; exposition, tables rondes et débats, soirée musicale Mohammed Dib, une œuvre aux confluents de
l’histoire, des langues et des cultures ; Montpellier, 13-15 novembre.
-
Colloque international
financé par le Ministère de la Culture algérien Mohammed Dib et l’Algérie, avec la remise du premier Prix de la Fondation Mohammed Dib qui
couronnera l’œuvre d’un jeune écrivain algérien de langue française ;
Tlemcen, 16-18 décembre.
-
Le numéro de la revue Europe consacré à l’année de l’Algérie
comportera un important volet Mohammed Dib où figureront notamment les
interventions de la rencontre Mohammed Dib, la voix de l’Algérie ;
publication à la fin de l’année.
Le colloque de Tlemcen qui sollicite un large
concours intellectuel et universitaire entend situer l’ancrage de l’œuvre de
Dib dans l’espace culturel national ; la première remise du prix de la
Fondation Dib à Tlemcen se veut dans la continuité de l’entreprise de
l’écrivain et orientée en perspective d’avenir, à l’intention des jeunes auteurs
algériens de langue française.
Les
rencontres de Montpellier visent un double objectif. Il s’agit d’établir un
état des savoirs sur l’œuvre et sur son écriture par un bilan aussi complet que
possible, à un niveau de scientificité exigeant, dans les champs de la
réception critique, des analyses littéraires, stylistiques, linguistiques et
socio-historiques. Option qui commande celle d’un symposium rassemblant des
personnes qualifiées par leurs travaux plutôt qu’un colloque avec appel à
communication. On vise la publication d’un ouvrage de référence qui
enregistrera de façon durable l’hommage rendu à l’écrivain.
1. 2. Les
échanges avec les pays au Sud de la Méditerranée
Il
n’est pas besoin d’argumenter sur les évidentes raisons géographiques,
historiques, économiques et humaines qui font du développement des échanges
avec les pays riverains de la Méditerranée un impératif, en Languedoc
particulièrement. Comme bien d’autres institutions, les Universités de
Montpellier et le Pôle Universitaire Européen de Montpellier entretiennent
depuis longtemps des relations avec l’Algérie sous la forme de conventions et
de programmes de coopération. Ces échanges ont fait de Montpellier un foyer
actif de réflexion sur l’interculturalité.. La logique de ces relations, jointe
au potentiel de recherche montpelliérain en sciences humaines, explique la
création à Montpellier d’une Maison des Sciences de l’Homme autour de la
thématique Europes – Méditerranées,
Dynamiques des interactions. Le projet consacré à Mohammed Dib s’inscrit
dans ce tableau général et participe de la relance des échanges avec l’Algérie.
1. 3. L’expérience
d’une coopération productive
Le
projet s’insère d’autre part dans la continuité de travaux, de colloques ou de
manifestations à l’Université Paul Valéry, sur les littératures, les discours
ou les expressions culturelles au Maghreb, en Algérie principalement. Les
porteurs du projet y ont apporté leur contribution par des réalisations
conduites en partenariat par des chercheurs français et algériens avec le
concours d’institutions ou d’associations régionales :
-
Visions du
Maghreb, novembre
1985, colloque, exposition (Cultures et peuples de la Méditerranée,
F. Charras, P. Siblot (éds), Edisud, 1987) ;
-
Vie
culturelle à Alger, 1900 – 1950,
janvier 1987, colloque, exposition (Cultures
et peuples de la Méditerranée, P. Siblot (éd.) Publications de
l’Université Paul Valéry, 1996) ;
-
Regards
croisés. D’une rive l’autre, mai
1990, colloque, exposition (Université Euro-arabe itinérante, P.
Siblot, Editions Espace 34, 1994) ;
-
Alger, une
ville et ses discours, avril
1996, colloque (Programme interuniversitaire de recherche Alger – Montpellier
III, Editions Praxiling –
Publications de l’Université Paul Valéry, N. Khadda, P. Siblot (éds),
1996) ;
-
Mohammed
Khadda, La paix pour
alphabet, Exposition, 1996,
(Conseil Général de l’Hérault, Institut Français de Barcelone, commissaire N.
Khadda) ;
-
Mohammed Dib, cinquante ans d’écriture, 2002, colloque Centre d’étude du XXème siècle, mai
2000, Université Montpellier III, (Publications de l’Université Paul Valéry, N.
Khadda,).
A la croisée de trois domaines, le projet articule de façon complémentaire leurs logiques propres. Celles de l’hommage de « L’année de l’Algérie en France », d’un champ de recherche, de l’expérience d’une unité de recherche CNRS en matière de coopération scientifique internationale.
2.
Orientations de recherche
2. 1. Les
cadres scientifiques et institutionnels
La
FRE CNRS 2425, Discours, textualité et
production de sens a comme dénominateur commun à ses domaines de recherche
l’analyse des processus de la production du sens dans le langage. Les analyses du discours qu’elle conduit
partent de corpus particuliers et s’appliquent à comprendre les procédures
linguistiques et cognitifs qui président à la construction du sens. La parole,
les textes, l’écriture sont ses objets d’étude habituels, notamment les
écrits littéraires qui présentent des élaborations sémantiques que caractérise
un haut niveau de complexité. Les analyses portent sur le procès
d’actualisation de la langue en discours, sur la dynamique interactive et
dialogique des actes de parole, sur les situations de communication et de
réception, sur l’incidence des contextes culturels et socio-historiques. On
peut en termes simples caractériser ces analyses comme des « lectures en
connaissance de cause ».
Ces
recherches accordent une attention particulière aux discours produits en situations de diglossie, et plus largement aux
situations de contacts de langues et de cultures. Dans ces contextes, la dialectique du même et de l’autre
s’exacerbe et amplifie ses effets ; son emprise s’avère omniprésente,
devient souvent l’objet même du discours. Elle met en évidence certains
fonctionnements linguistiques qu’elle rend par là mieux saisissables. Depuis
une vingtaine d’années de nombreux travaux ont été menés dans cette unité de
recherche sur l’écriture et les textes en contexte plurilingue : domaines
franco-occitan, franco-algérien, franco-marocain, franco-allemand,
franco-japonais, catalano-castillan ou créole… Une centaine de publications
(notamment un ouvrage collectif, Figures
de l’interculturalité, 1996, J. Bres, P. Siblot, C. Détrie, éds, et nombre
d’analyses de textes de Dib) rassemblent un acquis théorique et méthodologique
qui ne peut qu’enrichir les problématiques appliquées au texte dibien.
2. 2. Le
symposium
La
réflexion est centrée sur l’écriture,
raison de l’audience, des qualités, de la « littérarité »
d’une production. Les aléas de sa désignation disent la particularité de son
statut : littérature « algérienne de langue française »,
d’« expression française », de « graphie française » ou
encore « francophone ». L’étude de cette poéticité singulière revient
à poser une question fondamentale mais délicate à résoudre sur la nature de son
originalité. L’œuvre de Mohammed Dib a motivé des commentaires critiques, des
études spécialisées, des thèses universitaires… dont l’ensemble au fil des ans
est devenu considérable. Ces travaux ‑ mémoires, monographies ou articles
spécialisés ‑ sont peu accessibles, dispersés le plus souvent dans des
analyses de la production algérienne ou maghrébine. Ils n’autorisent pas de
« somme » et moins encore une « synthèse ». Il est pourtant
impérieux de porter témoignage de l’importance d’une œuvre certes connue, mais
pas encore reconnue dans toute son ampleur et toute sa richesse. C’est à cette
fin que sont réunis les analystes qui ont conduit les travaux les plus
marquants. En sollicitant une quinzaine d’intervenants que leurs publications
imposent comme les « connaisseurs », on entend aboutir à un ouvrage
de référence sur la réception critique et universitaire. Ainsi la publication
des actes gardera une trace durable de l’hommage, dont on espère qu’elle
favorisera la recherche ultérieure.
L’essentiel
est cependant ailleurs. Au regard de ses conditions de production, l’œuvre de
Mohammed Dib constitue une réussite exceptionnelle par la prise en charge des
très fortes contraintes auxquelles elle était soumise et surtout par leur
dépassement. Les raisons de la prééminence de l’œuvre sont là. Aussi l’objectif
premier du colloque est-il la compréhension de l’entreprise intellectuelle et
esthétique de l’auteur à travers
une analyse précise des procédés d’écriture, des modes d’inscription des textes
dans le double contexte algérien et français, par celle de sa réception dans
les divers lectorats. On espère rendre compte ainsi du paradoxe d’une
écriture qui sans parti pris assume une histoire conflictuelle pour en faire
œuvre littéraire et qui parvient à être profondément algérienne dans une expression
en langue française et dans des formes littéraires exogènes.
Mohammed
Dib, une écriture aux confluents de l’histoire, des langues et des culture. Le
titre indique d’emblée un projet
interdisciplinaire entre littéraires, stylisticiens, linguistes, sociolinguistes
et historiens. Un projet qui requiert aussi la collaboration de chercheurs
algériens, français et d’autres pays non impliqués dans les relations parfois
trop prégnantes que l’histoire franco-algérienne a tissées. L’objet du
symposium, l’écriture, porte sur des textes écrits et reçus dans des contextes
historiques, culturels, linguistiques, politiques, idéologiques spécifiques qui
on conditionné la production et la perception du sens. Ces déterminations sont
le thème de deux tables-rondes. L’une à laquelle sont conviés des sociologues
de la culture et de la littérature, laquelle rendra compte de la réception
en Algérie, en France, en Europe, au delà. On s’interrogera aussi sur
l’édition et sur la diffusion de la littérature franco-algérienne. La seconde
réunira des écrivains qui feront part de leur expérience et de leurs vues sur
la condition singulière de celui qui est conduit à écrire dans la langue de
l’autre.
2.3. Communications
Mohammed Ismaïl ABDOUN,
Université d’Alger
Dissidence de la forme
et formes de la dissidence
D'Ombre gardienne à
L'aube Ismael
Il s'agit de voir comment
la « dissidence » fonctionne à l'épreuve du texte en lisant le
parcours scriptural de Dib d'Ombre gardienne à L'aube Ismael.
Celui d’une subversion en « sourdine » des normes de l'écriture
poétique classique à une écriture plus libre, libérée et dégagée de toutes
normes .En écho, sous le masque du poétique le politique s'avance :
l'Algérie colonisée / la Palestine occupée. Plus profondément et simultanément
l’écriture est creusée par une ascèse de l'exil ; écriture
« apatriée », déterritorialisée mais profondément ancrée dans le
désir primordial d'une territorialité originelle.
Sabiha
BENMANSOUR, Université de Tlemcen
Dans les ateliers d’écriture et de théâtre de la Fondation
Dib, des jeunes gens et jeunes filles revisitant l’œuvre de Dib réactivent
les lieux de mémoire de l’auteur qui ont présidé à l’impulsion de son écriture.
S’ouvre à eux un champ de questionnement plus large qui les place à la
conjonction de leur vécu et de l’expérience d’écriture dibienne.
Afifa BERERHI, Université
d’Alger
L’imaginaire de
l’entre-deux
Pour
Foucault « l’imaginaire naît et se forme dans l’entre-deux des
textes » (« La bibliothèque fantastique », Travail de
Flaubert,
coll.). Ce point de vue semble trouver un écho chez Dib qui évoque dans Les terrasses
d’Orsol le
« Barzakh », référence coranique désignant l’entre-deux des signes,
dont la thématisation spécifie l’écriture dibienne. Le « Barzakh »
pourrait être le concept à partir duquel se réalise une littérature de la trace
dont la désinence esthétique est le mouvement, l’impossibilité faite au texte
de se fixer. Ceci traduisant/induisant une visibilité de l’universel.
Charles BONN, Université
Lyon 2
« Ce que dit la bouche d'ombre »
La quête des personnages
des romans de Dib débouche le plus souvent sur une absence de réponse
explicite, fréquemment représentée sous la forme d'un « grand rire
strident dans la nuit déserte ». Plusieurs chercheurs ont tenté de voir
dans cette ascèse un itinéraire mystique inspiré entre autres pas le soufisme.
Or, si la culture soufie de Dib est évidente, cela ne signifie pas pour autant
qu'il faille chercher une réponse de ce côté, ni même qu'il faille chercher une
réponse quelle qu'elle soit. Car la réponse ultime n'est-elle pas précisément
la vanité de l'entreprise même de chercher une réponse, quelle qu'elle soit? Et
c'est sans doute là le plus difficile à admettre pour une critique n'acceptant
pas le vertige inhérent à toute littérarité.
François DESPLANQUES,
Université de Nice
L’humanisme tragique
dans l’œuvre narrative du « second Dib »
Contre
une conception de la littérature engagée qui prévalait dans les années 50, Dib
a très vite insisté sur la liberté de l’écrivain. Il a clairement dit que le
rôle de l’écrivain n’est pas de donner des réponses mais de poser des
questions. Il ne faut pas en conclure que Dib se dérobe à la question du sens.
On se propose d’éclairer sa vision de l’homme, plongé dans l’univers et dans
l’histoire, à partir du concept d’humanisme tragique, en restant au plus près
des textes. On essaiera de montrer que cette œuvre ouverte, et par là
pleinement moderne, pleinement universelle, échappe à certaines illusions de la
modernité.
Fritz
Peter KIRSH, Université de Vienne
Naget KHADDA, Universités
d’Alger et de Montpellier III
Formes premières et esthétique de la fragmentation
Ou geste de la tradition et invention de la modernité
Lorsque M. Dib s’engage
en littérature, il s’exprime d’abord en poésie et dans la nouvelle : deux
formes qui ont une longue histoire dans les traditions arabe et berbère qui constituent
alors le substrat culturel du Maghreb. En venant au roman, il
« transporte » avec lui ces « formes premières » et y
adjoint d’autres « formes premières » – au sens ethnologique du terme
(devinettes, proverbes, récits allégoriques…). Ce faisant il investit la forme
romanesque d’un dire qui en réorganise différemment la structure. En
particulier une hétérogéneité et une fragmentation du discours romanesque se
met en place que le travail dibien, dans sa traque d’une forme propre, va
décliner en versions variées. Cet ancrage dans une mémoire culturelle
rencontre, par ailleurs, des recherches qui, dans la modernité littéraire
(Virginia Woolf, Faulkner, Borgès …) suscitent l’adhésion de l’auteur. Dès lors
le roman dibien, en se nourrissant de ce double lignage rejoint la modernité
occidentale …
Doris RUHE, Université de
Greifswald
L’ailleurs et la mort
Les Terrasses d’Orsol
Mon exposé situera les
Terrasses d’Orsol à partir de l’espace géographique où est inscrit un milieu
socio-politique bien défini et que croise un tracé autobiographique. La
description du paysage urbain et de la campagne nordique, le regard sur la
société scandinave et l’expérience personnelle de l’exil s’y superposent,
s’enchevêtrent et s’éclairent mutuellement tout en formant un ensemble poétique
qui, par son langage métaphorique, est étroitement relié à l’univers littéraire
dibien.
Fewzia SARI, Université
d’Oran
L’œuvre de Mohammed Dib est indubitablement
inachevée parce qu’elle se nourrit indéfiniment de ses propres ratures. Dans sa
voix, se font entendre d’autres voix convoquées simultanément par la lecture et
repérées au titre de citations culturelles et de codes. La lire nous demande
donc de reconsidérer toute la problématique de « la lettre », inséparable de la
somme de ses traces. Cette lecture relève non seulement de ce que Mallarmé
appelait une séance qui « implique la confrontation d’un fragment du
livre avec lui même, mais aussi de la projection du « livre » sur les autres
livres qui le tissent et qu’il transforme. C’est une lecture de rets imageants
et désirants, de disséminations actives et de mémoires. Dans un certain sens,
lire Dib c’est se souvenir et relire ; lier plusieurs textes dont l’un a déjà
été lu. Le texte dibien ne se constitue, en définitive, que sur une œuvre
éclatée, des livres débrochés. Notre communication interrogera les mécanismes
qui rendent possible l’existence du texte dibien et la construction de son
sens. Ce n’est qu’au terme de ce parcours que s’inscrira la lecture du
spirituel.
Paul SIBLOT, Université
Montpellier III (FRE CNRS 2425)
« Les tribulations du nom »
Ou les nominations problématiques
L’acte
de nommer qui fonde à la fois le sujet et le langage fut le premier geste
assigné à notre ancêtre Adam. La langue du paradis étant perdue, question du
choix de la langue, à propos de laquelle les auteurs algériens de langue
française sont toujours interpellés se trouve rejouée en toute
nomination ; les mots ne vont pas de soi et il faut les choisir. Désigner
un être, une chose dans une langue, impose de le considérer d’un point de vue
qui est nécessairement historicisé, socialisé, culturalisé, fixé dans un
lexique qu’une culture et une langue ont structuré à leur façon. Mohammed Dib
n’a jamais pertçu sa langue de travail la contrainte d’une « culture de
nécessité » (Lacheraf) ni le risque d’une « aliénation ». Il a
fait de cette donnée un espace de liberté où son écriture croise et entremêle
les codes, les normes, les références, où le texte trouve les ressorts de sa
productivité. Par l’examen de ces mises en œuvre de la signifiance des noms
propres et des noms communs, ou celui des commentaires que l’auteur lui-même en
donne, on dégagera quelques uns des procédés de ce « travail de la
langue » en interculturalité.
Mourad YELLES, Université
Paris VIII (Institut Maghreb-Europe)
L'analyse portera sur les
modes de représentation du chant dans le texte dibien. On s'efforcera de
montrer comment son « incorporation » précoce dans le champ de l'écriture
romanesque, pose non seulement les conditions d'une remise en cause du pacte
esthétique colonial mais aussi les prémices d'une anthropologie poétique de
« l'être-au-monde » maghrébin. Tout au long de l'œuvre, cette
« traversée » des voix de la tradition algérienne semble ainsi
participer de l'exploration, sur le mode critique, de quelques paradigmes
fondamentaux relatifs au statut du sujet, à sa mémoire et aux signes qu'il
mobilise dans le cadre d'une histoire marquée par la violence et par l'échange.
3. Tables
rondes et débats
3.1. Les
réceptions de l’œuvre
Guy DUGAS (Université
Montpellier III), Jean-Robert HENRY (CNRS, Aix-en-Provence),
Regina KEIL (Université
d’Heidelberg), François POUILLON (EHESS, Paris), Hassan REMAOUN, Université
d’Oran (Centre de Recherche en Anthropologie Sociale et Culturelle), Nordine
SAADI, Université de Douai.
Par sa continuité durant une
période de l’histoire où les relations franco-algériennes ont connu tout à la
fois des moments de rencontre intense, d’extrême tension et les affrontements
les plus violents, par la diversité interne de ses lectorats algérien et
français, par la variété des domaines concernés ( roman, poésie, théâtre,
essai…) et par une diffusion dans le monde entier, les textes de Mohammed Dib ont
été très diversement reçus et compris. Cet accueil foisonnant et diversifié de
l’œuvre dit sa richesse reconnue. C’est cette dimension qu’aborderont des
spécialistes de la sociologie de la littérature, des échanges et des
confrontations culturels entre les Sud et les Nord de la Méditerranée, de
l’anthropologie culturelle ou de l’anthropologie politique ; cela sous
forme d’une table ronde et d’échanges avec l’assistance.
3.2. Ecrire dans la langue de
l’autre :
Soumiya AMAR KHODJA, Rachid BOUDJEDRA, Gil JOUANARD,
Robert LAFONT, Malika MOKEDDEM, Frédéric Jacques TEMPLE, Habib TENGOUR.
(Ecrivains)
Dans L’arbre à dires (1989), alors qu’il est en pleine possession de son
art, Dib avance quelques réflexions sur son écriture. Il ne s’agissait pas
seulement pour lui de trouver à partir d’une syntaxe commune les variations,
transgressions, déviations, exceptions, inventions qui font d’une œuvre une
œuvre unique ; il importait, plus fondamentalement, de « faire sonner
deux idiomes en sympathie ».
Car, explique-t-il, « Le français est devenu ma langue adoptive. Mais
écrivant ou parlant, je sens mon
français manœuvré, manipulé d’une façon indéfinissable par la langue
maternelle. »
Cette
perception des choses est-elle partagée par tous les écrivains en situation
bilingue ? Comment et à quel degré la langue absente informe-t-elle (en
sous main ou en toute conscience) le travail de leur écriture ? C’est la
question à laquelle les participants de cette table ronde sont invités à
répondre. Nous souhaitons poursuivre ainsi le débat de la table ronde du
symposium sur la réception en déplaçant l’éclairage de l’autre côté du
miroir : du côté de l’émission. A cet effet on a invité des écrivains
français et algériens confrontés au même problème afin de recueillir leur témoignage
sur une commune interpellation. Le public et les chercheurs du symposium
pourront intervenir dans un débat général.
3.3. Par dessus l’épaule
de l’écrivain
Madame Assia DIB-LEYRIS,
fille de l’écrivain, sociologue de profession, a bien voulu apporter la contribution
de son témoignage à l’hommage rendu à l’œuvre de son père. Sous forme
d’échanges avec l’assistance, elle se propose d’évoquer ce que l’entreprise
d’écriture littéraire paternelle fut pour elle et ses proches.
3.4. Soirée musicale : Les airs andalous
Un orchestre de musique
arabo-andalouse, dans une formation propre à la tradition de Tlemcen, pourrait
se produire en clôture de ces journées d’hommage à Dib. Cette activité festive
compléterait le travail de compréhension du climat culturel dans lequel l’œuvre
dibienne trouve un ancrage, en fournissant à l’auditoire une référence à la
culture musicale de l’auteur. La musique a marqué la sensibilité de Dib,
descendant d’une lignée de musiciens ; il a dans un de ses essais confié
que la langue française fut d’abord une musique pour le petit écolier propulsé
sur les bancs de l’école française. On sait aussi que Dib est resté attaché aux
émois culturels premiers de sa ville natale, haut lieu de la musique andalouse
depuis l’accueil au XVème siècle de Grenadins, juifs et musulmans, chassés
d’Andalousie par la Reconquista. Il est enfin notoire que des échos du fonds
lyrique tlemcénien (mélodies, mélopées, chants mystiques, rythmes extatiques,
antiennes de personnages souffrants, chants féminins de l’escarpolette…)
hantent son univers poétique et romanesque de concert avec des évocations de la
musique classique européenne qui propage ses sonorités, notamment, dans les
espaces de forêts et de neige de la tétralogie nordique.
L’articulation de ce concert aux travaux du symposium et aux autres actions culturelle sera confié à Mourad Yelles Chaouch, spécialiste de l’œuvre dibienne, connaisseur et praticien de musique andalouse, qui abordera dans la biographie et dans l’écriture de Dib l’influence de cette tradition musicale, tout à la fois populaire et sophistiquée. L’orchestre pressenti, Les airs andalous, a son siège à Paris ; mais il est rattaché à l’Ecole de Tlemcen.
4.
Expositions
4.1. Mohammed Dib, Les lieux de l’écriture
Les rencontres accueilleront
à Montpellier une exposition conçue comme une « Visite guidée dans l’œuvre de M. Dib », intitulée Les
lieux de l’écriture. Réalisée à Alger par une équipe de chercheurs sous la
responsabilité de N. Khadda, cette exposition introduit à l’univers de M. Dib à
travers un parcours qui évoque les thèmes privilégiés et les préoccupations
esthétiques de l’auteur. Elle consiste en 25 panneaux (2m x 0,80m.) et propose
des extraits de texte de 3 à 10 lignes sur supports iconographiques en rapport
avec les citations. Une douzaine de ces panneaux utilise en toile de fond des
prises de vue relatives aux lieux
premiers de l’écriture (Tlemcen et la campagne environnante), tandis
qu’une autre série exploite une iconographie non figurative en dialogue avec le
texte dibien et réfère à des lieux plus symboliques, intégrant la calligraphie
arabe et des tableaux de peintres proches de l’auteur (Issiakhem, Jean de
Maisonseul, Khadda…).
Ces deux volets de
l’exposition visualisent deux sources d’inspiration :
-
une
préoccupation réaliste (fortement amarrée au paysage géographique et
sociologique dans lequel évoluent les personnages) qui, sans y être exclusive,
domine dans les premiers romans.
-
une
écriture des sous entendus qui cherche moins à produire un reflet spéculaire du
réel qu’à interroger le monde par des tours elliptiques et énigmatiques (plus
ou moins fantastiques, plus ou moins ésotériques). Cette forme, que sollicite
une esthétique de l’abstraction et du signe, confère à l’œuvre une des
dimensions de sa modernité.
Lors du vernissage, un
rapide exposé présentera l’exposition et la démarche de l’écrivain ; le
texte sera à disposition du public. Accueillie en premier lieu par la
Biblothèque universitaire et au Château de Castries l’exposition sera ensuite
présentée en d’autres lieux, à l’initiative du milieu associatif, et sera
l’occasion d’interventions sur l’œuvre de M. Dib ou sur la prise de parole
littéraire en langue française des écrivains algériens.
4.2. France
et Algérie. Destins et imaginaires croisés.
Cette exposition, réalisée
dans le cadre d’« Une année de l’Algérie en France » par les Archives
d’Outre-mer à Aix-en-Provence, retrace sur un siècle et demi, avec une fidélité
historique et une honnêteté intellectuelle remarquables, le parcours tumultueux
des relations entre la France et l’Algérie aux plans politique, culturels,
humains. La présence de l’exposition Les lieux de l’écriture et le
calendrier propre de circulation de cette autre exposition n’en permettait pas
l’accueil simultané. Elle sera présentée en janvizer 2004 en même temps que la
précédente dans la bibliothèque interuniversitaire à l’Université Paul Valéry.
Elle sera l’objet d’une table ronde et d’un débat.
NB. Le symposium et les animations culturelles sont accueillis le jeudi 13 novembre à la Délégation Régionale du CNRS en Languedoc-Roussillon, et le vendredi 14 par le Centre Régional des Lettres du Languedoc-Roussillon au Château de Castries ; les expositions seront à nouveau présentées en janvier à l’Université Paul Valéry