ZOLA
ASSASSINÉ, de Jean Bedel (préface d'Henri
Mitterand), Flammarion, 224 p., 18 €.
A l'occasion du cinquantenaire de la mort de Zola, le journaliste
Jean Bedel publie dans le Libération de l'époque, en 1953,
une enquête sur les circonstances de cette mort par asphyxie à
l'oxyde de carbone à son domicile. L'enquête officielle avait conclu
à un accident, provoqué par une mauvaise aération de la chambre et
du conduit de la cheminée. Jean Bedel rapporte le témoignage d'un
retraité, Pierre Hacquin, qui lui avait dit qu'un ami à lui,
exerçant la profession de fumiste, et dont il ne pouvait révéler le
nom, lui aurait avoué, vingt-cinq ans auparavant, à Sarcelles, qu'il
avait assassiné Zola en bouchant sa cheminée. Aucun élément nouveau
n'apparaît ensuite sur cette histoire, qu'Armand Lanoux reprend dans
sa biographie Bonjour, monsieur Zola, parue en 1954. En 1978,
cependant, Jean Bedel révèle le nom du fumiste dans un court article
du Quotidien de Paris : Henri Buronfosse. Cet article
passe inaperçu. Les biographes de Zola qui suivent, Henri Troyat en
1992, l'Américain Frederick Brown en 1995, ignorent ce nom et ne
font aucune recherche.
Pour écrire son Guide Zola, Alain Pagès reprend le
dossier, découvre avec surprise en travaillant aux Archives de Paris
et aux Archives de Sarcelles qu'il est possible de reconstituer la
vie de cet homme et que le profil du personnage, son appartenance à
la Ligue des patriotes, organisation nationaliste et antisémite
virulente fondée par Déroulède, la date de création de son
entreprise de fumisterie, les modifications qu'il apporte à des
documents d'état civil (il ajoute les prénoms Charles et
Emile à son patronyme) rendent sa confession très plausible.
L'absence d'enquête policière sur la présence signalée de fumistes
sur les toits de l'immeuble de la rue de Bruxelles où habite Zola
est troublante. Un fumiste peut très bien avoir bouché la cheminée
avec un tampon qu'il aurait retiré le lendemain de la mort de Zola,
qu'il n'avait peut-être pas voulue. Un acte de malveillance qui
aurait mal tourné...
Alain Pagès a communiqué en octobre 2001 les résultats de sa
recherche à Jean Bedel, qui voulait reprendre le témoignage
recueilli de P. Hacquin et en faire un livre. Ce livre très
vivant et de lecture aisée reprend la reconstitution de la vie
fournie par Pagès et y ajoute quelques réflexions personnelles, dont
certaines peu crédibles. Ainsi la thèse de la complicité du
domestique de Zola, Jules Delahalle, paraît inutile pour conforter
l'hypothèse désormais tout à fait plausible, et que, pour sa part,
Henri Mitterand comme Alain Pagès acceptent : que l'assassinat
auquel tant de ligues patriotiques et antisémites avaient appelé ne
peut être démontré de façon certaine, mais que de très fortes
présomptions existent.
Michel Contat