Les traits de
la modernité
(ces
notes proviennent de l’article de Jean Baudrillard dans L’Encyclopédie
Universalis.)
Le
mot lui-même est présent pour la première fois chez Théophile Gautier et
Charles Baudelaire vers 1850. C’est le moment où la société moderne se pense en
termes de modernité.
- " La modernité est un mode de
civilisation caractéristique, qui s’oppose au mode de la tradition,
c’est-à-dire à toutes les autres cultures antérieures ou
traditionnelles. "
- " La modernité n’est pas un
concept d’analyse, il n’y a pas de lois de la modernité, il n’y a que des
traits de la modernité. Il n’y a pas non plus de théorie, mais une logique
de la modernité, une idéologie. Morale canonique du changement,
elle s’oppose à la morale canonique de la tradition. "
- " Liée à une crise historique
et de structure, la modernité n’en est pourtant que le symptôme. Elle
n’analyse pas cette crise, elle l’exprime de façon ambiguë, dans une fuite
en avant continuelle. Elle fait de la crise une valeur. "
- La pensée individualiste et
rationaliste moderne
(de Descartes et de la philosophie des Lumières) sont les
fondements philosophiques et politiques de la modernité.
- La modernité deviendra un mode de vie,
après avoir été d’abord une idée, liée au progrès.
- " Le progrès continuel des
sciences et des techniques, la division rationnelle du travail industriel
introduisent dans la vie sociale une dimension de changement
permanent. "
- Avec la croissance démographique, la
concentration urbaine, le développement des communications, la modernité
devient une pratique sociale et mode de vie articulé sur le changement,
l’innovation, aussi sur l’inquiétude, l’instabilité,
la mobilisation continuelle, la subjectivité mouvante, la tension,
la crise.
- " La modernité va susciter à
tous les niveaux une esthétique de rupture, de créativité
individuelle, d’innovation partout marquée par le phénomène
sociologique de l’avant-garde et par la destruction toujours plus
poussée des formes traditionnelles (les genres en littérature, les règles
de l’harmonie en musique, les lois de la perspective et de la figuration
en peinture, l’académisme et, plus généralement, l’autorité et la
légitimité des modèles antérieurs en matière de mode, de sexualité et de
conduites sociales.) "
- " La tradition vivait de
continuité et de transcendance réelle. La modernité, ayant inauguré ;a
rupture et le discontinu, s’est refermée sur un nouveau cycle. Elle a
perdu l’impulsion idéologique de la raison et du progrès et se confond de
plus en plus avec le jeu formel du changement. Même ses mythes se
retournent contre elle (celui de la technique, jadis triomphal, est
aujourd’hui lourd de menaces). Les idéaux, les valeurs humaines qu’elle
s’était donnée lui échappent : elle se caractérise de plus en plus
par la transcendance abstraite de tous les pouvoirs. La liberté y
est formelle, le peuple y devient masse, la culture y devient mode. Après
avoir été une dynamique du progrès, la modernité devient lentement un
activisme du bien-être. Son mythe recouvre l’abstraction grandissante de
la vie politique et sociale, sous laquelle elle se réduit peu à peu à
n’être qu’une culture de la quotidienneté. "