Beate BURTSCHER-BECHTER, Algerien – ein Land sucht seine Mörder. Die Entwicklung des frankophonen algerischen Kriminalromans (1970-1998.) Frankfurt, IKO, 1999, 300pp.

Beate Burtscher-Bechter a soutenu sa thèse sur le roman policier algérien sous la direction de Ursula Mathis-Berek à l'Université de Innsbruck, après avoir consacré au préalable un DEA sous la direction de Guy Dugas au même sujet. Son travail de recherche vient d'être publié dans la collection 'Studien zu den frankophonen Literaturen außerhalb Europas' dirigée par János Riesz, Karsten Garscha et Hans-Jürgen Lüsebrink.

Le corpus d'investigation que s'est fixé l'auteur, mise à donner une vue d'ensemble des conditions d'émergence du genre policier en Algérie et à présenter l'évolution qu'a connue ce même genre. Le corpus comporte le nombre impressionnant de 33 textes recouvrant les années 1970 à 1998 se limitant toutefois au domaine de l'expression française.

Beate Burtscher-Bechter se place sur la même ligne d'investigation que Rédha Belhadjoudja. Il a déblayé le terrain et posé les premiers piliers avec sa thèse (Alger 1993) intitulée Traitement de la notion de suspense dans le roman policier algérien ou la naissance du polar en Algérie, car celle-ci représente le premier travail plus vaste consacré au sujet ; mais ici le corpus est beaucoup plus limité, à savoir aux six romans d'espionnage de Youcef Khader.

Burtscher-Bechter écarte quelques textes récents : Causse toujours ! de Mouloud Akkouche paru dans la série 'Le Poulpe' et Avis déchéance (1998) parce qu'ils ne se refèrent pas à l'Algérie (p. 18) ; De bonnes nouvelles d'Algérie de Chawki Amari (Paris 1998) parce qu'il s'agit de douze courts récits, des "nouvelles noires" qui seraient plutot des contes fantastiques (p. 18). Ses omissions volontaires ne sont pas absolument convaincantes, mais s'expliquent par la finalité du développement du genre en Algérie que l'auteur constate de manière quelque peu hégélienne avec le saut qualitatif final réalisé par les polars de Yasmina Khadra et Commissaire Llob. A ce sujet, il faudra attendre les futurs roman noirs à paraître.

L'auteur maitrîse tout aussi bien les récentes recherches françaises et allemandes concernant le domaine du roman policier, car, soit dit en passant, l'apport de la recherche en langue allemande dans ce domaine, est loin d'être négligeable. L'analyse des textes est toutefois moins fructifiante que l'on aurait souhaité et se limite à des pivots de lecture plus traditionnnels qui ne sont pas toujours mis directement en rapport avec les lois du genre policier tels que l'espace et les personnages. Elle établit cinq phases dans le développement du genre en Algérie : les débuts durant les années 70 avec les textes de Youcef Khader et Abdelaziz Lamrani ; au début des années 80 Larbi Abahri et Zehira Houfani Berfas tâchent d'ancrer leurs héros au pays même tout en copiant les lois établies du genre ; vers la fin des années 80 Djamel Dib et Salim Aïssa qui utilisent l'argot et des jeux de mots font se dérouler l'action en Algérie ; les textes de Rabah Zeghouda et Mohamed Benayat, parus à peu près à la même période, sont traités à part, "car leur structure et leurs contenus ne permettent que difficilement de les intégrer dans le développement général du genre en Algérie" ; la dernière phase est représentée par les textes de Yasmina Khadra. A la fin elle élargit son champ d'investigation en considérant brièvement (pp. 277-283) le policier au Maroc et en Tunisie.

Il s'agit d'une thèse bien documentée et achevée sur un sujet en développement et cette thèse mériterait, à mon avis, d'être traduite en français[1].

Susanne Heiler. Université de Heidelberg.

 



[1] Note de Charles Bonn : La thèse a été soutenue dans les deux langues. La version française se trouve en téléchargement sur le site et sur le CD-Rom Limag.