Beate Burtscher-Bechter a soutenu
sa thèse sur le roman policier algérien sous la direction de Ursula
Mathis-Berek à l'Université de Innsbruck, après avoir consacré au préalable un
DEA sous la direction de Guy Dugas au même sujet. Son travail de recherche
vient d'être publié dans la collection 'Studien zu den frankophonen Literaturen
außerhalb Europas' dirigée par János Riesz, Karsten Garscha et Hans-Jürgen
Lüsebrink.
Le corpus d'investigation que s'est
fixé l'auteur, mise à donner une vue d'ensemble des conditions d'émergence du
genre policier en Algérie et à présenter l'évolution qu'a connue ce même genre.
Le corpus comporte le nombre impressionnant de 33 textes recouvrant les années
1970 à 1998 se limitant toutefois au domaine de l'expression française.
Beate Burtscher-Bechter se place
sur la même ligne d'investigation que Rédha Belhadjoudja. Il a déblayé le
terrain et posé les premiers piliers avec sa thèse (Alger 1993) intitulée Traitement
de la notion de suspense dans le roman policier algérien ou la naissance du
polar en Algérie, car celle-ci représente le premier travail plus vaste
consacré au sujet ; mais ici le corpus est beaucoup plus limité, à savoir
aux six romans d'espionnage de Youcef Khader.
Burtscher-Bechter écarte quelques
textes récents : Causse toujours ! de Mouloud Akkouche paru
dans la série 'Le Poulpe' et Avis déchéance (1998) parce qu'ils ne se
refèrent pas à l'Algérie (p. 18) ; De bonnes nouvelles d'Algérie de
Chawki Amari (Paris 1998) parce qu'il s'agit de douze courts récits, des
"nouvelles noires" qui seraient plutot des contes fantastiques (p.
18). Ses omissions volontaires ne sont pas absolument convaincantes, mais
s'expliquent par la finalité du développement du genre en Algérie que l'auteur
constate de manière quelque peu hégélienne avec le saut qualitatif final
réalisé par les polars de Yasmina Khadra et Commissaire Llob. A ce sujet, il
faudra attendre les futurs roman noirs à paraître.
L'auteur maitrîse tout aussi bien
les récentes recherches françaises et allemandes concernant le domaine du roman
policier, car, soit dit en passant, l'apport de la recherche en langue
allemande dans ce domaine, est loin d'être négligeable. L'analyse des textes
est toutefois moins fructifiante que l'on aurait souhaité et se limite à des
pivots de lecture plus traditionnnels qui ne sont pas toujours mis directement
en rapport avec les lois du genre policier tels que l'espace et les
personnages. Elle établit cinq phases dans le développement du genre en
Algérie : les débuts durant les années 70 avec les textes de Youcef Khader
et Abdelaziz Lamrani ; au début des années 80 Larbi Abahri et Zehira
Houfani Berfas tâchent d'ancrer leurs héros au pays même tout en copiant les
lois établies du genre ; vers la fin des années 80 Djamel Dib et Salim
Aïssa qui utilisent l'argot et des jeux de mots font se dérouler l'action en
Algérie ; les textes de Rabah Zeghouda et Mohamed Benayat, parus à peu
près à la même période, sont traités à part, "car leur structure et leurs
contenus ne permettent que difficilement de les intégrer dans le développement
général du genre en Algérie" ; la dernière phase est représentée par
les textes de Yasmina Khadra. A la fin elle élargit son champ d'investigation
en considérant brièvement (pp. 277-283) le policier au Maroc et en Tunisie.
Il s'agit d'une thèse bien
documentée et achevée sur un sujet en développement et cette thèse mériterait,
à mon avis, d'être traduite en français[1].
Susanne
Heiler. Université de Heidelberg.
[1] Note de Charles Bonn : La thèse a été soutenue dans les deux langues. La version française se trouve en téléchargement sur le site et sur le CD-Rom Limag.